On ne les attendait pas à ce niveau là, et pourtant ils se sont partagés le maillot rouge de leader sur la première partie du Tour d’Espagne. Tom Dumoulin et Esteban Chaves ont également remporté trois étapes à eux deux, et sont encore dans les cinq premiers du général au soir de l’étape reine. Une double-surprise enthousiasmante.

Un miraculé qui improvise…

L’histoire d’Esteban Chaves, vainqueur de deux étapes en une semaine sur la Vuelta, est désormais connue. C’est celle d’un grimpeur colombien victime d’un grave accident, qui revient finalement au plus haut niveau pour truster les podiums et s’offrir quelques jours de gloire avec le paletot de leader sur un Tour d’Espagne au plateau incroyable. « Un maillot de leader, ça donne des ailes et ça va changer les choses pour la suite, a reconnu le coureur de l’équipe Orica au soir de la deuxième étape. Au début, terminer dans les dix premiers de la Vuelta était un rêve. » Aujourd’hui, le natif de Bogota peut espérer un top 5 sans paraître prétentieux. Après avoir couru le Giro au mois de mai, et opéré une grosse coupure après le Tour de Suisse, il est arrivé à Puerto Banus avec beaucoup de fraîcheur, ce qui lui permet de briller face à des cadors qui pour beaucoup sortent du Tour de France. Puis, pris dans une petite cassure à Alcala de Guadaira, Chaves a dû lâcher le maillot rouge à Tom Dumoulin, et ne cachait pas sa tristesse à l’arrivée. Son beau Tour d’Espagne aurait pu prendre un tournant, en le faisant retomber dans l’anonymat.

Mais le grimpeur de 25 ans a prouvé dès le lendemain sa capacité de réaction, en allant s’imposer à la Sierra de Cazorla, récupérant au passage une tunique à laquelle il commence à prendre goût. Mais le premier véritable test a eu lieu sur les hauteurs de la Alpujarra, où Chaves a tenu tête aux cadors, confortant son leadership et ne concédant que sept secondes à un Fabio Aru déjà survolté. Alors même si à la Cumbre del Sol, le Colombien a eu plus de mal, lâchant – de nouveau – le maillot rouge à Dumoulin, il a limité la casse pour rester placé au général. A la journée de repos, il était ainsi sur le podium, duquel il est sorti ce mercredi sous l’impulsion d’Aru notamment. Mais encore cinquième, le miraculé profite : il pointe à moins d’une minute trente de l’Italien, nouveau leader, et devance à la pédale des garçons comme Valverde et Quintana. « Je ne sais pas jusqu’où cette aventure peut se poursuivre. Je suis quelqu’un qui vit au jour de jour », assurait-il le week-end dernier. Mais il aura donc fallu attendre cette Vuelta pour que Chaves aille découvrir ses limites, encore inconnues.

… et un rouleur qui grimpe

Pour Tom Dumoulin, la surprise est sans doute encore plus grande. Car chez lui, il y a encore un an, on n’osait pas imaginer de telles qualités en montagne. Son truc à lui, c’était les chronos : normal peut-on dire pour un Néerlandais. Mais 2015 a marqué un tournant dans sa carrière, que son Tour de Suisse 2014, terminé à la cinquième place, aurait pu nous laisser entrevoir. Dumoulin, 24 ans, s’est en effet diversifié, et a appris à passer les bosses. Troisième de ce même Tour de Suisse, il arrivait sur la Vuelta avec dans l’idée de briller en première semaine. Mais de là à s’imposer à la Cumbre del Sol au nez et à la barbe de Chris Froome, il y a un pas que personne n’aurait franchir il y a encore quelques jours. « Samedi j’ai vraiment souffert. J’ai même pensé à l’abandon. Je me disais que cette course au général n’était pas pour moi », reconnaissait le garçon, troisième du chrono des derniers Mondiaux. Mais tactiquement au point et soutenu par toute son équipe, le Néerlandais a continué, et s’est offert un succès que lui-même n’imaginait pas.

Pourtant, Froome l’a un temps rattrapé et même déposé dans les derniers hectomètres vers la Cumbre del Sol. Mais le natif de Maastricht a fait preuve d’une volonté incroyable pour revenir et faire la nique au Britannique. Une performance aussi impressionnante qu’inattendue, qui a permis à Dumoulin de passer la journée de repos en tant que leader. Et si mercredi, il n’a rien pu faire face à l’envol d’Aru, il a été très costaud, terminant neuvième – dans le même temps que Chaves – à Cortals d’Encamp. Au général, voilà donc le nouveau patron de l’équipe Giant-Alpecin troisième, à trente seconde d’Aru et seulement trois de Rodriguez. « En arrivant sur la Vuelta, je n’avais pas d’ambition au général », reconnait Dumoulin. Désormais, le voilà en train de rêver de podium. « Il faut voir ce qu’il va se passer en haute montagne. Mais je vais m’accrocher », a-t-il assuré. A mi-épreuve, lui comme Chaves ont en tout cas prouvé qu’ils avaient le coffre pour tenir. Sur une épreuve plus ouverte qu’on ne le pensait, ils ont donc tout à gagner. A commencer par le respect des cadors, si ce n’est pas déjà fait.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.