La montagne était son territoire. Peu importe le versant, et c’est sans doute là qu’est la plus grande surprise. On savait Chris Froome incroyable grimpeur, capable de décrocher n’importe qui quand la route s’élève. Mais cette saison, il a pris une autre dimension. Le Britannique a appris à dompter les pentes. Toutes les pentes.
Changer sans faiblir
En 2013, il y avait eu Ax-3-Domaines et le Mont Ventoux. En 2015, La Pierre-Saint-Martin. Mais en 2016, rien. Aucune trace d’une victoire d’étape au sommet sur le Tour de France. Pourtant, la victoire finale de Chris Froome n’en est pas moins légitime, bien au contraire. Histoire de varier les plaisirs, l’enfant de Nairobi a même gagné là où on l’attendait le moins : à Bagnères-de-Luchon, au bas de la descente du col de Peyresourde, longue de treize kilomètres. Une façon de marquer les esprits et de montrer qu’il sait évoluer. Tout en restant le maître des cimes, d’un côté ou de l’autre des sommets. Comme il ne fait jamais les choses comme tout le monde, Froomey s’est donc distingué avec une position très particulière au moment de creuser l’écart dans cette fameuse descente. L’image a fait le tour du monde. Le garçon n’en avait pas grand chose à faire : il était pour lui question de gain marginal et surtout de maillot jaune. Rien d’autre ne comptait.
Mais le désormais triple vainqueur du Tour n’a pas volontairement mis de côté les arrivées au sommet. Il a simplement agi avec pragmatisme, et on n’en attendait pas moins de lui. Pourquoi diable aurait-il dû s’employer à vouloir gagner chaque étape de montagne alors que l’écart au général était fait ? Jamais Nairo Quintana n’a semblé en mesure de le mettre en difficulté. Dans la montée raccourcie du Mont Ventoux, le Britannique s’est même détaché du Colombien avec une grande facilité. Il n’y avait dès lors aucun intérêt à forcer le trait et à faire preuve de cannibalisme. Dominateur sur le chrono et se contentant d’être « intouchable » en montagne, Chris Froome a gagné le Tour. Contrat rempli. Et en plus, il a fait preuve d’un panache qu’on ne lui connaissait pas, en allant justement gagner au bas d’une descente, ou en sortant dans le final d’une étape de plaine vers Montpellier. Différent, le nouveau Froome est bien aussi fort que l’ancien. Mais il compte toujours autant ses efforts.
L’homme à abattre
Lorsqu’il a fallu s’employer, à d’autres moments de la saison, le Britannique ne s’est en revanche pas démonté. A Villars sur Ollon, en Romandie, c’est lui qui a levé les bras. Comme à Vaujany sur le Dauphiné, ou à Peña Cabarga sur la Vuelta. Preuve que le garçon sait dominer son sujet quand la pente s’élève. Dans les chiffres, il a même davantage brillé que son rival Nairo Quintana, « seulement » deux fois vainqueur lors d’arrivées au sommet cette saison. C’est pourtant le Colombien qui est souvent présenté comme la référence du peloton au moment d’aborder les cols. Son enfance à Bogota, en altitude, en ferait un grimpeur naturel. Il faut croire qu’avec le travail, Froome a su le dépasser malgré son déficit de départ. S’il restera toujours le plus lourd des deux, le protégé de Dave Brailsford, 67 kg à son poids de forme, est visiblement plus efficace. C’est le constat qui se fait depuis 2013, et que le leader de la Movistar ne parvient pour l’instant pas à remettre en question.
Symbole de ce rapport de force, ce n’est pas en montagne mais dans la plaine que Froome a perdu le Tour d’Espagne à la fin de l’été. Face à Nairo Quintana justement, parce que le hasard fait bien les choses. Alors pour le détrôner en juillet, sur les routes de la Grande Boucle, ses rivaux devront faire preuve d’imagination et de panache. Exploiter chaque opportunité, où qu’elle se présente, et essayer de tenir le coup en montagne. Comme depuis trois ans, diront certains. Oui, mais encore plus en 2017. Parce que Froome, depuis qu’il a pris connaissance du parcours du prochain Tour de France, compte devenir encore plus redoutable en montagne. De quoi saper le moral de tout un peloton qui ne voyait déjà – au mieux – que sa roue arrière.