Joaquim Rodriguez hésite. Comme si la retraite lui faisait peur. A la fin de l’été, il était acté qu’il ne remonterait pas sur un vélo en 2017. Puis il a pris tout le monde à contre pied en signant chez Bahrain-Merida. Mais un mois plus tard, le voilà qui remet encore tout en question. Il n’est peut-être pas trop tard pour finalement prendre la bonne décision.

Touché dans sa fierté

« Si je ferme les yeux et que je pense à la façon dont s’est terminée cette saison, je ne suis pas heureux. Ce n’est pas comme ça que j’avais imaginé la fin de l’histoire », assurait Rodriguez fin octobre à TuttoBici. Il venait alors de s’engager avec la nouvelle formation Bahrain-Merida, pour un nouveau défi, à 38 ans. Parce que, tentait-il presque de se convaincre, il se sentait « encore cycliste ». Mais surtout, finalement, par amour propre. Parce qu’il n’a pas eu la fin qu’il espérait. « Je voulais terminer comme Cancellara, avec une grande performance sur une grande course », concédait-il alors. Honnête, mais illusoire. Pour plusieurs raisons. Et d’abord, très simplement, parce que Rodriguez a trois ans de plus que le Suisse, et que ça compte. A l’approche de la quarantaine, chaque bougie de plus à souffler signifie quelque chose. Même pour Purito, arrivé assez tard à l’apogée de sa carrière.

Mais il y a autre chose, d’un peu plus cruel : Cancellara a toujours été supérieur à Rodriguez, et c’est sans doute ce qui lui a permis d’être compétitif jusqu’à ses derniers mois de compétition. Comparer les carrières de Canci et Purito, c’est d’ailleurs faire mal à l’ego du Catalan, alors même qu’il a un palmarès long comme le bras. Mais le constat est là. Le Suisse fait partie de ces quelques hommes, cinq tout au plus, que l’on peut qualifier de plus grand coureur des dix dernières années sans que cela ne choque personne. L’enfant de Barcelone, lui, est loin d’avoir acquis un tel statut. Il n’a été « que » l’un des très bons coureurs de la décennie. Logique, donc, qu’il ne soit pas en mesure de s’offrir une sortie aussi belle que celle de Cancellara, médaillé d’or olympique en août et qui a décidé de tirer sa révérence là-dessus.

Se rendre à l’évidence

Pas complètement déconnecté de la réalité, Rodriguez, depuis qu’il a donc signé ce fameux contrat il y a quelques semaines, a beaucoup réfléchi. Et il a pour la première fois évoqué ses doutes, il y a quelques jours sur Rueda Lenticular. « Tout ce que je veux pour la saison prochaine, c’est revenir à 100 %. Mais si je ne suis pas à mon maximum, alors je ne reviendrai pas », a lâché le Catalan. Un moyen de préparer le terrain en vue d’un nouveau retournement de situation ? Le garçon a peut-être pris conscience que sa première décision était la bonne. Parce que sa saison, si elle ne le satisfait pas pleinement, n’a rien de catastrophique. Septième du Tour de France, quatrième de la Clasica San Sebastian, cinquième des Jeux Olympiques : il a de quoi partir la tête haute. Avec, au passage, un signe de respect envers l’équipe Katusha. Parce que c’est véritablement sous les couleurs de la formation russe qu’il est devenu l’épouvantail que l’on connait, et que lui rester fidèle serait une belle conclusion.

Alors bien sûr, arrêter cet hiver, c’est faire une croix sur son rêve de toujours : remporter un grand tour. Mais qu’il poursuive une année supplémentaire ne lui offrira pas ce graal. C’est en 2012 qu’il a manqué le coche, sur le Giro, battu par la surprise Ryder Hesjedal. Jamais une aussi belle opportunité ne s’est depuis présentée. Et il n’y en aura pas d’autre. Ni en 2017, ni plus tard. Surtout pas chez Bahrain-Merida, où Purito est voué à devenir un lieutenant de Vincenzo Nibali. La liberté dont il disposait chez Katusha, en raison de son statut et d’un effectif loin d’être pléthorique, serait perdue. Il retrouverait la situation qu’il avait fui fin 2009, où barré par Valverde à la Caisse d’Epargne, il avait claqué la porte pour aller trouver son bonheur loin de l’Espagne. Aujourd’hui, il ferait bien de s’en souvenir. Pour faire le bon choix, en faisant abstraction du chèque qui l’attend dans le Golfe. Et en restant lucide. Pour ne pas faire l’année de trop.

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