Un an après l’échec en Corse, Mark Cavendish avait à cœur de rayer de sa mémoire personnelle cette frustration de carrière. Des chutes massives en domino avaient réduit au néant ses espoirs de maillot jaune lors d’une édition sans prologue et au final plat, et cette scène de cauchemar est réapparue au pire moment ce samedi, à Harrogate. Pris de court par les Giant, c’est le drame lorsque son coude vient heurter le guidon de Simon Gerrans. Patatra, et c’est plus qu’une victoire où un maillot qui s’envole, mais peut-être bien un Tour entier…

Ce ne sera pas encore pour cette année

Déjà, en 2013, ASO avait l’impression de faire un cadeau à Mark Cavendish en proposant une première étape en ligne dénuée de difficultés le long du littoral de l’Île de Beauté, entre Porto-Vecchio et Bastia. Etiquetté en tant que meilleur sprinteur du monde après de razzias consécutives entre 2008 et 2012, au sein de T-Mobile, Columbia, HTC et Sky, c’est avec Omega Pharma – Quick Step et un train reconstitué que l’homme de Man pensait pouvoir décrocher son plus grand rêve. Mais, rapidement mis hors-jeu par les événements, la victoire, alors surprise, de Kittel, marquait le commencement d’une nouvelle domination allemande sur les sprints du Tour de France. Le vainqueur de Milan-Sanremo 2009 fut forcément vexé, et comptait bien sur une deuxième offrande pour remettre les pendules à l’heure dans son jardin. Placer la ligne d’arrivée à quelques mètres du domicile de sa mère, là où il a passé une partie de son enfance ? Il ne pouvait franchement pas rêver mieux, et il était écrit qu’après le premier flop des JO de Londres arrivant sur The Mall, le Britannique allait corriger le tir et écrire l’histoire. Une histoire qui s’est révélée conduite par l’incroyable engouement populaire au départ de Leeds et tout le long d’une étape sous le signe de la découverte des paysages du Yorkshire, ayant doublé tout le monde pour l’obtention du Grand Départ 2014. Et au moment d’entamer un emballage final décousu, nerveux, et surtout brutal après le rythme de sénateur infligé par Cheng Ji et les Lotto, c’est toute une terre qui s’est écroulée sous le détenteur de 25 bouquets en juillet.

Jamais deux sans trois, ce sera l’adage, cruel, mais implacable, qui est venu clore le scénario d’une journée à l’aspect qui paraissait cousu d’avance. Quelques courageux devant pour montrer la voie et s’arracher le premier maillot à pois, puis, une affaire de gros bras sur un faux plat assez corsé ? La pression cachée derrière les hourra d’une région entière et les drapeaux, où autres banderoles à son effigie, a t-elle eu raison du Cav, réputé pour ses sautes d’humeur ? Comme si la peur de perdre l’avait rongé, sa chute est due à une volonté de forcer le passage là où c’était tout bonnement surréaliste, avec Gerrans et Coquard à sa gauche. Regrettable au final, d’autant plus que cela est intervenu après un travail de sape des membres de la formation de Wilfried Peeters. Hormis un Petacchi lâché assez tôt dans la journée, c’est les huit autres hommes en noir et blanc qui ont pris les rênes du peloton pour déposer sur orbite leur champion. Rageant et frustrant, car ce maillot jaune ne semblait pas pouvoir lui échapper. Cette fois, c’est pour de bon. Le départ d’Utrecht en 2015 renouera avec les joies de l’exercice chronométré.

Peut-il se refaire la cerise ?

Malgré des premiers examens médicaux rassurants qui n’ont rien décelé de grave, en dépit des signes inquiétants du chouchou du public, se tenant la clavicule et le bras, la perspective de voir un Mark Cavendish à 100% de ses moyens à court terme semble s’éloigner. Rappelons nous encore que sur l’édition 2013 de la Grande Boucle, une chute massive dans laquelle il avait été impliquée, à Marseille, l’avait diminué pour la suite de la compétition. Si demain, on se profile vers une journée grupetto assez tranquille aux côtés d’un où deux compagnons à travers les côtes insolites dénichées entre York et Sheffield, le second sprint massif à Londres, qui plus est, ne devrait pas voir un Cavendish entièrement rétabli. Pire, c’est aussi des points importants pour le maillot verts qui ont été lâchés en route, en plus d’un sprint intermédiaire remporté par Coquard devant Greipel. 65 points étaient en jeu aujourd’hui, et Sagan, deuxième de l’étape et sans doute dans les premières positions dimanche, pourrait déjà faire un break au combien important.

Enfin, pourra t-il aussi se remettre sur pieds mentalement ? Très émotif, le coureur de 29 ans a déjà par le passé montré des signes de faiblesse quand rien ne semble lui réussir dans une certaine période. Et le bis de Kittel pour le maillot jaune ne devrait rien arranger. L’Allemand vise en effet à s’accaparer de manière définitive le leadership mondial du sprint, après une première partie d’année 2014 où la dream team d’Omega Pharma ne s’est pas montré souveraine face à l’armada Giant-Shimano. Bref, en une étape et une journée si particulière, Cavendish a peut-être perdu très gros à tout les niveaux, et a loupé incontestablement l’occasion de donner le ton des prochains jours. Un Cavendish énervé, blessé au fond de lui, n’est que plus dangereux par la suite, pour ses rivaux, et pour lui-même. A lui de remonter une pente qui à tout l’air d’être inclinée…

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