Il était venu en France pour remporter le Tour. Au soir de la quatorzième étape, force est de constater que le Sarde n’y est pas. Lointain dixième du général à plus de cinq minutes de Christopher Froome, Fabio Aru a même donné l’impression d’être inférieur à des garçons comme Yates, Mollema ou encore Dan Martin, que ce soit dans les sommets pyrénéens ou au Mont Ventoux. Logiquement, l’addition, après le contre-la-montre, s’est encore alourdie.

Une découverte subie

Pas au top de sa condition sur le Critérium du Dauphiné, l’Italien n’était pourtant pas sans objectifs il y a un mois. Vainqueur d’étape après un numéro de descendeur, le lauréat de la dernière Vuelta envoyait un signal fort à ses concurrents de juillet. Une missive restée au point mort si l’on regarde son comportement en course. Presque captivé par le décor du 103e Tour de France, le prodige transalpin n’a jamais pris l’initiative, et semble prisonnier de son étoffe initiale de favori. Il faut dire qu’accompagné de Vincenzo Nibali, vainqueur du Giro en mai et maillot jaune sur les Champs il y a deux ans, Aru pensait sans doute pouvoir évoluer dans l’ombre durant la première moitié de course. C’est aussi ce qu’espérait l’équipe Astana. Mais le Sicilien n’a pas vraiment facilité la tâche de son coéquipier. En roue libre le deuxième jour à Cherbourg, et largué dès les premières ascensions du Massif Central, le Requin de Messine a tout juste aidé Aru sur la route d’Arcalis pour limiter la casse.

Ce n’est pas franchement l’environnement auquel l’ex prétendant à la gagne rêvait, même si, devant les médias, Fabio Aru réfute tout conflit d’intérêt et remercie longuement Vincenzo Nibali pour son geste en Andorre, dont il affirme qu’il s’en souviendra longtemps. Mais plus généralement, c’est l’équipe Astana dans son intégralité qui évolue un niveau en-dessous de ses précédentes performances sur les grands tours. Invisibles, Jakob Fuglsang et Tanel Kangert accusent le coup, si bien que Diego Rosa apparaît comme le mieux armé pour accompagner le leader en haute montagne, si l’on enlève du jeu Nibali, bien trop irrégulier depuis le Mont-Saint-Michel. Souvent en pleine bourre lorsqu’il est en confiance, Aru souffre donc de plusieurs maux, ajoutés à un état de forme moyen.

Les Alpes pour retrouver le sourire

Disons-le, si Aru ralliait l’arrivée en neuvième ou dixième position, à plus ou moins dix minutes de Froome, la contre-performance serait indiscutable. On ne parle pas d’un bon coureur d’une semaine découvrant les grands tours, ou d’un garçon expérimenté réalisant la meilleure performance de sa carrière au prix de circonstances de courses particulières. Non, Aru est confirmé, surtout depuis l’an dernier. Alors, mis sur le même pied que Froome, Contador et Quintana, il a assisté au naufrage de l’Espagnol et aux déboires du Colombien. Des événements qui auraient dû le propulser comme le rival légitime du Britannique, et non comme un outsider se battant pour rester à la hauteur des seconds couteaux. La troisième semaine, son point fort habituel, doit lui permettre de redorer son blason et de sauver le Tour de son équipe, qui n’a toujours rien remporté.

Ca commencera dès demain, avec une étape disputée dans l’Ain, proposant la double ascension du Grand Colombier. Offensif à l’accoutumée, Aru avait appliqué la recette de l’attaque sur son premier Tour d’Espagne, remportant deux beaux succès à Aralar et au Monte Castrove. Terrassé après les soixante kilomètres de contre-la-montre sur le Giro 2015 et inquiété par Landa en interne, Aru avait redressé la barre en s’imposant deux fois d’affilée, à Cervinia ainsi qu’à Sestrières. Avec un maître mot, le panache, celui qui lui avait permis de se révéler au grand public dans la montée du Plan di Montecampione, lorsqu’il était opposé à Quintana, Uran et Rolland. Deux belles arrivées au sommet, l’une en Suisse, et l’autre à Saint-Gervais Mont Blanc, correspondent à ses caractéristiques. S’il concourt pour une victoire d’étape, la Sky lui laissera certainement un bon de sortie. L’occasion d’embrayer sur la perspective d’une remontée au général, tout à fait dans ses cordes. À défaut d’évoluer avec un grand Nibali, Aru pourra toujours lui demander conseil pour gérer ses derniers jours de course. Il en va de la réputation de la maison italienne.

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