Le Tour Down Under n’est pas réputé pour accueillir les plus grandes stars du gratin mondial. Même si elle s’est souvent targuée d’un contingent alléchant de sprinteurs et puncheurs, l’épreuve australienne ne peut permettre aux gros de véritablement se tester sur des pentes sérieuses, sans faire offense au Willunga Hill. Le boulevard est donc naturellement idéal pour les locaux et les seconds couteaux. Parmi eux, Michael Woods. Si ce nom ne vous dit sûrement rien, le solide canadien bénéficie d’une importante côte de popularité outre-Atlantique. Et pour cause : il s’agit d’un ancien champion de l’athlétisme. Forcément atypique.

Du mile à la montée de Corkscrew

Retrouver Michael Woods dans les pelotons, en soi, n’est pas naturel. Né en 1986 à Ottawa, le jeune sportif se destine à une brillante carrière d’athlète de demi-fond. À 18 ans, il remporte une médaille d’or aux championnats panaméricains juniors, et établit même des records nationaux sur trois disciplines : le 1500 mètres, le 3000 mètres et le mile. Parcourant respectivement les deux dernières en-dessous de la barre symbolique des huit et quatre minutes, Woods franchit progressivement les échelons dans le domaine de la course à pied. Sauf que ces belles promesses vont brutalement s’arrêter à cause de blessures à répétition au pied gauche. Voulant persévérer, Woods atteint un stade de non-retour, expliquant qu’il ne lui était plus possible de courir sans ressentir un déplacement de son os naviculaire. Sa carrière d’athlète prend alors fin avec un goût d’inachevé en 2011, et la retraite à 25 ans lui semble bien difficile à accepter. Mais « Rusty » comme il est surnommé chez Cannondale a pris goût au vélo grâce au matériel de son père, dont il se saisissait pour aller participer à quelques compétitions amateurs canadiennes. Une première qu’il décrira au site PEZ comme un véritable contre-modèle sur le plan tactique, mais lui ayant fait prendre conscience de son potentiel de cycliste.

Son gros moteur et ses capacités dues à son rythme d’entraînement intensif en endurance sont des atouts considérables pour réussir lors des courses par étapes, où il tente très rapidement de se spécialiser. Enrôlé dans la nationale canadienne, il s’exprime régulièrement sur le Tour de Beauce, de quoi obtenir une pige chez Louis Garneau. Mais, non prolongé, il est contraint de rechercher par-ci par-là des contrats sporadiques avec les petites équipes continentales, parfois plusieurs au cours d’une même saison. Ce n’est que l’an passé qu’il se révèle véritablement par ses talents de grimpeur. Propulsé sur le devant de la scène par le team Optum, Woods termine cinquième au sommet de l’Alto de Malhao, juge de paix du Tour d’Algarve, à treize secondes d’un certain Richie Porte. Mais, pour espérer être mis en lumière, c’est bel et bien durant la période des courses nord-américaines qu’il doit être au mieux. C’est ce qu’il va faire. Vainqueur de l’étape reine du Tour du Gila, Woods réalise un festival sur le Tour de l’Utah, décrochant une étape à Salt Lake City et la deuxième place du général derrière le protégé de Jonathan Vaugthers, Joseph Dombrowski. Meilleur canadien au Grand Prix de Montréal et sélectionné pour la deuxième année consécutive lors des Mondiaux sur route, c’est tout naturellement que le manager de Cannondale-Garmin lui offre un contrat. Woods peut enfin savourer. Quelque part, son pari est déjà réussi, et le retrouver de nouveau face à Richie Porte, cette fois en World Tour, est un grand succès.

Le voici à l’assaut du circuit européen

S’il profite pleinement de ses excellents résultats de rentrée sur le Tour Down Under, Michael Woods n’est pas du genre à mettre de côté ses objectifs premiers. Depuis toujours en bon termes avec Jonathan Vaugthers, le robuste bûcheron s’est fait violence durant l’hiver afin d’être au top de sa condition pour les premières courses européennes. Et cela commence par une meilleure appréhension des schémas tactiques de course, qui lui ont longtemps fait défaut. En 2015, il s’estimait même quelque peu déçu de sa cinquième place en haut de Malhao. Placé trop à l’arrière du groupe au pied de la montée, il était persuadé de pouvoir faire encore mieux. C’est donc dans ce domaine qu’il doit s’améliorer en 2016, une année qui doit le mener jusqu’aux Jeux de Rio. En tout cas, il en rêve et espère pouvoir défendre fièrement les couleurs du drapeau à la feuille d’érable sur les routes brésiliennes. Pour mettre toutes les chances de son côté, il faudra performer régulièrement et envoyer des signaux positifs à sa fédération, qui retient de sa part deux abandons sur les championnats du Monde de Ponferrada et Richmond.

La pression n’est donc pas anecdotique pour l’une des douze recrues de la formation Cannondale, logiquement dépensière sur le marché des transferts après avoir perdu ses principales têtes d’affiches durant l’hiver. Mais Vaughters fait rarement les choses au hasard, et se tient à des critères de philosophie collective, ainsi qu’au rapport humain entre le coureur et son environnement sportif. Le manager américain penserait-il donc avoir trouvé en Michael Woods le nouveau Ryder Hesjedal ? L’anecdote rapporte que les premières entrevues entre “Rusty” et son nouveau patron eurent lieu à Hawaï, où Woods, à pied, a explosé le record de Hesjedal sur la montée pavée d’Haleakala, avec une marque à 2 heures et 32 minutes. De quoi alimenter encore un peu plus un CV qui se révèle plutôt impressionnant, qu’il faut ajouter à une mentalité de compétiteur. Sur le site internet de son ancienne équipe Optum, on peut toujours lire en description : « Je ne cherche pas le divertissement, mais à tout donner sur mon vélo. » Un tempérament de battant précieux pour une équipe qui cherche à redorer son blason après une dernière saison terminée à l’avant-dernière place du classement World Tour. Plus qu’un simple butineur de points, Woods pourrait donc devenir un véritable poil à gratter au sein d’un peloton professionnel qu’il découvre à la vitesse d’un grand.

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