À quatre jours de Paris-Roubaix, le Grand Prix de l’Escaut n’échappe que très rarement aux sprinteurs, et fait plus figure d’hypothétique course de consolation pour les classicmen restés bredouilles qu’un objectif à part entière pour les vrais spécialistes. Et si nous devions déjà trouver quelques déceptions de cette campagne de classiques, l’équipe MTN-Qhubeka y figurerait sûrement. Malgré le boulevard laissé aux outsiders sur les plus grandes courses d’un jour suite aux forfaits de Tom Boonen et Fabian Cancellara, l’ambitieux groupe sud-africain a fait pschitt là où les organisateurs les ont invité. C’est aussi sur ces premiers mois de l’année que les nombreuses pointures européennes venues en renfort durant l’hiver avaient misé. Il faudra encore attendre.
Ont-ils vu les choses en trop grand ?
En rompant brutalement avec la philosophie des premières années, Douglas Ryder pensait-il avoir trouvé la recette miracle ? Installée dans le paysage des divisions inférieures depuis sa création en 2008, la première équipe professionnelle africaine a tout d’abord essentiellement misé sur les jeunes pousses d’un continent qu’elle défend avec fierté. Co-sponsor depuis 2011, le fabricant de cycles Qhubeka s’est fixé pour but de promouvoir le vélo un peu partout dans les territoires les plus défavorisés d’Afrique, notamment auprès de la jeunesse. Un engagement extra-sportif qui suscite de l’admiration et une certaine reconnaissance au sein de l’élite, d’autant plus depuis le changement de dimension survenu après la victoire inattendue de Gerald Ciolek sur Milan-Sanremo en 2013. Première équipe de l’autre côté de la Méditerrannée à remporter un Monument, MTN ne s’appuyait alors que sur cinq coureurs venus du Vieux Continent en plus de ses Africains, parmi lesquels les prometteurs Meintjes, Grmay, Kudus ou Reguigui. Or, à la fin 2014, la maturation progressive du projet sportif est brutalement bousculée par un mercato précipité. Le staff se décide à embaucher Edvald Boasson Hagen, Matthew Goss, mais aussi Tyler Farrar, Theo Bos, Stephen Cummings, Matthew Brammeier et Serge Pauwels. De quoi porter le total de coureurs non-africains à onze, soit pratiquement la moitié d’un effectif grandement chamboulé. Risqué, et source de déséquilibres internes.
De tels changements en profondeur étaient-ils indispensables pour attirer l’œil des sociétés organisatrices des épreuves du World Tour, en sachant que régulièrement MTN-Qhubeka avait droit à sa wild-card sur le Tour des Flandres, le Tour de Suisse, ou même la Vuelta en fin d’année dernière ? La réponse paraît donc incontestablement négative, et l’apport sur le papier d’ex-stars du gotha mondial fut relativement inexistant au moment de décerner les invitations pour l’année 2015. La crédibilité de la structure était déjà prouvée par les progrès réguliers des talents en devenir, et la concurrence pour le poste n’était pas vraiment démentielle. Plus inquiétant encore, on en vient à se demander si les dirigeants de MTN-Qhubeka avaient conscience des conséquences d’un tel empilement de recrues, qui plus est dans le même domaine pour beaucoup. Pourquoi engager Matthew Goss lorsqu’on a déjà un Edvald Boasson Hagen au profil similaire, ou signer Theo Bos lorsque Tyler Farrar vient de parapher son contrat ? Ces quatre coureurs ont tous eu comme point commun l’idée de relancer leur carrière après avoir connu les sommets il y a quelques années, et il paraît bien difficile de les faire cohabiter ensemble sur une même course. De quoi compliquer sérieusement l’objectif annoncé, à savoir lever les bras sur une grande classique.
