Il y a dix ans jour pour jour, Alberto Contador s’élançait pour les trois semaines de sa première victoire sur le Tour de France. Au départ à Londres, il n’était pas un favori incontournable pour sa deuxième Grande Boucle. Depuis, l’Espagnol s’est construit un incroyable palmarès et fait partie du club fermé des cyclistes qui ont remporté les trois grands tours. Une légende qui a commencé un 7 juillet.

Miracle, Puerto et Paris-Nice

Depuis sa 31e place sur le Tour 2005, le gamin de Pinto a grandi. A 25 ans, Contador n’est plus seulement le miraculé des Asturies, où il était sévèrement tombé en 2004 et avait failli y perdre la vie. Il est progressivement devenu une référence dans le peloton, avec notamment une deuxième place au Tour de Romandie 2006. Mais les révélations de l’affaire Puerto, dans laquelle son nom figure, l’empêchent cette année-là de participer au Tour.

Rapidement blanchi, il pourra tranquillement reprendre le cours de sa carrière. Il la lance véritablement en mars 2007 avec un succès phare, Paris-Nice, remporté sur le fil face à Davide Rebellin. A 25 ans, Contador devient alors le deuxième espagnol lauréat de la course au soleil, avec, excusez du peu, le grand Miguel Indurain. Ainsi, le nom du Pistolero commence à s’insérer parmi les potentiels vainqueurs d’un grand tour. Pourtant, en se présentant au départ du Tour 2007, Contador n’est pas destiné à jouer les premiers rôles. Les Discovery préfèrent compter sur le plus expérimenté Levi Leipheimer.

Il règne alors une étrange atmosphère au départ de Londres, un an après l’affaire Puerto et le déclassement de Floyd Landis trois jours après l’arrivée. La Grande Boucle doit redorer son blason et par la même occasion celui du cyclisme. Christian Prudhomme fait ainsi signer une charte anti-dopage obligatoire pour prendre le départ. La première semaine, le spectacle est au rendez-vous avec les numéros de Cancellara à Londres et Compiègne, puis Linus Gerdemann au Grand-Bornand, qui s’empare du maillot jaune après une longue échappée. Contador a lui évité les pièges dans lesquels Vinokourov, Rogers ou Klöden sont tombés.

L’imposteur Rasmussen

Mais un homme se détache déjà des autres favoris : Michael Rasmussen. Le Danois, double maillot blanc à pois rouges en 2005 et 2006, attaque de loin dans l’étape de Tignes. IL s’impose avec presque trois minutes d’avance sur ses adversaires, dont Alberto Contador. De son côté, l’Espagnol arrive à suivre Christophe Moreau dans la montée finale et termine l’étape à la huitième place, à plus de trois minutes trente du nouveau maillot jaune. Autant dire qu’à ce moment-là, rien ne laisse penser que l’Espagnol va monter sur le podium à Paris deux semaines plus tard.

Pourtant, l’histoire est en route, Contador passe entre les gouttes. A Briançon, il termine quatrième de l’étape, alors que Vinokourov connaît une grosse défaillance. A Montpellier, il suit les Astana dans leur coup de bordure. Au contre-la-montre d’Albi, il est dans le top 10 de l’étape, alors que Rasmussen limite la casse sur un Cadel Evans grand favori. Ainsi, juste avant les Pyrénées, le lieutenant de Leipheimer est troisième au général, une minute devant son leader. Puis au Plateau de Beille, Contador change de statut. L’Espagnol est en effet le seul à pouvoir suivre Rasmussen jusqu’au sommet, où il le bat même au sprint après un terrible mano a mano. « C’est une belle surprise pour moi d’être dans cette position », avouait-t-il. La concurrence est alors reléguée loin derrière, Contador passe deuxième au général. Une nouvelle stratégie ? « Suivre Rasmussen, et si je peux attaquer, j’essaierai. » Contador montre les dents : « Nous avions fait un pacte, on s’échappe et je gagne. Mais il a démarré dans les derniers mètres. Il m’a montré qu’il ne tient pas sa parole. »

A Peyresourde, Contador attaque quatre fois, sans faire plier le Danois. « J’ai offert du spectacle », sourit-il. Mais l’Espagnol n’est pas un intermittent du spectacle, c’est un champion dont l’envie de gagner est supérieure à tout : « Si je me sens bien, je jouerai le tout ou rien sur le col d’Aubisque. » Sauf que Rasmussen y est impérial. Rien ne peut le faire tomber, ou presque. La fragile image de prohibité du peloton va tout à coup voler en éclats. Gerdemann, au lendemain de sa victoire, avait prévenu : « Je pense que le cyclisme a de gros problèmes. » Astana et Cofidis quittent le Tour suite à des contrôles positifs. L’étau se resserre. Rasmussen est intouchable sur l’Aubisque, mais le soir-même, son équipe le licencie brutalement. Le Danois a évité des contrôles anti-dopage avant le Tour, et menti sur son emploi du temps à sa propre équipe. De l’EPO sera retrouvé dans les urines de l’ancien maillot jaune.

Le podium le plus serré de l’histoire

Le scandale est immense et Contador se retrouve brusquement avec un maillot jaune totalement inattendu sur les épaules. « Contador peut être le leader exemplaire que nous attendons. J’espère qu’il peut devenir un exemple pour tous les coureurs », explique alors Patrice Clerc pour Après quatre ans dans l’équipe de Manolo Saiz, le passé du Pistolero ne joue pas en sa faveur. Mais il doit incarner ce nouveau cyclisme. Le Tour est en danger. Libération titre son édito : « Il faut arrêter le Tour ». France-Soir parle du Tour comme un grabataire « mort à l’âge de 104 ans, après une longue maladie ».

Malgré les accusations, Contador doit donc gagner le Tour pour le sauver. La course est cependant loin d’être gagnée pour le Madrilène. Le contre-la-montre entre Cognac et Angoulême, long de 55,5 kilomètres, pourrait bien lui être fatal. Le profil tout plat ne le favorise pas, surtout face aux deux gros rouleurs que sont ses concurrents Evans et Leipheimer. Mais si l’Américain remporte l’étape, Contador est un solide maillot jaune. Dans un terrain qui n’est pas forcement le sien, il limite la casse, terminant quatrième à deux minutes de son coéquipier.

Au général, Contador garde donc son maillot jaune pour vingt-trois secondes sur Evans et trente-et-une sur Leipheimer. Le podium n’a jamais été aussi serré de toute l’histoire du Tour. Sur le podium des Champs, le Pistolero lève les bras avec son bouquet, son trophée et un sourire radieux. Malgré toutes les accusations de dopage qui règnent autour de lui, malgré les journalistes qui l’estiment vainqueur par défaut, il veut uniquement profiter. « C’est le rêve de tout cycliste », s’émeut-il. Même lui ne se voyait pas en jaune trois semaines plus tôt. Dix ans plus tard, ils ne sont de nouveau pas nombreux à lui donner une chance, mais Contador connaît cette situation.

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