On a tout dit ou presque sur Warren Barguil. Sur son panache, ses similitudes avec Virenque, son attachement à la Bretagne et son maillot à pois. Pendant un mois, il est celui qui a enflammé une Grande Boucle qui avait bien besoin d’un pyromane d’élite pour brûler les cœurs déçus du manque d’initiative des favoris. Le Tour désormais terminé, se pose la question de son rôle l’an prochain. Le potentiel aperçu sur ces trois dernières semaines permet de rêver.

Un Tour incroyable

Warren Barguil est à fleur de peau. Souvent submergé par l’émotion. Comme à Chambéry lorsque, battu par Rigoberto Uran d’un fil, il était passé des larmes de joies à la stupeur apitoyante. Alors quand jeudi, seul en haut de l’Izoard, il levait ses deux bras au ciel en hommage à ses grands-parents, l’amalgame des sentiments prenait les tripes. « Je n’aurais jamais pensé faire un tel Tour, je ne sais plus où je suis, je suis sur une autre planète, je ne suis plus sur la Terre. Une victoire en haut d’un grand sommet, c’est exceptionnel. » Les mots sortaient directement du cœur vaillant du grimpeur breton. Lui-même avait du mal à croire qu’il venait de remporter sa deuxième étape du Tour en moins d’une semaine « alors qu’il y a quelques mois de ça, je ne pensais même pas être au départ du Tour. » Si la première victoire, devant Alberto Contador et Nairo Quintana, était belle, celle en haut de l’Izoard jeudi était encore plus symbolique. Warren Barguil l’avait gagné à la régulière, devant les meilleurs. Chris Froome adoubait son futur rival : « Félicitations à Warren Barguil pour cette belle victoire. » Magnifique même, au point d’estomaquer Bernard Thévenet, son prédécesseur sur les rampes de l’Izoard. « On a trouvé un grand grimpeur en France. »

« Je n’aurais jamais pensé faire un tel Tour, je ne sais plus où je suis, je suis sur une autre planète. »

Warren Barguil

Son directeur sportif, Aike Visbeek, savourait également avec fierté : « C’est incroyable. Warren était avec les meilleurs, il a démarré avant eux, il a été intelligent. Il a fait un bon trou. C’est la victoire qu’il voulait, contre les meilleurs grimpeurs du peloton, c’est magnifique pour lui. » Le succès que Warren Barguil désirait, c’est évident. « Voir qu’il peut concurrencer les mecs qui jouent le général, ça booste sa confiance », confirmait Luke Roberts, un autre de ses directeurs sportifs. Car le Breton ne pouvait se contenter de gagner, il devait le faire avec la manière, en matant les fauves du peloton. Le Français ne voulait pas être un maillot à pois par défaut, mais bien démontrer qu’il était le meilleur grimpeur. « Je pense que je mérite amplement mon maillot. Je vais le porter même chez moi je pense, je suis tellement content de l’avoir », expliquait-il sous le soleil des Alpes jeudi soir. La preuve est faite, Warren Barguil est du niveau des premiers. « Je crois que ce qu’il a montré ici dans la montagne, c’est qu’il est un grimpeur qui peut jouer avec le gratin », insistait Aike Visbeek. À l’endroit même où il était attendu il y a six ans, en 2012, quand il avait magnifiquement remporté le Tour de l’Avenir. À sa place, celle qu’il avait commencé à se construire après ses deux succès sur la Vuelta 2013.

Des pois au jaune

Au delà du double succès, de ce maillot à pois chèrement conquis, de cette nouvelle idolâtrie autour de sa personne, Warren Barguil a gagné le respect. Dixième du classement général pour la première fois de son histoire tourmentée avec le Tour, alors même qu’il n’était que quarante-deuxième à quatorze minutes le soir de la huitième étape à la station des Rousses, Warren Barguil a franchi un premier cap vers un destin de vainqueur de la Grande Boucle. « Il y avait des doutes autour de lui, il a eu des périodes compliquées, donc je suis très content qu’il ait pu montrer son réel talent, s’enthousiasmait Aike Visbeek. On sait qu’il avait un très gros moteur mais à la fin de la journée, t’as besoin d’une victoire d’étape pour le prouver. Je crois que ce Tour de France marque un bon début pour lui, ça va marquer un changement. La confiance en lui qu’il a acquis ici va l’aider, c’est sûr. » L’aider à voir plus grand.

