Personne ne l’avait vu venir au moment des pronostics pour l’épreuve du contre-la-montre de ces Mondiaux de Ponferrada. C’est dire combien Tony Martin était le favori légitime pour la couronne mondiale 2014 de la discipline. Et pour cause, le triple tenant du titre avait dominé son sujet tout au long de l’année. Pourtant, il aura suffit d’un éclair de maîtrise de la part du Britannique pour ravir ce maillot arc-en-ciel qu’il convoitait depuis de nombreuses années. Une nouvelle preuve que ce garçon est vraiment atypique : il fait ce qu’il veut quand il veut.

Une réussite impressionnante

Lorsque Bradley Wiggins se met en tête un objectif, il passe rarement à côté. Certes, il y a eu cette fameuse lassitude après son sacre sur le Tour 2012. Le Giro 2013, son grand objectif de la saison, fut un fiasco synonyme d’une routine brisée et le début d’une rare discrétion. Sauf sur son Tour national. Au cœur d’une saison 2013 compliquée, l’exemple de son triomphe sur les routes de Grande-Bretagne est celui d’un schéma minutieux, ce qu’apprécie avant tout le robotique “Wiggo”. Revenu de nulle part sur le Tour de Pologne, il y avait remporté le contre-la-montre avant de dominer son nouvel objectif du moment. Et déjà, le titre de champion du monde n’était pas loin. Dauphin de l’Allemand d’Omega-Pharma Quick-Step à Florence, il y décrochait une nouvelle deuxième place après celle de Copenhague, une dixième à Stuttgart en 2007 et une septième à Madrid en 2005. Rouleur avant tout, que la figure de proue d’une équipe d’Outre-Manche royale sur les vélodromes ? Le triple champion olympique de poursuite a longtemps été perçu comme une machine à proprement parler, avant qu’il n’explore une polyvalence à toute épreuve. En ne perdant presque rien de ses qualités initiales…

Transformé morphologiquement en grimpeur-rouleur, il n’oublie jamais ses facultés premières, comme en témoigne ce récital solitaire aux Jeux Olympiques de 2012, sur ses terres. Reléguant les meilleurs rouleurs de la planète au rang de sparring-partners, il avait tout bonnement écoeuré une concurrence qui ne sait jamais sur quel pied danser lorsque ce compétiteur né se présente au portillon de départ. Pour faire simple, Wiggins remporte ce qu’il veut quand il le désire, grâce à un travail en interne décrit comme révolutionnaire, mais également un moral d’acier. Le Tour de Californie ? Dans le mille. Remporter Paris-Roubaix ? Une déclaration osée, mais au final une neuvième place qui a mouché ses détracteurs. Renié par sa propre équipe, la Sky, qu’il a mené au septième ciel et vice-versa, lorsque son lieutenant de l’époque Chris Froome prend définitivement le dessus concernant les courses par étapes, alimentant tous les fantasmes sur Twitter à travers la guerre interposée des « femmes de » , c’est avec lucidité qu’il s’est exprimé après son effort marathonien de ce mercredi, remerciant en premier lieu « [s]a famille qui [m]’a beaucoup soutenu pendant l’été. » Sortant de deux étés vierges, et mis au ban d’un Tour de France partant du Yorkshire et séjournant au Royaume-Uni, Sir “Bradley” a prouvé sa noblesse d’esprit, en opérant un retour fracassant. Rassuré par un succès dans les rues de Londres il y a deux semaines, ses propres voyants personnels étaient au vert. Et c’est bien ce qui compte.

Un énième titre, qui appelle aux records

Et maintenant ? Une question typique à l’après show réalisé par celui qui était passé par la Française des Jeux et Cofidis. Après s’être octroyé à deux reprises le Critérium du Dauphiné, et a peu près toutes les courses principales d’une semaine labellisées World Tour, on doutait de sa capacité à se surpasser en juillet. Les plus grandes victoires des champions ont toujours marqué un tournant direct ou non de leurs carrières. Comment “Brad” pouvait-il continuer à enfiler les trophées comme des perles ? En se fixant sans cesse de nouveaux défis. Clairement, les Grands Tours ne sont plus d’actualité chez ce personnage intriguant, froid d’apparence et peu charismatique en dehors de ses terres où il demeure une véritable icône sportive. Le natif de Gand, désormais âgé de 34 ans, souhaite plutôt faire ressortir ses racines dans ses exploits cyclistes. Cap sur les flandriennes.

Doté d’un certain sens de la provocation vis-à-vis de ses adversaires, ses propres prédictions dans les médias ne se sont malgré tout jamais révélées totalement à côté de la plaque. Dans le gros groupe se jouant la deuxième place derrière Niki Terpstra en avril dernier, il terminait parmi les dix premiers après une vingt-cinquième place en 2009, sa puissance physique et son gabarit retrouvé d’homme contre-la-montre étant de multiples arguments en sa faveur. Ce n’est pas non plus la concurrence interne qui lui fera barrage sur ce type d’épreuves. Boasson Hagen partant, seuls Geraint Thomas et Ian Stannard peuvent candidater à un rôle de coureur protégé sur les classiques pavées. Que reste t-il de plus à aller chercher pour se targuer d’un palmarès des plus éloquents ? Le record de l’heure, notamment ! Désormais propriété de Jens Voigt, les nouvelles règles et sa connaissance hors pair de la piste ne sont pas pour lui déplaire. De quoi assister à une revanche originale de cet épisode de Ponferrada ? Ses habituels rivaux de l’exercice solitaire, à savoir Tony Martin et Fabian Cancellara, devraient également tenter cette prouesse qui s’inscrit dans l’histoire du cyclisme. On notera également ses quatre médailles lors des Jeux du Commonwealth, toutes d’argent. De quoi le voir pousser jusqu’en Australie en 2018 ? Les échéances ne sont pas de trop, à commencer par Rio en 2016. Qu’on l’apprécie ou non, Wiggins n’est pas prêt à baisser les armes en si bon chemin.

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