Matteo Trentin sera le leader de Mitchelton-Scott sur Paris-Roubaix, ce dimanche. En forme comme jamais il ne l’a été en début de saison, il tentera de décrocher la plus belle victoire de sa carrière. La tête bien faite mais pleine de questionnements sur le coureur qu’il doit être, l’Italien sait où il met les roues et n’hésitera pas à aller de l’avant, comme souvent.

Les études, Francfort et l’attaque

Matteo Trentin avait-il seulement l’espoir de devenir coureur professionnel un jour ? Arrivé dans le peloton professionnel à 22 ans, en août 2011, l’Italien poursuit en parallèle des études d’économie qu’il terminera un an plus tard. Son premier patron, Patrick Lefevere, ne précipite d’ailleurs pas les choses et laisse son poulain se développer. « Je l’ai pris quand il a été champion d’Italie espoirs, expliquait-il à L’Equipe en 2013. Je lui ai dit qu’il pouvait finir ses études et y aller tranquillo. » Le natif du Trentin, ça ne s’invente pas, est un garçon qui prend son temps, de gré ou de force. Ayant privilégié l’entraînement de sa matière grise, certaines personnes ont alors douté de lui au sein même de son équipe.

Matteo Trentin ne s’interdit pourtant rien. « Pourquoi je ne peux pas rêver ? Rêver est gratuit, comme on dit », écrivait-il sur son blog tenu sur Cyclingnews, en 2017. Une pensée qui révèle exactement la façon de courir de ce garçon « offensif » et « fougueux », dixit Jérôme Pineau, qui l’a vu débarquer chez Quick-Step à ses débuts professionnels. Et déjà à l’époque, l’Italien était porté sur l’attaque. « Je l’ai vu arriver chez les pros au GP de Francfort, où il mettait sac sur sac (sic) », se rappelle le Français. Trentin est un touche-à-tout, champion d’Italie de cyclo-cross chez les espoirs, qui montre rapidement des qualités de routier-sprinteur.

L’Italien, en vérité, ne fait pas de vélo par besoin ou pour quelqu’un. Le plaisir qu’il prend efface les notions de contraintes inhérentes à son statut de coureur pro. « S’il a décidé le matin que son plus grand kif ce serait d’attaquer, il va le faire, même s’il se fait piéger tactiquement, ce qui est pourtant rare pour un Italien », explique Jérôme Pineau. Ça passe parfois, ça casse aussi. Attendre le final ne correspond pas à la philosophie de course de Matteo Trentin. Il gagnerait d’ailleurs, sans doute, à se montrer un peu plus patient afin de trouver son bonheur autre part. « Il est perfectible, analyse Pineau. Il faudrait arriver à lui faire comprendre que s’il ne met pas l’attaque à ce moment-là, il va réussir à décupler son plaisir en étant sur le podium. » Même s’il a toujours été de ceux capables de jouer les premiers rôles dans les classiques, « Matteo sait qu’il n’a pas tout accompli », reconnaît son directeur sportif, Laurenzo Lapage.

Roubaix, Bettini et Sagan

L’accomplissement ultime, celui dont rêve le plus Matteo Trentin, serait de remporter Milan-Sanremo. La course de son cœur. Serait-ce un moment de panique qui l’a donc envahi, il y a un peu plus de deux semaines, lorsqu’il a attaqué en bas du Poggio sans attendre un sprint où il avait toutes ses chances ? L’occasion a été manquée, en tout cas, et la quête d’un monument se poursuit pour ce garçon « au caractère d’un flandrien » selon Laurenzo Lapage. Comme souvent, l’Italien a donc mis le cap sur les pavés de Belgique et de France, avec ambition. « Quand il a les jambes, ajoute son directeur sportif, il veut jouer à l’avant, se projeter. » Ces flandriennes qui se décantent de plus en plus tôt sont donc une aubaine pour lui. Sur Gand-Wevelgem, il y a dix jours, il était dans le bon groupe, à l’avant, tout au long de la journée.

Dimanche, il sera aligné sur Paris-Roubaix pour la septième fois depuis 2012. « Une connerie, réagit Jérôme Pineau avec sa casquette de manager. Il n’est pas fait pour ça ! […] Si j’ai Matteo dans mon équipe, je lui fais faire Milan-Sanremo, peut-être le GP E3, mais surtout l’Amstel, c’est une course parfaite pour lui. » Quand il parle de son ancien coéquipier, le Français évoque même « un petit Bettini », comparaison flatteuse pour un Trentin au palmarès encore vierge de grande classique. En cause, peut-être, cette indécision et cette recherche d’identité qui prend son origine dans la polyvalence du bonhomme.

Ses qualités physiques font de Trentin un coureur complet. Sans doute trop. Souvent outsider, jamais favori. L’an dernier, l’Italien a sauvé sa saison in extremis en devenant champion d’Europe à Glasgow. Un réveil crucial après plusieurs mois de galères. « C’est un coureur qui sait ce qu’il veut et qui est le plus fort du monde lorsqu’il est au plus bas, souligne Pineau. Sa volonté féroce de réussir à rebondir lorsqu’il est touché fait de lui un des meilleurs coureurs du monde. » L’Italien s’est remis dans la tête à l’endroit, depuis. Laurenzo Lapage assure qu’il n’est plus le même : « Il a franchi un cap car depuis le début de saison, il est dans les bons coups, avec les plus grands champions comme Sagan. » Le Slovaque, comme Greg van Avermaet, est justement une référence pour Trentin. « Sagan et Van Avermaet, tu peux les voir gagner une étape de montagne un jour et s’imposer sur les Jeux Olympiques, au Championnat d’Europe, ou sur les pavés, le lendemain », raconte-t-il, toujours sur son blog. Dimanche, il pourrait mettre un pied dans leur cour en leur succédant au palmarès de Paris-Roubaix.

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