« Il a vraiment montré qu’il était l’un des meilleurs grimpeurs, qu’il pouvait suivre Froome en montagne, donc il a de très bonnes chances de rentrer dans le top 5. »

Aike Visbeek, directeur sportif de Sunweb

Et les ambitions de Warren Barguil ont pris du poids. Lui qui refusait d’évoquer le classement général avant les Alpes commence à admettre que l’éventualité lui chatouille désormais l’esprit. Alors qu’il a parfaitement couru pour rentrer dans les dix cette année malgré son départ volontairement catastrophique, le Breton se projette déjà : « Avec les jambes que j’ai en ce moment, si je reviens au Tour avec les mêmes jambes, jouer le général est possible. » Warren Barguil ne veut pas non plus se coller une trop grosse pancarte dans le dos : « De là à gagner, il y a encore une grosse marche, mais le top 5 est un objectif. » Aike Visbeek nous glissait que l’objectif pouvait même être plus important : « Ça dépend de combien de kilomètres de contre-la-montre il y aura, car il n’est pas au niveau de Chris Froome là-dessus mais il a vraiment montré qu’il était l’un des meilleurs grimpeurs, qu’il pouvait suivre Froome en montagne, donc il a de très bonnes chances de rentrer dans le top 5. » Difficile d’envisager le sacre néanmoins, « Warren doit encore progresser sur contre-la-montre pour battre Froome. »

Lui ou Dumoulin ?

L’effort solitaire, justement, est le dada de l’autre leader de la formation allemande, Tom Dumoulin. Vainqueur du dernier Giro, le Papillon de Maastricht semblait avoir gagné ses galons de leader absolu chez Sunweb. Warren Barguil aurait ainsi du se mettre au service du grand brun pour les prochains grands tours. Mais les performances du Français ont remis en cause cette conclusion naturelle au sortir du Giro. Aike Visbeek souhaitait néanmoins éteindre toute polémique à son foyer. « Il n’y a pas de compétition. On regardera le parcours, le nombre de kilomètres de chrono et nous aviserons. Entre Tom et Warren, on choisira celui qui a le plus de chance de l’emporter », nous assurait-il. Il n’empêche que la perspective d’une lutte intestine est nauséabonde pour l’équipe. Entre un coureur, chouchou du public local, et une machine, un maillot rose qui pourrait obliger Chris Froome à sortir de ce rôle de gestionnaire qu’il a embrassé cette année, le choix est difficile.

« Il n’y a pas de compétition. On regardera le parcours, le nombre de kilomètres de chrono et nous aviserons. Entre Tom et Warren, on choisira celui qui a le plus de chance de l’emporter. »

Aike Visbeek

Comme le dit Aike Visbeek, la décision sera prise lorsque Christian Prudhomme dévoilera le parcours du Tour 2018. Difficile de spéculer avant. Faudrait-il néanmoins que Barguil, en fin de contrat, reste dans son cocon allemand. Certaines rumeurs l’enverraient chez Sky, AG2R ou encore à la FDJ. Mais quelque soit son maillot au départ du prochain Tour, le public espère voir Barguil conquérir une Grande Boucle qui échappe aux Français depuis Bernard Hinault, autre Breton offensif. « Dès que je fais le vélo que j’aime, que j’attaque et que je ne me contente pas de suivre, je prends du plaisir. » Une attitude qui tranche avec le vélo-calcul à son apogée cette année. C’est en ré-inventant leurs sports que les plus grands athlètes sont entrés dans l’histoire.

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