Au soir de cette dixième étape, à Sestola, il pointe à la 17e place du général. Vainqueur de la Semaine Internationale Coppi et Bartali puis du Tour des Appenins et quatrième du Tour du Trentin, le Russe Sergey Firsanov, bientôt 34 ans, étonne chaque semaine un peu plus. Dans le plus grand des calmes. Membre de l’équipe Gazprom-RusVelo, invitée pour la première fois de son histoire sur le Tour d’Italie, il a accepté de se livrer à la Chronique du Vélo. Une exception pour le garçon originaire de Velikié Louki, qui n’est pas de nature à s’étendre dans les médias.

Cette année, vous avez principalement couru les courses italiennes, et obtenu des très bons résultats. Peut-on dire que vous avez passé un nouveau cap ?

Je l’espère. On va dire que physiquement, je me sens en fait beaucoup mieux depuis le début de saison, mais je ne peux pas dire quel facteur fait réellement la différence. Tout est aussi important. Aussi bien ma condition physique, le fait que j’ai changé de vélo par rapport aux précédentes saisons, les méthodes d’entraînement ont aussi évolué. Notre entraîneur reste désormais toujours avec nous et analyse absolument tout. Je fais également beaucoup plus attention à la nutrition, et tout ces facteurs sont à l’origine de mes performances actuelles.

Vous arrivez ainsi sur le devant de la scène à 33 ans, pour votre neuvième saison chez les professionnels…

J’ai connu une excellente saison 2012, avec de bonnes performances d’ensemble et quelques victoires. Après, je ne sais pas vraiment expliquer cette éclosion assez tardive. Probablement que je suis devenu bien plus stable psychologiquement. Les entraîneurs et directeurs sportifs ont bien tourné, et l’atmosphère de l’équipe avec. Aujourd’hui je me sens bien plus à l’aise, comme à la maison, avec moins de pression et de tension. Et cela explique sûrement le fait que tout marche très bien actuellement.

Avez-vous connu des difficultés particulières dans vos jeunes années ?

Quand j’avais 20 ans, je n’avais absolument pas les conditions de travail dont dispose maintenant la jeune génération. Du coup, j’ai beaucoup disputé les épreuves du circuit russe, par exemple à Anapa, et mon passage dans la catégorie reine s’est fait très tard. Mon premier contrat dans une équipe continentale, je l’ai eu à 25 ans. C’est à partir de là que j’ai commencé à parcourir l’Europe pour découvrir de nouveaux challenges, et me tester sur des courses plus ou moins relevées.

Les courses russes, justement, vous y avez beaucoup brillé. Elles sont particulières ?

C’est peut-être étonnant, mais leurs départs ne m’ont jamais vraiment marqué. Sauf pour les “Five rings of Moscow”, qui est sans doute la course la plus prestigieuse pour n’importe quel Russe. Les spectateurs sont très nombreux, et l’organisation est vraiment meilleure que sur n’importe quel autre événement cycliste du pays. Je me suis imposé deux années d’affilée là-bas, j’en garde un excellent souvenir.

Pourquoi de grandes équipes, et notamment Katusha, ne vous ont jamais offert de contrat ?

Allez donc leur demander ! En réalité, les réponses des grandes équipes ont toujours été sensiblement identiques. On m’a toujours dit que j’étais trop vieux, même à l’âge de 25 ans…

Êtes-vous le capitaine de cette équipe, qui délivre des conseils aux plus jeunes ? Certains vous impressionnent-ils ?

Non, je ne donne jamais de conseils à personne. Et réciproquement, on ne m’en demande pas. Chacun est très professionnel, et nous savons tous ce qui est meilleur pour nous. Par exemple, les neuf coureurs du Giro sont en bonne forme, c’est certain. “Sasha” Foliforov est probablement le plus talentueux et compétent sur trois semaines, mais il est encore très jeune.

Vu de France, on vous connait très peu. Quelles courses vous correspondent le mieux ?

