Revoilà Marcel Kittel sur les podiums du World Tour ! Miné par un virus depuis l’hiver, le meilleur sprinteur présumé du peloton a du abandonner son trône sur le Tour de France et nombreuses autres semi-classiques, laissant planer un certain doute sur sa capacité à récupérer d’une longue période d’inactivité, physiquement et mentalement. Mais l’Allemand semble être reparti dans un nouveau cycle avec pour objectif, retrouver les sommets auxquels il était tant habitué. Pas si simple que cela, même pour l’un des plus grands talents de ces dernières années.

Un retour aux sources en Pologne

En 2011, Marcel Kittel évoluait encore dans les divisions inférieures du cyclisme mondial, dans la petite équipe Skil-Shimano. Vivant sa première année en tant que professionnel, le Thuringien allait très vite donner le ton, en étant proche de réaliser un Grand Chelem aux Quatre Jours de Dunkerque, avant de s’imposer quatre fois sur sa première course World Tour d’une semaine, le Tour de Pologne. Impressionnant, battant entre autre régulièrement Peter Sagan, Heinrich Haussler ou encore John Degenkolb, le nouveau monstre de puissance s’est construit un remarquable palmarès pour sa première année, en débloquant de manière précoce son compteur sur un Grand Tour. Alors, au moment de reprendre le chemin de la compétition, Kittel n’a pas hésité, et a sans doute voulu se remettre en jambes en terrain conquis. Invisible au plus haut niveau depuis le critérium d’ouverture du Tour Down Under, Kittel avait déjà du faire une grosse coupure, du Qatar au Yorkshire, avant d’espérer revenir au top sur la Grande Boucle. Mais malheureusement pour lui, les effets tenaces de ses problèmes de santé ne l’ont pas lâché de si tôt, et ses performances médiocres sur des courses comme le ZLM Toer ont révélé son inaptitude physique pour le mois de juillet.

Il fallait alors se remettre en selle vers de nouveaux objectifs, en opposition complète par rapport au programme de routine du champion des dernières lignes droites. Obligation de tout reprendre de zéro, refonte du planning d’entraînement, axé autour de la reprise d’éventuelle sensations, sans oublier une très probable augmentation de l’intensité des exercices physiques, cardiaques, pour affronter le choc d’une reprise ou le droit à l’erreur ne lui était pas permis. Car pendant toute son absence, les spéculations allèrent bon train sur la probabilité d’un retour au plus haut niveau de celui qui a déjà remporté huit étapes du Tour et porté à deux reprises le maillot jaune au terme de la première étape. Il faut dire que dans le passé, certains n’ont jamais retrouvé leurs jambes de feu suite à pareilles mésaventures, et que l’impuissance vaine du coureur de Giant-Alpecin sur des étapes de plaine qui s’apparenteraient en temps normal à des simples formalités n’a rien arrangé. Enfin, pour corser un petit plus la donne, le compatriote de Kittel, André Greipel, s’est accaparé les feux des projecteurs médiatiques, en remportant étapes sur étapes au Giro et au Tour. Quant à son ami Degenkolb, c’est tout simplement Paris-Roubaix qu’il est allé chercher. La preuve de la constante évolution du paysage hiérarchique.

Un come-back à court ou à long terme ?

Une fois sorti du dangereux bourbier dans lequel il s’est enfoncé, le bolide germanique devra également trancher sur le choix de ses objectifs. Se serait-il senti prêt et capable de revenir sur la Vuelta ? Le grand départ sera donné le samedi 22 août, et les hommes rapides devraient profiter de six ou sept finishs à leurs convenances. Une manière pour Kittel de marquer son retour en haut de l’affiche, mais à priori, on ne s’oriente pas vraiment vers ce chemin-ci, du côté du staff minutieux de l’ex-Argos. Au moment d’annoncer la suite des événements après le forfait pour juillet, le manager Iwan Spekenbrink avait démenti toute participation au Tour d’Espagne, en déclarant que son poulain irait se tester sur la Vatenfall d’Hambourg, et la classique de Plouay, à la fin du mois. Visiblement, même si l’on respire à l’optimisme du côté de son clan, Kittel ne semble pas encore taillé pour disputer trois semaines de course harassantes, et les classiques et étapes plutôt longues seront privilégiées. Après son passage en Bretagne, il devrait prendre la destination de la Brussels Cycling Classic, avant de peaufiner sa préparation pour Paris-Tours, qui devrait symboliser sa (re)prise de pouvoir.

Mais d’ici le mois d’octobre, il y a encore beaucoup de travail à opérer. Bien que vainqueur de la première étape en ligne du Tour de Pologne à Varsovie, à l’arrivée d’un circuit technique et peu adapté aux vrais sprinteurs, Kittel est tout sauf impérial pour l’instant. Battu depuis par Pelucchi, outsider des sprints massifs, le coureur originaire d’Outre-Rhin fait preuve d’une frilosité, certes relative, mais compréhensible, au moment de l’emballage final. Si cela ne remet pas en question son affûtage, ces petits dysfonctionnements évoquent la patience nécessaire qu’il devra adopter pour retrouver ses fameux réflexes, faisant de lui un véritable animal à terrasser. Dernier petit complément pour finir, l’état des repères qui le lient avec son train, imbattable lorsque la dynamique crée est en sa faveur. Si certains éléments, comme Geschke, Sinkeldam, de Backer, Arndt, ont pu s’épanouir pendant que leur leader tentait de récupérer, il n’empêche qu’une bonne partie du boulot collectif est à reconstruire, ne serait-ce que pour mieux mettre en confiance Marcel Kittel, orphelin des autres maillots noirs hier, et septième à l’arrivée. Du coup, on pourrait bien se diriger vers une très longue préparation, censée amener dans les meilleures dispositions possibles le natif d’Arnstadt au départ de la prochaine Grande Boucle ! Mais pour le principal intéressé, il lui paraît évident de profiter de sa victoire en ouverture et du port du maillot de leader. Cela faisait un an qu’il n’avait plus goûté à la victoire officielle. Autant dire, une sacrée éternité.

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