Nairo Quintana et Thibaut Pinot sont face à un sacré défi : renverser le maillot rose Tom Dumoulin. Mais ce n’est pas le seul de leur saison. Après le Giro, qu’ils espèrent tous les deux remporter, ils se concentreront sur le Tour de France. Un enchaînement toujours compliqué à gérer.
Un mois de juin minuté
« Le problème, ce n’est pas de disputer deux grands tours. Même faire les trois dans la même saison, ce n’est pas un problème, prévient tout de suite Fredéric Grappe, entraîneur à la FDJ. Le problème, c’est de jouer le général à chaque fois. La difficulté n’est pas physique, mais dans la tête » Théoriquement, pour atteindre un pic de forme, il faudrait douze semaines. Or il n’y en a même pas cinq entre la fin de la course rose et le départ de la Grande Boucle. « Mais cette indication des douze semaines, c’est quand on reprend après une grosse coupure, d’au moins un mois », ajuste Grappe. Après le Giro, le duo Quintana-Pinot ne partira pas de zéro. Mais les deux hommes devront suivre un programme très précis pour mettre toutes les chances de leur côté. « Assimilation, restimulation, rafraîchissement », détaille Frédéric Grappe. En d’autres termes : couper quelques jours pour ne pas réaccumuler de la fatigue, assimiler la charge de travail du Giro et repartir à l’entraînement, tranquillement.
Au mois de juin, Thibaut Pinot ne lâchera pas beaucoup son vélo. Mais tout sera très cadré. Il prendra sûrement quelques jours de repos, avant de partir en stage quelque part où il pourra se confronter à la chaleur. Il disputera ensuite les championnats de France, puis viendra l’heure de rejoindre Dusseldorf pour le Grand Départ. « A ce niveau-là, les coureurs parviennent à switcher très vite », assure son coach. A la FDJ, le défi de Thibaut Pinot est dans toutes les têtes. Depuis déjà plusieurs moi. Et ça compte. « Thibaut sait depuis longtemps qu’il va doubler Giro et Tour , explique t-il. Le 28 mai (jour de l’arrivée à Milan, ndlr), il aura intégré qu’il doit enchaîner. Consciemment ou pas, il va mettre en place cette stratégie mentale. Il faut avoir le temps d’intégrer ses objectifs. Plus on le fait tôt, plus on a de chance de les accomplir. »
Innovations et progression au jour le jour
L’hiver et le début de saison du Franc-Comtois ont d’ailleurs été pensé en ce sens. Après son abandon sur le Tour 2016, il a opéré une longue coupure, aussi bien physique que mentale. Puis il a découvert certaines courses cette année, comme le Tour des Alpes. Au cœur de l’hiver, il a aussi fait beaucoup de VTT et de ski de fond. Des petites nouveautés pour lui. « Il s’est revigoré durant l’intersaison, et il repart pour un vrai challenge », nous confirme Frédéric Grappe. Pleine de confiance, la FDJ espère même voir son leader jouer le général en juillet. Il était pourtant question de se concentrer sur les étapes sur le Tour lorsque le projet a vu le jour. « Il ne peut pas y aller en se disant qu’il ne joue rien au général, analyse Grappe. Pour un coureur de son calibre, c’est impossible. Il serait en dehors de son mode de fonctionnement, absent de la course et moins bon qu’en temps normal. » Alors Pinot prendra le départ du Tour « comme s’il n’y avait pas eu le Giro. »
C’est aussi cette philosophie qui prime aujourd’hui sur les routes transalpines. Thibaut Pinot doit oublier que le Tour de France est à son programme. Il ne s’en occupera qu’après l’arrivée à Milan. Il faut dire que pour l’instant, il est bien assez occupé avec la bagarre du Giro. A l’entame de la dernière semaine, gargantuesque, il est celui que l’on attend avec Nairo Quintana pour faire vaciller un Tom Dumoulin jusque-là irréprochable. Mais dès dimanche soir, il sera l’heure de penser à la Grande Boucle, où il a connu deux derniers étés compliqués. Pas de quoi faire douter Frédéric Grappe : « S’il y avait des modèles préétablis, ça se saurait. Un jour, quelqu’un regagnera Giro et Tour parce qu’on progresse dans les techniques d’accompagnement, prédit-il. Alors ce doublé, il ne faut pas l’appréhender, il faut le gérer. »
Très intéressant et surtout inédit – on ne savait pas grand-chose de son approche du Tour, merci !
Sur les enchaînements Giro-Tour ces dernières années, on a vraiment peu de références probantes. Contador est évidemment celui qui a le mieux réussi dans l’exercice, en faisant vainqueur puis cinquième à deux reprises (2011, 2015). Ensuite, Menchov est sans doute celui qui a le mieux figuré, et le seul à avoir progressé entre les deux courses (cinquième puis troisième en 2008, mais il a fallu pour ça la non-invitation d’Astana sur le Tour, les exclusions de Ricco et Piepoli et la disqualification de Kohl), devant… Armstrong, en 2009 (12ème en Italie, 3ème en France). Je crois que Cunego et Rolland font aussi partie des meilleurs doublés Giro-Tour (ils ont tous les deux réussi à faire 4 puis 11), d’un rien derrière Valverde l’an passé (troisième puis sixième, propre). Parmi les enchaînements maudits, on peut citer Basso en 2005 (il était sûrement le plus fort sur le Giro, tombe malade alors qu’il a le maillot rose et perd quarante minutes, mais revient quand même gagner deux étapes en troisième semaine, et derrière il fait deuxième du Tour derrière LA) et 2006 (il gagne enfin le Giro, mais se fait décapiter par l’affaire Puerto juste avant un Tour dont il partait co-favori… Lire la suite »
Article très intéressant ! Un élément qui n’est pas mentionné est la composition des équipes entre le TDF et le Giro. Doubler Giro-TDF ça sous entend avoir une équipe capable de s’aligner pour amener un coureur à la gagne sur les deux tours. Ca veut donc dire avoir 3 ou 4 grimpeurs de très haut niveau dans l’équipe, et ça peut aussi brider les ambitions d’autres coureurs de l’équipe.
Dans le monde actuel du cyclisme il n’y a que peu d’équipes capable d’aligner une grosse équipe à la fois sur le Giro et TDF (Movistar, Sky en gros). Si on prend l’exemple de Contador en 2015, on peut supposer que s’il avait eu une meilleure équipe sur le Giro il n’aurait pas eu à faire autant d’effort pour défendre son maillot face aux coureurs d’Astana et aurait perdu peut être moins d’énergie.