Des résultats très décevants
Il est alors légitime de se questionner sur les réelles chances de réussite du nouveau cap sportif fixé à l’intersaison. Car si certains avaient réussi avec brio le pari qui consiste à reculer d’un échelon pour mieux sauter, le bilan après quatre mois est sans appel. Et c’est un raté cruel. Aucun des nouveaux arrivants n’a gagné sous ses nouvelles couleurs depuis janvier, et ironie du sort, c’est bel et bien vers l’Algérien Youcef Reguigui qu’il a fallu se tourner pour enfin décrocher la première victoire de la saison – c’était au Tour de Langkawi . Entre temps, seuls les anciens de la maison, si on peut dire, ont réellement brillé sur les routes du premier tiers de saison. Louis Meintjes sur la Semaine Coppi et Bartali, Kristian Sbaragli toujours aussi régulier mais jamais gagnant sur les sprints de l’Europe Tour, pour un butin finalement très en-deça de ses attentes. La métamorphose médiatique en est restée scotchée aux promesses des conférences de presse d’avant-course. Dixième de Milan-Sanremo, Edvald Boasson Hagen a signé la seule performance convenable de la troupe sur les grands rendez-vous, avant de se fracturer la clavicule sur Gand-Wevelgem.
De la malchance diront certains, une inconstance qui somme toute retrace plus ou moins fidèlement la carrière des recrues, diront les autres. Tyler Farrar, aux abonnés absents depuis le Tour de France 2011, n’a pu faire mieux que signer trois tops 10 en 29 jours de course. Idem du côté de Theo Bos, inexistant, et même coupable d’abandon sur toutes les classiques l’ayant vu prendre le départ. Matthew Goss, lui, est définitivement rentré dans le rang après ses exploits périodiques chez HTC et Orica. Au final, seul Stephen Cummings sort la tête de l’eau, avec une sixième place au général de Tirreno-Adriatico, mais soyons franc, ce n’est pas du tout là que son équipe ciblait un résultat probant. Voici donc le résumé assez pâle des débuts de la nouvelle aventure MTN-Qhubeka, supposée l’emmener aux sommets du cyclisme mondial. Il ne fait presque aucun doute que les rêves d’ascension immédiate ont été trop optimistes, voire utopistes. Encore une fois, ce n’est pas en embauchant quatre ou cinq étoiles déchues qu’une équipe au leitmotiv autrefois radicalement opposé se hissera subitement à la place des grosses écuries dominantes. Et pourtant, Douglas Ryder ne cesse de recourir à l’auto-satisfaction, en rappelant que MTN disputera deux grands tours en 2015. Dont le Tour de France, précédé d’un Dauphiné où elle sera scrutée de près par ASO. Il paraît très osé d’avoir sacrifié les objectifs des classiques pour tout miser sur la Grande Boucle. Sauf qu’on ne peut plus passer inaperçu aussi longtemps après avoir promis de casser la baraque en début de saison.
C’est vrai que le recrutement est difficilement explicable! Goss, Boasson Hagen, Farrar et Bos, quatre sprinteurs, franchement quel intérêt? Ils auraient pu recruter un peu plus intelligemment, ils l’avaient fait l’année dernière, mais là on dirait qu’ils voulaient juste empiler les gros noms
PetoSagan :
C’est pas forcément que des gros noms, en tout cas plus trop actuellement (pour certains). Après MTN peut prétendre a des wild cards pour chaque GT, des classiques etc. c’est peut-être une des équipes les plus invitée sur les grandes courses donc avoir ces coureurs c’est pas si gênant. C’est pas comme si ils avaient entassés Cavendish, Kittel, Greipel et Sagan…
M7O : Je suis d’accord il s’agit plus forcément de grands noms, mais ils ont quand même voulu marquer le coup avec ces recrues. C’est pas du recrutement intelligent pour moi, c’est du recrutement pour faire parler. Et surtout, recruter quatre sprinteurs alors qu’il y avait déjà Ciolek, Reguigui ou Sbaragli, c’est pas très réfléchi. Ils auraient du recruter dans plusieurs domaines. Et puis je pense pas que ces recrutements ait aidés à obtenir ces invitations
Oui c’est vrai que ça fais quand même beaucoup de sprinteurs mais peut-être que recruter des coureurs comme Boasson Hagen dont la dernière grande victoire remonte a 2013 (étape du Dauphiné) ou Farrar était plus “simple” que certains grimpeur.
Après ils ont quand même signer Natnael Berhane, ils ont Meintjes, Cummings…
Puis EBH peut se démarquer en montagne, classiques pavés etc. Mais c’est vrai que ça fait beaucoup (avec Van Rensburg aussi d’ailleurs)
Sinon je ne disais pas que ça aide a obtenir les invitations mais je veux dire qu’ils peuvent aligner les coureurs sur pleins de courses différentes…
Pas tout à fait d’accord avec l’article. Déjà Boasson Hagen a dû laisser les Flandriennes de côté sur blessure, il aurait été intéressant de voir comment le Norvégien aurait traversé le Ronde et Paris-Roubaix. Quant à Ciolek, il a chuté au plus mauvais moment sur MSR.
