Ils sont presque tous réunis, cette semaine, au « Colombia Oro y Paz », nouvelle épreuve colombienne. Nairo Quintana, Rigoberto Uran, Esteban Chaves, Fernando Gaviria et les autres ont dit oui à l’invitation du pays, avec le bonheur de courir à domicile et l’envie de promouvoir toujours plus le cyclisme national. Mais tout n’est pas encore abouti. Pour que cet élan devienne pérenne, voici quelques pistes à explorer.

Le jaune et l’arc-en-ciel

Ce premier défi est probablement le plus accessible. Nairo Quintana et Rigoberto Uran ont terminé sur le podium du Tour de France. Seul Chris Froome (dont l’avenir s’écrit avec des « si ») les a tenu à l’écart du succès. En 2018, la quête pour le maillot jaune semble davantage ouverte. En attendant la lutte pour la victoire finale, Fernando Gaviria pourrait tenter d’être le premier porteur colombien de la tunique de leader à l’issue de la première étape. Quelques mois plus tard, la Colombie disposera d’une équipe particulièrement séduisante pour les Championnats du Monde à Innsbruck, dont le profil rappelle le Tour de Lombardie, monument remporté en 2016 par un certain Esteban Chaves. Depuis le titre en contre-la-montre de Santiago Botero en 2002, aucun colombien n’est parvenu à décrocher une médaille mondiale.

Aller au-delà des « Escarabajos »

Ce n’est pas aussi caricatural qu’au cours des années 1980, mais les Colombiens restent des grimpeurs par-dessus tout. Quelques exceptions existent (Botero était aussi un rouleur, Gaviria s’impose comme sprinteur) mais on en fait vite le tour. « Les recruteurs, quand ils vont en Colombie, ils cherchent surtout un coureur capable de gagner au sommet des bosses », expliquait le sprinteur Franco-Colombien Leonardo Duque. Pour dépasser l’image du scarabée frêle mais agile, les Colombiens doivent trouver d’autres terrains de chasse comme les pavés ou les chronos. Pas évident toutefois de motiver les plus jeunes, qui préfèrent logiquement imiter leurs glorieux ainés.

Avoir une épreuve nationale d’envergure internationale

Pour sa première dans le calendrier UCI, la nouvelle course à étapes colombienne, appelée « Colombia Oro y Paz », a attiré quatre équipes World Tour (EF Education-First Drapac, Movistar, Quick-Step Floors et Sky) en compagnie de leurs meilleurs coureurs colombiens (Gaviria, Uran, Quintana, Henao, Bernal). C’est un beau plateau pour une première édition, mais il manque cruellement de vedettes étrangères. Seul Julian Alaphilippe, proche de Gaviria, a fait le déplacement. Les autres européens ayant traversé l’Atlantique n’ont pas la même renommée (Castroviejo, Geoghegan Hart, Carthy, Ciccone…). En cas de succès populaire (ce qui semble déjà acquis) et financier, l’épreuve pourrait peut-être attirer de nouvelles têtes et un jour intégrer le calendrier World Tour au même titre qu’un Tour Down Under.

Avoir une équipe World Tour

Le plus gros défi financier de cette liste. Depuis l’équipe Café de Colombia dans les années 1980, une poignée de formations ont su se faire une petite place dans les circuits mondiaux et continentaux. Ces dernières années, il n’était pas rare de voir une équipe colombienne avec le statut Continental Pro, le deuxième échelon mondial. Quand aucun sponsor n’a voulu mettre la main à la patte, le gouvernement a pris la relève pendant trois ans avec l’équipe Colombia (2013-2015). La structure, managée par l’Italien Claudio Corti, a permis d’inculquer les méthodes d’entraînement européennes à des coureurs locaux s’étant depuis imposé dans des équipes World Tour (Chaves, Atapuma, Pantano). Dernièrement, c’est l’équipe Manzana Postobon qui a pu se faire la main en Continental Pro, participant notamment à la Vuelta 2017. Ces formations ne déméritent pas, mais elles n’ont pas encore les moyens financiers et techniques pour être autre chose que des pépinières de talents colombiens.

Susciter un engouement continental

La Colombie a un désavantage de taille, elle est loin du cœur de l’action, situé en Europe occidentale. L’acclimatation physique et culturelle n’est pas évidente, même si les structures palières évoquées précédemment rendent la tâche plus aisée. Pour se sentir moins seuls au milieu d’un peloton majoritairement européen, les Colombiens pourraient compter sur le soutien des autres nations sud-américaines. Des jeunes coureurs émergent petit à petit en Équateur, en Argentine, au Venezuela et au Costa Rica, mais ils sont encore loin du niveau requis pour le World Tour. Les exploits accomplis par les coureurs colombiens doivent donc montrer la voie à suivre.

Anticiper les coups durs

Le plus incertain des défis. La génération née au début des années 1990 est exceptionnelle. Bernal, Gaviria et Lopez semblent suivre le chemin emprunté par leurs aînés. Les suivants en feront-ils autant ? Dans les années 1980, Lucho Herrera et ses comparses s’étaient retirés sans trouver des hommes à qui passer le témoin. Le fossé générationnel arrivera probablement, mais les Colombiens doivent trouver une solution pour ne pas disparaître des radars le jour où une telle chose se produit.

Attention au dopage

Autre défi de taille, éviter la gangrène du dopage. La vague de contrôles positifs à l’EPO Cera sur le Tour de Colombie en novembre dernier sème le doute. De par son éloignement géographique, le pays peut rapidement être marginalisé par les équipes World Tour si jamais les affaires de dopage se multiplient. Les équipes européennes, malgré leurs casseroles respectives, ne voudront pas avoir affaire à des coureurs issus d’une nation qui se traîne une réputation d’usine à chaudières. On n’en est pas encore là, mais le risque est réel.

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