Sans gravité, sa chute de la veille entre Le Touquet et Lille ? C’est ce qu’on se précipitait de dire du côté du clan Sky ce matin au départ d’Ypres, mais, Chris Froome, aussi vaillant qu’il soit, n’a pas supporté de venir, à deux reprises en ce mercredi, au contact avec le bitume. Et ce alors qu’aucun secteur pavé n’a été franchi. Après ce tournant du Tour ? Un feu d’artifice comme on les aime et qu’on ne voit que très rarement.

Une brutale descente aux enfers

Ultra dominateur en 2013, le Britannique Chris Froome comptait bien imposer sa loi pendant plusieurs années de suite, dans le même univers de facilité qui l’accompagnait sur ses récitals opérés au Critérium International, sur le Dauphiné, en Romandie… Mais 2014 ne fut pas la même histoire, et si on le sentait retrouvé après son doublé consécutif fin avril de l’autre côté du Lac Léman, le calvaire du dernier week-end du Dauphiné n’était que le début d’une chute brutale, physique et psychologique. Chahuté dans les médias, en interne pas le trublion Wiggins et pas aussi impérial selon les dires même de Nicolas Portal, directeur sportif de la formation bleue et noire, la pression était peut-être trop forte, en s’élançant depuis sa patrie anglaise. Déjà attaqué par Nibali à Sheffield, l’arrivée en France a confirmé la dynamique du mois de juin. Et les malheurs se sont alors déchaînés sur le Kenyan Blanc. Scruté de très près pour son attelle peu orthodoxe au poignet gauche, c’est une double chute en un peu moins de vingt minutes qui est venu l’assommer alors que nous étions qu’aux prémisses du bouquet final. Pris dans une collision avec Cédric Pineau, il avait à cœur de revenir dans le peloton en solo, pour se rattraper, mais le troisième gadin du Tour fut fatal. Se tenant le bras et cuissard déchiré, sa place était dans la voiture de son directeur sportif. Aussi cruel qu’il n’en soit.

Une journée qui restera dans les têtes à Paris

Nul ne sait ce qu’il en serait advenu si Froome avait repris tranquillement sa place dans le peloton et abordé, bien entouré par un dévoué Geraint Thomas et les téméraires Porte et Nieve, les septs secteurs pavés du jour sur un pied d’égalité. Mais ses principaux adversaires pour la gagne finale avaient cerné ses limites et son état de fragilité, et auraient inévitablement tenté de le mettre en difficulté. Ce qu’à parfaitement su faire Vincenzo Nibali. Celui qui rêvait de Paris-Roubaix au commencement de sa carrière, a réussi à enfoncer le plus profondément possible la massue que ses équipiers du Team Astana lui avaient tendu. Cassures sur cassures, chutes après chutes, le groupe maillot jaune s’est amoindri en un rien de temps, et perdu rapidement Alberto Contador, qui avait déjà fait la mauvaise expérience d’un passage sur les pavés du Nord en 2010, où Frank Schleck avait connu pareil destin que Froome. Mettant à la planche Westra, Fuglsang, et Iglinskiy, les maillots bleu ciel, rendus méconnaissables par la boue, ont enclenché la seconde, après une première accélération des Cannondales pour le sprint intermédiaire du jour, avant que le duo de spécialistes venu de la Belkin ne mette la troisième. Un train d’enfer pour un petit groupe d’une dizaine d’hommes, profitant d’une distance pavée accrue par rapport au passage d’il y a quatre ans. Avec environ treize kilomètres, les écarts avaient tout pour être encore plus importants, et c’est à 2 minutes et 37 secondes du Squale que Contador est relégué ce soir aux portes de la Trouée d’Arenberg. Deux minutes, c’était le tarif presque obligatoire pour tout les concurrents du maillot jaune transcendé par les événements, ratant même de peu la victoire d’étape, au détriment du flandrien par excellence Boom. Même si le Tour de France que nous a concocté Christian Prudhomme est très piégeux, et que la part belle est faite à la montagne, dès les Vosges samedi, il va falloir aller rattraper un débours qui s’élève à 9 minutes 12 pour Frank Schleck. De quoi raviver les critiques sur la présence de pavés sur une course de trois semaines, après la polémique matinale sur Twitter suite à l’annulation de deux secteurs jugés dangereux en raison de flaques et de branchages ? L’histoire retiendra que le principal coup de théâtre s’est effectué sur une portion de route départementale avant même les premières sueurs froides…

Et maintenant, mission reconquête pour tous ?

Que faire désormais à la lecture des classements pour les leaders du classement général, alors qu’ils n’ont disputé que cinq jours de course ? L’abandon de Froome, même s’il coincide avec la prise du leadership interne par Richie Porte, devrait nous permettre d’assister à une toute autre physionomie que celle du train noir dans les cols, et inciter encore plus aux offensives, auparavant cadenassées. Il n’y a plus d’épouvantail pour effrayer toute tentative, et justement, cela tombe bien, les Vosges arrivent samedi ! Auparavant, récupération oblige, même si le final dans la cité Nancéenne pourrait inspirer quelques attaquants, jusqu’aux hostilités phares et inédites, avec la mise à l’honneur de ce massif intermédiaire. Le maillot jaune n’a pas été inquiété depuis sa victoire le deuxième jour, et est conforté mentalement en ce mercredi soir, mais n’a toutefois pas cédé son paletot à, par exemple, un Peter Sagan où un Fabian Cancellara, capables de décharger la pression de la tunique des épaules de la bande managée par Alexandre Vinokourov. Les nouveaux patrons de la Grande Boucle devront donc installer immédiatement leur supériorité, et ne pas laisser la tendance s’inverser. Alberto Contador, relativisant après coup, en se déclarant meilleur que sur le Dauphiné, sera à surveiller de très près, lui qui initiera une remontée à coup sûr. La présence du seul contre-la-montre individuel, tout de même long de 54 kilomètres, n’est pas faite pour privilégier un caractère attentiste, mais pour offrir un large champ de bataille et décanter rapidement la situation. C’est indiscutablement le point de départ d’une nouvelle course, dépouillée de son duel phare dont tout le monde attendait l’issue, et de ses innombrables scénarios vendus à l’avance. Au peloton de continuer sur ces mêmes bases !

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