Troisième homme le plus prolifique de 2018, Dylan Groenewegen a gagné partout où il est allé cette année, dans l’ordre à Dubaï, au Portugal, sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne puis sur Paris-Nice. Et ça n’a pas surpris grand monde tant le Néerlandais de 24 ans est attendu, très vite, parmi les meilleurs sprinteurs du peloton. Encore un cran en dessous des quelques mastodontes de la dernière ligne droite, sa victoire l’an passé sur les Champs-Elysées lui a offert une nouvelle légitimité. Mais s’il conçoit que le sprint est sa carte numéro une, il ne veut pas délaisser des flandriennes qu’il adore et où il espère performer, pourquoi pas ce dimanche sur Gand-Wevelgem, et plus sûrement dans quelques semaines au GP de l’Escaut. De tout ça, le garçon a parlé à la Chronique du Vélo. Entretien.

Votre victoire sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne a encore prouvé que vous pouviez être au rendez-vous sur les pavés, vous aviez besoin de ça ?

Oui, tout à fait. J’aime les classiques, j’aime ces courses et gagner sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne nous a donné beaucoup de confiance à l’équipe et moi.

Vous avez déjà beaucoup gagné en 2018, vous aviez prévu d’être en forme si tôt ?

Exactement, Kuurne-Bruxelles-Kuurne et Paris-Nice étaient déjà des gros objectifs pour moi. J’ai fait du bon travail sur ces deux courses. J’ai été un peu malade sur Paris-Nice mais désormais je vais mieux donc j’espère que je vais pouvoir jouer la victoire sur les prochaines courses.

Chez les jeunes, vous avez gagné le Tour des Flandres. C’est important pour vous d’être présent sur les classiques ?

J’aime ces courses en Belgique, oui. Avant, je n’étais pas certain d’être assez fort sur ces courses-là mais ma victoire à Kuurne-Bruxelles-Kuurne m’a donné confiance pour la suite. Dans le futur, peut-être que je miserais sur les classiques même si bien sûr le sprint est mon atout numéro un, là où je suis le plus fort.

Vous semblez malgré tout à l’aise sur les pavés, et une course comme Gand-Wevelgem peut convenir aux sprinteurs.

Oui, c’est une course très dure, si je passe les bosses je pourrais peut-être sprinter dans un petit groupe, mais ce sera compliqué. Je pense que le GP de l’Escaut me correspondra davantage, mais ça ne m’empêchera pas d’essayer dimanche.

Et peut-on vous imaginer avec les meilleurs sur Paris-Roubaix ?

Je pense que ce sera trop dur pour moi. Le GP de l’Escaut sera un gros objectif, j’aime cette course et j’espère pouvoir la gagner. Mais pour Roubaix je pense que ce sera trop compliqué, et nous avons de meilleurs coureurs dans l’équipe.

« (Les Champs-Elysées), c’est le plus grand sprint que vous pouvez gagner. Ça a marqué. Certains coureurs sont venus me dire ‘Très gros sprint, bon travail’. »

Dylan Groenewegen

Chez Lotto-Jumbo, Lars Boom est sûrement le coureur le plus expérimenté sur les flandriennes. Qu’avez-vous appris de lui ?

J’ai couru une année avec lui (il a rejoint Lotto-Jumbo en 2017, ndlr), il est très fort. L’année dernière, il n’était pas au mieux, cette année non plus (il a été opéré cet hiver d’une arythmie cardiaque, ndlr), mais il m’a montré comment m’économiser davantage. J’essaie de le faire en course. Je l’ai fait sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne et j’ai gagné, donc ça m’a servi.

Dans votre enfance, il y avait des pavés devant votre maison et c’est à ce moment-là que vous avez appris à aimer ça, c’est exact ?

Oui, j’aime les pavés et je roule dessus depuis que je suis tout petit. D’ailleurs j’espère qu’il pleuvra sur Paris-Roubaix, ce serait encore mieux, j’apprécierais encore plus la course.

Quand vous avez signé chez Lotto-Jumbo, l’équipe cherchait un bon sprinteur. Deux ans plus tard, on peut dire qu’ils ont fait le bon choix. Mais saviez-vous ce qu’ils espéraient en vous signant ?

Oui, on avait entamé un projet sur trois ans et on l’a vraiment bien fait. On a gagné sur le Tour de France et sur beaucoup de courses, je pense que j’ai fait le bon choix et nous avons prolongé pour trois nouvelles années récemment. L’équipe fait un très bon boulot pour moi dans les derniers kilomètres, je pense que je peux encore progresser ici.

Aujourd’hui, votre train est l’un des meilleurs du monde. Ce n’était pas le cas il y a deux ans…

Non, on n’était pas assez forts. Mais l’année dernière et encore plus cette année, on l’est vraiment. C’est le travail des deux dernières saisons qui paye, et désormais on est l’une des très bonnes équipes dans les sprints.

Vous n’aviez pas peur de signer dans une équipe qui avait tout à reconstruire ?

Non. J’avais confiance dans l’équipe. On a fait venir de nouveaux coureurs pour mettre en place notre train, beaucoup de choses ont changé. Au début, nous avions aussi beaucoup de jeunes coureurs qui devaient apprendre beaucoup de choses. Mais on a appris, appris, appris, et on est devenus de plus en plus forts jusqu’à obtenir cette victoire sur le Tour de France, au plus haut niveau.

