Levi Leipheimer a pris le départ de neuf Tours de France, en a terminé quatre dans les dix premiers et un sur le podium. Troisième en 2007, il était de l’incroyable bagarre avec Alberto Contador et Cadel Evans. Pour autant, l’Américain reste aussi l’une des figures d’une période marquée par le fléau du dopage, où chaque vainqueur était soupçonné de tous les maux. Pour la Chronique du Vélo , Leipheimer revient sur son coup de foudre pour le Tour, ses meilleurs moments sur la Grande Boucle mais aussi sur les années noires du vélo et ses aveux en 2012.

Que représente le Tour de France pour vous, qui venez de l’autre côté de l’Atlantique ?

Depuis que je suis enfant, c’est un vrai rêve. Je regarde le Tour de France depuis 1987. Cette année-là j’ai vu une vidéo de la course et je l’ai regardée en boucle. J’avais 13 ans à l’époque et je peux dire que ça m’a réellement marqué. C’est comme ça que j’ai su ce que je voulais faire dans la vie. Je voulais rouler au Tour de France, dédier ma vie au cyclisme.

En tant qu’Américain, Greg LeMond a dû faire grandir ce rêve…

Je me rappelle exactement où j’étais assis lorsqu’il a gagné en 1989 à Paris lors de ce fameux contre-la-montre contre Laurent Fignon. C’est quelque chose dont je me souviendrais toujours, ça m’a profondément inspiré à devenir ce que je suis. J’avais alors 15 ans, je commençais à prendre le vélo plutôt sérieusement et Greg Lemond était à l’époque l’un de mes grands héros.

« Je me rappelle encore ces instants à rouler à travers la place de la Concorde, regarder l’Arc de Triomphe, c’était tellement grand… »

Levi Leipheimer

En 2002, vous participez à votre premier Tour de France avec la Rabobank. Avez-vous un souvenir particulier de cette première fois ?

J’en garde beaucoup ! Je pense particulièrement à la première fois où j’ai roulé sur les Champs-Élysées. C’était le « big deal » parce que j’ai réalisé que j’avais terminé le Tour de France, un rêve que j’entretenais depuis mes 13 ans. Je me rappelle encore ces instants à rouler à travers la place de la Concorde, regarder l’arc de triomphe, c’était tellement grand… Vous savez, le Tour de France est le sommet du cyclisme, la course la plus importante du monde. Et ce n’est pas seulement le plus grand événement de notre sport, le Tour est aussi tout en haut de l’échelle des compétitions sportives mondiales. C’est pour ça que je voulais toujours être au mieux pendant ces trois semaines de juillet.

Avec le recul, quel fut votre plus grand moment sur le Tour ?

Je dirais ma troisième place en 2007. Être sur le podium à Paris, c’était un moment sensationnel, unique.

En 2007, justement,vous explosez la concurrence lors du dernier contre-la-montre. Quel était votre état d’esprit au matin de cette avant dernière étape?

J’étais vraiment heureux et mon esprit était très clair. J’étais confiant dans mes possibilités de ce jour-là, et je ne saurais dire pourquoi, je savais que je gagnerais ce contre-la-montre. Je me sentais au top physiquement et mentalement j’étais déjà très satisfait de mon Tour, j’avais assuré ma troisième place, une première pour moi. Je savais au départ de cette étape que je finirais sur le podium quoi qu’il arrive. Cet accomplissement m’avait retiré de la pression, j’étais dans les meilleures dispositions physiques et mentales pour réussir un grand chrono. Dans ma tête, j’étais prêt. Sur le vélo, je l’ai fait.

« Je ne saurais dire pourquoi, je savais que je gagnerais ce contre-la-montre. »

Levi Leipheimer

Vous gagnez alors votre première étape sur le Tour, mais en même temps, vous passez à trente secondes de la victoire finale. Le sentiment devait être mitigé, non ?

Pas du tout ! J’ai fait le meilleur temps que je pouvais faire. C’était concrètement impossible d’aller trente secondes plus vite sur ce parcours, donc je ne pouvais pas être déçu à l’arrivée. Avec le recul, je ne regrette rien de ce Tour de France, je pense avoir fait du mieux que je pouvais. Contador, mon coéquipier, était meilleur que je ne l’étais en montagne donc il n’y a ni regret, ni déception.

Trente et une secondes entre les trois premiers, c’est le podium le plus serré de l’histoire. Reverra-t-on un Tour si disputé un jour ?

J’espère que notre record sera battu car ça signifiera qu’on aura eu le droit à une très belle course. C’est tellement excitant à regarder quand les meilleurs se tiennent en si peu de temps.

Après vos aveux en 2012, cette victoire, comme beaucoup d’autres, a été effacée de votre palmarès et de l’histoire du cyclisme. Est-ce décevant de voir votre nom barré ainsi ?

Non. Je pense que ce qui est décevant, c’est que le cyclisme ait été comme ça. Ce qui me déçoit, c’est d’avoir couru à cette période, que ce soit en 2007 ou avant. Je pense que maintenant, dix ans plus tard, la situation du cyclisme est bien meilleure et de loin. J’ai couru pendant la mauvaise ère du vélo.

Quelle a été la réaction du peloton à ce moment là ?

Au moment où je me suis confessé, tout le monde était ok avec ça. Les gars savaient ce qui était arrivé, qu’il y avait d’autres coureurs impliqués au même moment. Je pense que des aveux quinze ans plus tôt auraient pu surprendre, mais là, mes confessions ont été bien accueillies.

Votre confession en 2012 vous a-t-elle soulagé ?

Je pense qu’à l’époque j’espérais qu’une plus large vérité soit dite sur cette période du cyclisme. Dans ce sens, ça a été alors pour moi un soulagement. D’un autre côté, c’était décevant de voir que l’entière vérité ne soit pas révélée.

L’entière vérité ?

On a pu avoir parfois l’impression que ce n’était qu’un petit pourcentage du peloton qui utilisait ces moyens. En vérité, je pense que tout le monde sait que ce n’était pas vrai. Le dopage n’était pas une exception, c’était la norme.

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