Demain, c’est sans aucun doute le contre-la-montre individuel le plus attendu de l’année qui se déroulera aux États-Unis, pour le compte des championnats du Monde. Certes, il y avait bien les quatorze kilomètres inauguraux dans le rues d’Utrecht, donnant le coup d’envoi du 102è Tour de France. Mais déjà, les aléas de la première moitié de saison avaient eu un impact déterminant sur les états de forme de chacun, et comme pour mieux illustrer l’année 2015, c’est l’outsider Rohan Dennis qui a décroché le gros lot. Mais l’ogre de ces dernières années voudra se réapproprier le butin, et se rapprocher des records.

Le triomphe, puis la chute en juillet.

La saison de l’Allemand aurait très bien pu se limiter à ce seul mois de juillet, ou, venu spécifiquement pour la première semaine, le triple champion du monde du chrono a gagné une étape dans son style et porté le maillot jaune. Sauf qu’à peine après s’être habitué à la tunique colorée, Martin a lourdement chuté dans le final au Havre. Bilan, une clavicule cassée, montrée devant tous par son incapacité malheureuse à honorer les rites de la cérémonie protocolaire. Jusqu’alors, Tony Martin s’était rassuré depuis janvier, remportant des exercices chronométrés sur des courses de seconde zone comme le Tour d’Algarve, mais n’avait pas non plus impressionné de manière tranchante. Défait sur le prologue du Paris-Nice par son ami Kwiatkowski mais aussi Dennis, il n’a pas non plus réussi à s’illustrer au Tour du Pays Basque comme ce fut le cas en 2014. Seul point de passage réussi en World Tour, la Romandie, avec une victoire d’étape cependant au combien difficile, face à un Ilnur Zakarin transcendé. Non, on n’a pas eu affaire à un Tony Martin ultra dominateur, écœurant les spécialistes et régulateur des additions en minutes pour les grimpeurs. À l’inverse – mais est-ce totalement opposé et inconciliable ? – , c’est par son sens de l’offensive, des barouds d’honneur, son attention particulière vis-à-vis du collectif d’Etixx-Quick Step, que le nouveau trentenaire s’est attiré le respect d’une grande partie du public.

Comme si, au fond, Martin éprouvait une certaine lassitude à se ”contenter” d’un rôle d’homme du chrono, et de rien d’autre. Que ce soit sur des terrains vallonnés, voir presque montagneux, le “Panzerwagen” choisit de plus en plus régulièrement de passer à l’action, et de casser la règle mortifère de l’attentisme au sein des échappées fleuves. Un genre du raid auquel il s’est adonné sur le Dauphiné, mais dont on retient surtout son beau succès à Mulhouse, sur la Grande Boucle de l’année dernière. Il avait attaqué un groupe d’une trentaine de coureurs dès le premier col vosgien, et imposé sa cadence folle à des fuyards avant tous surpris. Mais, il n’empêche que c’est bel et bien dans son domaine de prédilection que ses chances de victoires sont les plus nombreuses, et à Utrecht, Martin a bien connu une deuxième désillusion franche dans sa carrière, en tant que meilleur rouleur du monde. L’Australien Rohan Dennis, sous-estimé à tort, est dans sa meilleure forme, et parvient à repousser Martin, Cancellara, Dumoulin et Malori à au moins cinq secondes de sa marque à 55,456 km/h de moyenne. Un vrai échec pour celui qui restait invaincu sur les chronos plats du Tour depuis 2013. Un résultat qui sonna comme une remise en question, à l’heure ou ce domaine atypique bénéficie d’un gros contingent de jeunes espoirs, à l’image de Stefan Küng, fils spirituel d’une autre référence helvète, ou encore Campbell Flakemore. Tous deux évoluent chez BMC, la double championne du monde du contre-la-montre par équipes. Tout un symbole, puisqu’à Ponferrada, en septembre dernier, l’équipe américaine avait mis à fin à deux années de succès pour la structure Quick Step de Martin.

Très revanchard au portique de départ

Touché dans son orgueil, non seulement par sa deuxième place aux Pays-Bas, mais aussi par cette chute qui l’a stoppé net dans son élan impressionnant, le triple vainqueur du Tour de Belgique a d’ores et déjà annoncé la couleur à la veille du grand rendez-vous. “Ce sera la médaille d’or, sinon rien”, pour celui qui “ne s’estime pas satisfait du résultat” de sa formation dimanche, lors de l’épreuve collective. Autre élément sur lequel Martin semble particulièrement s’appuyer pour faire état d’une telle confiance, sa supposée fraîcheur. Car en effet, son malencontreux accident à au moins eu le mérite de lui donner quelques jours de repos pendant l’été, et il n’a pas pris part à la Vuelta. C’est d’ailleurs la course espagnole, qui, selon lui, explique les raisons de la victoire de son rival Bradley Wiggins lors des derniers Mondiaux. L’ancien coureur d’HTC a donc plusieurs cicatrices à effacer, demain, sur les 53 kilomètres tracés en Virginie. Mais, bien entendu, il n’est pas le seul à lorgner au poste, et son principal souci restera de poursuivre sur sa dynamique du Tour du Poitou-Charentes, où le général lui est revenu. Mais un hic, encore, ce n’est pas sur le chrono qu’il s’est forgé sa victoire finale, mais au gré d’une régularité sans failles.

Il y avait ce jour là sur sa route un certain Adriano Malori. L’Italien excelle sur les courses intermédiaires, et en particulier sur les contre-la-montre de courte ou moyenne distance. Ses faiblesses s’exposent quand la distance dépasse les quarante kilomètre, chose que Rohan Dennis a également du mal à supporter. Évoquons également le forfait d’un Fabian Cancellara bien attristé par l’accumulation des mauvaises nouvelles depuis le printemps. Son plus sérieux rival serait donc Tom Dumoulin. Le Néerlandais, désormais valeur sûre du contre-la-montre depuis ses succès fondateurs au Pays Basque et en Suisse, a épaté la galerie par ses incroyables facultés de résistance sur la Vuelta. Lâchant prise in-extremis en haute montagne lors de l’avant-dernière étape sur un coup tactique des Astana, il avait assis sa domination au général par une démonstration implacable à Burgos, quand il fallait parcourir 37 kilomètres tout seul sur le vélo spécialisé. Mais, a t-il pu à la fois garder ses jambes de folie et reposer des organismes essoufflés après trois semaines de course ? Soit le coureur de Giant ou une autre surprise réalise un coup de maître, ou alors, Martin filera droit vers un quatrième sacre mondial, après les titres de Copenhague, Valkenburg et Florence. De quoi égaler Cancellara, encore maître à rouler il y a peu. Il y aurait même fort à parier pour que l’ancien vainqueur de la Course au Soleil en glane un cinquième avant de raccrocher, dans six ou sept grosses années. Un rêve, qui passe par la reconquête de son statut de géant sur ses pédales.

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