A Vierzon sur Paris-Nice, Groenewegen a largement dominé Arnaud Démare au sprint – Photo ASO

Vous avez passé un cap l’an passé en gagnant sur les Champs-Elysées. Vous avez davantage confiance en vous, désormais ? Vous avez fait ce que seulement une poignée de coureurs ont fait…

C’est une victoire qui a donné beaucoup de confiance à tout le monde, l’équipe comme moi. On avait encore de nouveaux coureurs dans l’équipe, dans le train, on avait confiance les uns dans les autres et c’est ce qui nous a permis de l’emporter. C’est le plus grand sprint que vous pouvez gagner. Ça a marqué. Certains coureurs sont venus me dire « Très gros sprint, bon travail ». Cette année encore, certains me disent que je suis très fort, que j’ai un très bon train.

Vous vous attendiez à remporter une étape sur ce Tour de France ?

Je voulais une victoire, en tout cas. J’ai d’abord terminé deuxième, j’étais donc très près, puis j’ai gagné sur la dernière étape.

Au départ, Robert Wagner était votre poisson-pilote, puis vous avez changé pour Timo Roosen. Comment avez-vous pris cette décision ?

Robert est un très bon poisson-pilote, mais il est aussi un sprinteur et quand ça allait très vite dans le final, ça devenait compliqué. Timo lui était très costaud, on a donc essayé et ça a bien fonctionné. Alors après quelques étapes sur le Tour de France, Robert m’a dit qu’il pensait que c’était mieux pour moi que Timo soit le dernier homme du train. J’ai beaucoup appris de Robert mais maintenant il y a des jeunes très forts dans l’équipe et cela fonctionne mieux comme ça.

C’était un gros challenge de changer l’ordre du train en plein Tour de France, alors que vous aviez l’habitude d’avoir Wagner comme poisson-pilote…

Oui, c’était très dur. Timo a en plus abandonné sur la dix-neuvième étape donc sur les derniers jours, je n’avais plus que Robert. Mais il a fait un super travail.

A propos du Tour de France, pensez-vous au maillot vert ou estimez-vous qu’il est impossible à décrocher tant qu’il y aura Sagan ?

C’est un superbe maillot, j’en rêve, mais pour le moment c’est trop compliqué. Il y a Sagan, mais aussi d’autres coureurs comme Matthews. Le mieux est de se concentrer sur les étapes et c’est ce que l’on fait.

Les Pays-Bas attendaient un sprinteur capable de gagner des étapes sur le Tour de France depuis longtemps. Le dernier était peut-être Blijlevens, il y a presque 20 ans. Ca vous a mis une certaine pression ?

Non. Mais si vous lisez Twitter, les gens peuvent dire (à mon sujet) qu’on a un nouveau sprinteur capable de gagner sur le Tour de France, c’est ce qu’ils attendent. Aux Pays-Bas, nous avons beaucoup de grimpeurs, mais peu de sprinteurs, c’est comme ça. Alors les gens espèrent revoir de bons sprinteurs, je crois que j’en suis un et ils aiment ça. Mais je ne ressens pas cette pression. Je fais ce que j’ai à faire, c’est le plus important. La pression est secondaire.

« Vous faits plus d’erreurs au début, mais aujourd’hui, je continue d’en faire. Dans chaque sprint, vous pouvez prendre des mauvaises décisions. L’important est simplement d’apprendre de chaque erreur que vous faites. »

Dylan Groenewegen

Si l’on doit faire une hiérarchie, pouvons-nous dire que vous êtes juste derrière Kittel, Gaviria, Cavendish et peut-être Greipel ?

Oui, je pense. Cavendish, Greipel et Kittel ont gagné beaucoup d’étapes sur le Tour de France, mais ils sont plus vieux. Alors j’espère pouvoir faire la même chose ces prochaines années.

Vous êtes présents dans les sprints mais aussi sur les pavés, et pourtant quand vous étiez petit, vous vouliez être grimpeur, c’est ça ?

Oui, quand j’étais petit, je me disais que je serais un grimpeur. Mais un jour j’ai fait une course où il y avait des bosses, et j’ai compris que je ne serais pas un grimpeur. (rires)

Aujourd’hui, vous êtes le grand leader de votre équipe. Vous aimez ce statut ?

Oui, j’aime ça. Il y a un peu de pression de la part de l’équipe mais j’aime ça. Je suis meilleur avec la pression. Je suis un sprinteur et j’aime la pression. Je pense que c’est propre aux sprinteurs, on a besoin de ça.

Quand vous avez signé pour Lotto-Jumbo, vous avez dit avoir fait ce choix parce qu’ici vous aviez le droit de faire des erreurs. Est-ce toujours le cas ?

Oui, bien sûr. Vous faits plus d’erreurs au début, mais aujourd’hui, je continue d’en faire. Dans chaque sprint, vous pouvez prendre des mauvaises décisions. L’important est simplement d’apprendre de chaque erreur que vous faites.

En gagnant sur les Champs-Elysées l’an passé, le Néerlandais est entré dans une autre catégorie – Photo ASO

Un bon printemps passe-t-il forcément par une victoire sur une autre classique, après Kuurne-Bruxelles-Kuurne ?

Je crois que je fais déjà une bonne année, j’ai gagné cinq fois. Alors je vais tenter de courir pour la victoire sur les prochaines courses, et si je gagne le GP de l’Escaut par exemple, je serais très heureux.

Pour finir, même s’il ne faisait pas partie de votre train, est-ce que l’exclusion de Juan José Lobato lors du camp d’entraînement cet hiver a affecté l’ambiance dans l’équipe ?

Cela n’a pas trop affecté l’équipe, non. Je pense que c’était la bonne décision à prendre et Lobato l’a expliqué lui-même. Je suis content qu’il ait trouvé une autre équipe (Nippo – Vini Fantini, ndlr) et qu’il puisse courir cette saison, c’est une bonne personne, mais il a fait une grosse erreur. J’espère que ça n’arrivera plus.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.