Sur Tirenno, les sprinteurs n’étaient pas aux fraises, à leur niveau actuel, Boasson avait l’air à l’aise, mais ça fait de toute façon longtemps qu’il n’est plus vraiment sprinter. Farrar, il est vrai, à part entasser les top 10, risque d’avoir du mal à viser plus haut sur les emballages massifs. On n’a pas encore vu Bos, mais l’année est longue. C’est un peu prématuré de faire le bilan de ce recrutement relativement ronflant.
Et Cummings a réussi un top 10 en WT, c’est notable, donc MTN a plutôt bien réussi son début de saison, car ils ont montré qu’ils étaient au niveau. On peut considérer le verre à moitié plein ou à moitié vide, mais dire que le début de saison de MTN en tant que conti pro de 1er plan est raté me semble un bien grand mot, et en tout cas avec des circonstances atténuantes.
Dans l’ensemble je suis plutôt d’accord avec vous. Pour moi, même avant le début de la saison, je savais que cette équipe allait prendre l’eau. Elle ne se base que sur des gars dépassés, qui ont qq résultats mais qui ne sont plus dedans. Par contre Stepehn Cummings a quand même été gagner un trofeo en Espagne début de saison si je ne me trompe pas.
Je pense que ils ont tenté de relancer des coureurs sans résultats notables depuis quelques année comme ils avaient pu le faire avec Ciolek.
Malhereusement ce tour de passe passe ne marche que très rarement et leur beau projet s’est écroulé !
Alors oui ils ont des jolis noms qui peuvent leur permettre d’accéder à toutes les épreuves WT mais on l’a vu sur Tirreno, le leadership sur les sprints notamment n’est pas clairement défini !
EBH, Farrar Bos sont tous là pour relancer leur carrière et se mettre au service l’un de l’autre n’est pas forcément facile à accepter je pense.
Pour EBH, je pense que son premier gros objectif, en plus de MSR était le Ronde et Roubais et je pense qu’avec une équipe à son service il aurait pu peser sur la course et signer pas forcément la victoire mais des places d’honneur !
En tout cas j’espère que ils vont remonter la pente et ne pas faire que des échappée Télé sur les principales courses où il sont invités !
J’ai oublié Goss sur les sprinters
C’est vrai que ce recrutement plus clinquant que solide me laissait sceptique, à part celui insiscutable de Boassen Hagen. Quitte à faire un effort financier, il aurait mieux valu essayer de recruter Impey et le barbu namibien dont je ne me rappelle pas le nom, ce qui aurait renforcé l’identité africaine, qui est la plus value qui leur ouvre les portes de pas mal de courses.
Sur PCM14, je suis monté en World Tour facilement avec une équipe pareille!
Dommage pour eux vu l’effectif.
Salut à tous,
je ne serai pas aussi péremptoire.
1) Point négatif… effectivement, le recrutement me paraît critiquable car déséquilibré en terme de profils de coureur, tout le monde _ ou presque _ se rejoint là-dessus
2) Plus mesuré… l’évolution souhaitée à ses bons et ses mauvais côtés. D’une part : Je pense vraiment que le fait d’avoir des “grands noms” peut jouer lors de l’attribution des Wild card…De l’autre, attention à ne pas perdre son “identité formatrice”. Continuer de révéler des talents du continent africain est souhaitable pour MTN-Qhubeka.
3) Points positifs … Gare aux hâtives conclusions. EBH me semblait de plus en plus fort (il fait son meilleur MSR je crois), si son pic de forme est bien (re)programmé (et si sa rééducation, avant tout, se passe bien et dans les temps) il peut rapporter de gros résultats. Cummings a été vraiment très costaud sur Tirreno, Reguigui en sprinteur (voir puncheur) est en progrès, Meinjties confirme son super potentiel etc.
Pour conclure, je dirais plutôt “révolution ratée ?” (car la question mérite d’être soulevée) que “révolution ratée.” (car l’on ne peut pas encore en juger).
*Désolé pour les grossières fautes de syntaxe