Warren Barguil a donné des frissons à la France entière. Arriver en tête en haut de l’Izoard, l’une des montées les plus mythiques de l’histoire du Tour, n’est pas donné à n’importe qui. Surtout quand il s’agit d’y gagner l’étape. Le Breton est aujourd’hui rentré dans la cour des grands, celle des champions de la Grande Boucle.

La course parfaite

Gino Bartali, Fausto Coppi, Louison Bobet, Federico Bahamontes, Eddy Merckx, Bernard Thévenet, tous ces noms ont marqué le Tour au sommet de l’Izoard. On peut désormais y ajouter le nom de Warren Barguil. Le Breton est le premier vainqueur au sommet de ce col légendaire. « J’ai du mal à réaliser », expliquait-il au micro de France Télévisions après l’arrivée. Mais nous, nous réalisons l’ampleur de la performance. Se détacher à six kilomètres de l’arrivée du groupe des favoris, lâcher Alberto Contador, résister aux retours de Mikel Landa, puis de Chris Froome et de Romain Bardet, ne pesons pas nos mots. C’est un exploit. Cette Grande Boucle marquera la carrière de Warren Barguil, sans aucun doute. Deux victoires d’étape, un maillot blanc à pois rouges (à condition d’arriver à Paris) et une neuvième place au général. « J’y croyais pas trop (en venant sur le Tour, ndlr), je m’impressionne », sourit le principal intéressé.

On le répète, on radote presque, mais oui, la performance est d’autant plus forte que sur le Tour de Romandie, le Breton avait lourdement chuté. Rien n’était sûr pour le Tour de France, même la participation. Il y a trois semaines, gagner en haut de l’Izoard était improbable. Mais la magie du cyclisme se moque bien des probabilités et de la logique, elle sacre au mérite. « Après beaucoup de malchance, la chance tourne enfin. Ne jamais rien lâcher, ça paye. J’ai eu beaucoup de problèmes, mais aujourd’hui c’est un grand moment. » Les problèmes. Il y avait ceux sur le vélo, et ceux plus personnels. La longue et éreintante tournée des médias a fait craquer l’armure dans laquelle le Breton s’était refugiée après sa victoire. « J’ai pensé à mes grands-parents qui sont décédés », expliquait-il en s’efforçant de ne pas pleurer.

Le chouchou des Français ?

L’émotion est pure. Warren peut savourer, nous aussi. On profite. Il y a quelques années de cela, voir un Français s’imposer en haut de l’Izoard tenait quasiment de la science-fiction. Forcément, on repense à un autre coureur, qui a fait chavirer la France par ses exploits de juillet, Richard Virenque. L’analogie est d’autant plus évidente que sur la ligne, Warren Barguil a levé les doigts vers le ciel. Comme le septuple maillot blanc à pois rouges. En écartant évidemment la face sombre de Virenque, la comparaison vient tout naturellement, ce n’est pas un mal. Barguil aime ce rôle de fou du roi capable d’attaquer, de faire la différence et d’enflammer la foule. Et le public le lui rend bien, l’encourageant chaque jour, que ce soit devant son bus le matin ou sur la ligne d’arrivée le soir. Peut-être même un peu trop, en s’approchant un peu trop de leur nouvelle idole dans la montée finale.

Mais comment leur en vouloir ? La France aime ces coureurs-là, plein de panache. Elle s’emballe, elle les adule, et parfois les jette aux oubliettes, lorsqu’ils la déçoivent. C’est une preuve d’amour. Elle les préfère même à ceux qui courent pour le classement général et pour le maillot jaune, parce que les Français aiment rêver. Ils aiment la belle échappée, la grande escapade, les longues envolées. La France aime le cyclisme poétique, elle ne peut donc qu’aimer ce grand breton qui coupe la chique aux leaders. Alors pour Barguil se présente désormais un choix. Il faut désormais vivre ou survivre, continuer à chercher les étapes en coursier sans faire du général une priorité ou au contraire viser une bonne place à Paris. A l’origine, le Breton a attaqué pour gagner quelques places au général, ne connaissant pas les écarts avec les coureurs devant lui. Ce qui n’était pas un objectif en est devenu un, preuve que Barguil avait toujours espéré finir dans le top dix. Mais en réalité, peu importe son choix. Le plus important, c’est le plaisir. Le sien, comme le nôtre.

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