Rigoberto Uran n’a pas assuré le spectacle sur ce Tour de France, et à vrai dire, il s’en moque. Le Colombien n’avait certainement pas envie de prendre des risques pour aller chercher le maillot jaune, préférant assurer sa place sur le podium de la Grande Boucle. Choix compréhensible, mais en même temps si décevant.

Sans panache

Ce Tour 2017 était peut-être la chance de la vie de Rigoberto Uran. A trente ans, les occasions de prendre le maillot jaune seront désormais de plus en plus rares. Certes, le Tour n’est pas fini, et le Colombien n’a que vingt-neuf secondes de retard à reprendre sur Chris Froome, avec un contre-la-montre long d’une vingtaine de kilomètres. L’écart n’est pas insurmontable, si Uran réalise les mêmes performances que sur les Giro 2013 et 2014 et que le Britannique passe à travers. Seulement voilà, à Düsseldorf, Uran a terminé loin des meilleurs, à plus d’une minute du vainqueur Geraint Thomas. La dernière grande performance du Colombien sur un contre-la-montre date d’il y a deux ans, au Tour de Romandie, où il avait battu d’une poignée de secondes Chris Froome sur une distance à peu près similaire à celle de samedi.

Autant dire que le doute plane sur les réelles capacités du leader de Cannondale, malgré les déclarations des uns et des autres. Chris Froome en a fait son principal adversaire pour la victoire finale. Mais les grands rouleurs ne pourront pas vraiment exprimer tout leur potentiel. « Le parcours est assez technique, il y a pas mal de virages, nous confie Pierre Rolland, coéquipier du Colombien. « je pense que les écarts seront réduits. » Tout miser sur le chrono ne semble donc pas une stratégie payante. Le Colombien aurait pu attaquer dans les Alpes. Il déclarait d’ailleurs il y a quelques jours que dans l’Izoard, il allait « suivre avec les yeux bien ouverts et voir où attaquer pour faire le plus de dégâts. » Uran n’a donc pas vu la brèche et n’a pas forcé sa nature. « Il ne se casse pas la tête, vous voyez comment il court, il est pareil dans la vie. Tranquille », décrit Pierre Rolland.

Maillot jaune des bonifications

Uran ne s’attendait pas à être encore en lice pour le podium après les Alpes, et même pour la victoire finale à Paris. En toute logique, il n’affiche pas de grandes ambitions. « C’était important aujourd’hui d’être devant et de ne pas céder de temps. On a monté l’Izoard très rapidement, c’était très dur, mais tout va bien. Désormais, il faut se concentrer sur le contre-la-montre qui sera encore plus compliqué, parce qu’il arrive en fin de Tour. » Mais derrière ce discours, une autre réalité se cachait. Jonathan Vaughters, le manager de l’équipe Cannondale expliquait ce matin au Parisien qu’aujourd’hui, il fallait « faire la vraie guerre. » La bataille a eu lieu, mais Uran est resté terré dans sa tranchée, presque en déserteur. « Il se contente de suivre et il fait les bonifs à l’arrivée », pestait même hier son rival Romain Bardet. Le Colombien a ainsi grappillé vingt-deux secondes en disputant les sprints à l’arrivée.

L’attitude ne plaît pas vraiment, mais en réalité, Uran va au bout de ses limites. Au sommet de l’Izoard aujourd’hui, il a terminé dans le même état que Bardet, à bout de souffle. Personne ne pouvait imaginer Uran à ce niveau-là, après trois semaines de course, et lui-même ne l’espérait certainement pas. Alberto Bettiol, son coéquipier italien, expliquait hier à L’Equipe : « On a démarré ce Tour avec l’objectif d’avoir quelqu’un dans les dix ou quinze, mais on ne pensait pas au podium. » La surprise est de taille, et Uran sait qu’une occasion pareille de terminer sur la photo aux côtés du vainqueur devant l’Arc de Triomphe ne se représentera certainement pas de si tôt. Le choix d’assurer à tout prix ce podium est humain. L’une des rares fois où on l’a vu rouler à l’avant du groupe des favoris, c’était hier pour définitivement distancer Fabio Aru. Uran est ambitieux, mais pas trop. En ce jour de fête nationale en Colombie, l’euphorie n’est pas montée à la tête du leader de Cannondale. Seul le podium compte.

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