Si le Tour Down Under était traditionnellement une course réservée aux sprinteurs en dehors du juge de paix qu’est la colline de Willunga, on ne peut pas en dire autant de cette édition 2014. Désireuse d’accueillir un plateau digne de son statut World Tour face à la féroce concurrence argentine du Tour de San Luis, c’est un tiercé royal qui a remporté les premières étapes de la course australienne. Dans les lauréats de ces premiers jours figure Cadel Evans, l’homme champion du monde en 2009 et vainqueur de la Grande Boucle en 2011, mais qui semble décliner inéluctablement depuis. Vainqueur en solitaire la nuit dernière, quelles sont les raisons d’un tel retour en forme ?

Un programme différent, et de nouveaux objectifs

Après une saison 2013 quoi qu’on en dise plutôt réussie avec un podium sur le Tour d’Italie, Cadel Evans a décidé de revenir sur la course rose pour 2014. A désormais 36 ans, le leader australien sort de deux saisons où il a payé son manque de fraîcheur sur le Tour de France qu’il avait pourtant remporté il y a trois ans. Concurrencé en interne par le jeune américain Tejay Van Garderen, Evans a décidé de définitivement jouer sur un tableau différent, avec un Giro qui n’est plus une préparation – comme la saison dernière – mais bien un objectif à part entière. Du coup, le programme du début de saison change totalement, et le Tour Down Under accueille le héros de la nation pour la première fois depuis 2005. Le natif de Katherine souhaite entamer la nouvelle saison le couteau entre les dents, et explique ses choix par une volonté de se rassurer rapidement sur ses capacités.Dans le but de rivaliser avec les Rodriguez, Quintana et autres Scarponi, il doit se préparer encore mieux que par le passé, histoire de combler les quelques déficits qui s’accumulent avec l’âge.

Cette saison est peut-être la dernière occasion pour lui de viser la victoire finale sur trois semaines. De ce fait, il compte bien tout donner en ce début d’année, et marque d’ores et déjà son territoire. Dauphin de l’intouchable Simon Gerrans sur ses championnats nationaux, il répond présent et semble très affûté alors qu’on n’est qu’à la fin du mois de janvier. Sur la première course par étapes World Tour de l’année, il ne se laisse pas surprendre au sein d’une équipe BMC complète, bénéficiant d’un renfort de poids avec la recrue belge Ben Hermans. Dans les bons coups, sa pointe de vitesse est toujours présente et il joue placé derrière Gerrans et le jeune loup Ulissi. Puis, sur la troisième étape – qui comprenait la difficile côte de Corkscrew -, Evans a ravivé la flamme et les espoirs que ses fans placent en lui. L’Australien a attaqué (et ça, c’est une surprise), décrochant un Richie Porte costaud et déjouant la machine Sky, encore en rodage. Plus qu’un bon grimpeur adroit en contre-la-montre, Evans nous a (re)prouvé qu’il avait du punch, nous remémorant ses victoires sur la Flèche wallonne ou sur les Mondiaux. Mais ce qui a encore davantage surpris, c’est sa rapidité d’exécution, à 36 ans et au mois de janvier, bien loin de ses objectifs. Pendant que l’étouffante chaleur de l’hémisphère sud et qu’une épidémie de gastro décime le peloton, la forme de l’Australien est intacte.

La revanche d’un « Papy »

Toutefois, dans le discours du charismatique leader de l’équipe américaine, on ressent comme un désir de vengeance cachée. Décrié depuis sa victoire sur les Champs-Elysées en juillet 2011, Evans souhaite tordre la langue à ses détracteurs, et se débarrasser de l’image du coureur attentiste qui lui colle à la peau. Depuis la consécration de sa carrière, Cadel Evans s’est imposé quatre fois, et avec la manière. Sa victoire du jour aux antipodes ressemble de près à celle qu’il avait conquise lors du Dauphiné en 2012, à Saint-Vallier, lorsqu’il s’était échappé dans la côte de la Sizeranne avant de réaliser une descente impeccable et de s’imposer, le peloton dans les talons. Décomplexé, Evans sait qu’il n’a plus rien à perdre, et son palmarès est là pour le rappeler. Et il est hors de question de le mettre sur le banc de touche lorsqu’on voit les performances d’Horner, plus vieux de six années… Mais en se présentant avec de grandes ambitions dès sa course de reprise, Evans donne le ton de ce à quoi ressemblera sa saison.

Elle ne sera pas le théâtre de son ancien enchaînement de courses par étapes comportant Paris-Nice, le Critérium International, le Tour de Romandie et le Dauphiné, avec le triptyque ardennais intercalé. Ces mêmes classiques, celui qui réside en Suisse les oubliera, et se consacrera à un programme italien, afin de mieux appréhender certains pièges de la course transalpine. S’il y a des chances qu’on le voit sur le prochain Tour Méditerrannéen, il devrait ensuite prendre la direction du Tour du Trentin, ayant servi de tremplin à Vincenzo Nibali l’an passé. Désireux de montrer une dernière fois son vrai visage, Evans sait que la pression n’est plus sur ses épaules et qu’il sera tout juste considéré comme un outsider. Néanmoins, attention à la trop grande débauche de début de saison. Hormis le difficile à cerner Porte, auquel il faut ajouter l’énigme Gesink, aucun grand nom des courses par étapes présent sur le Down Under n’as franchement répondu présent, et il serait dommage de mettre trop de bonne volonté si le jeu n’en vaut pas la chandelle. De quoi faire perdurer les interrogations. Evans aurait-il de nouveaux objectifs pour sa fin de carrière ? Lui seul le sait, mais on ne demande qu’à voir !

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