Je ne pense pas qu’un type de courses me convient plus qu’un autre. Si vous avez des bonnes jambes, tout peut vous sourire en théorie. Les courses par étapes restent ceci dit mon domaine de prédilection, surtout lorsque les étapes se terminant par un final assez pentu et brutal. Mais récemment, j’ai levé les bras dans une arrivée en descente, comme quoi… (rires)

Quelle est votre principale qualité ?

Ma rigidité. Je suis un battant, qui s’arrache jusqu’au bout.

À juger vos premiers mois de 2016, peut-on dire que vous êtes dans votre meilleure année ?

Oui et non. Cela pourrait très bien être le pic de ma carrière, mais bien que j’ai 33 ans, je ne compte absolument pas m’arrêter tout de suite. Quand je vois que des cyclistes sont capables de réaliser des exploits à 40 ans passé, je me dis que tout est permis.

Fin mars, vous avez couru en patron sur la Semaine Coppi & Bartali. Qu’est-ce que cela vous a fait de remporter cette course ?

C’était cool (rires) ! Bien évidemment, je n’ai pas réalisé sur le moment ce que j’étais en train de faire. Puis j’étais extrêmement heureux de constater que j’avais eu une grande confiance en moi pour résister à des coureurs de l’équipe Sky. Cela m’a assurément donné encore plus de motivation.

Avez-vous été surpris quand vous vous êtes retrouvé dans les roues de Landa ou Pozzovivo dans les cols les plus durs du Trentin ?

Oui, j’étais vraiment surpris. Mais bon, c’était surtout un plaisir pour moi de me retrouver dans cette position, avant tout. (rires)

Les médias et les fans ont été extrêmement étonnés quand ils ont appris que RCS avait octroyé une wild-card à votre formation, Gazprom-RusVelo, pour le Giro. Était-ce aussi inattendu de votre côté ?

Encore plus pour moi ! Je rêvais depuis le temps de pouvoir prendre le départ d’un grand tour, et au fur et à mesure que les années passaient, je me disais que ça n’arriverait jamais. Plus je prenais de l’âge, moins les chances de pouvoir connaître ce genre d’aventure étaient grandes. Quelques semaines avant, des rumeurs disaient que nous pourrions participé, mais je n’y ai jamais cru. Alors, quand c’est devenu officiel, c’était un petit choc. Mais immédiatement, j’ai dit que je me focaliserai dessus.

Avant de prendre le départ, vous avez eu des doutes, ressenti une légère appréhension vis-à-vis de votre première participation à un grand tour ?

Je n’étais vraiment pas effrayé. Nous nous sommes entraîné de façon très classique, mais en sachant qu’il y a 21 étapes au programme, avec donc pour but d’être prêt et de tenir le coup sur la longueur.

Dans l’absolu, préférez-vous remporter une étape ou prouver que vous pouvez être compétitif avec les grands favoris pour le maillot rose ?

À voir l’état état de forme des favoris, cela m’étonnerait grandement que je rivalise avec eux. (rires) Mais je ne veux rien écarter, alors on verra bien ce qui sera possible.

Alors si ce n’est pas vous, quel est votre favori pour ce Giro ?

Zakarin. Je pense qu’il a toutes les qualités pour remporter le maillot rose.

Et votre objectif, alors ?

Tout donner, essayer de ramener un bon classement général sans être attentiste. C’est important pour une équipe invitée d’être régulièrement à l’attaque, de montrer les couleurs de notre sponsor et de notre maillot devant les caméras de télévision. Et pour un Giro parfait, il faudrait aussi une victoire d’étape. Mais c’est clairement idéaliste.

Comment vous considère-t-on dans le peloton ?

Mes relations avec les autres coureurs sont normales, je dirais. Je vois davantage de personnes venir vers nous, me féliciter après les bons résultats du début de saison. Mais je n’attends absolument pas que les gens viennent vers moi.

Après le Giro, où-est ce que vous vous rendrez ? Connaissez vous votre programme ?

Chez moi, pour prendre quelques jours de repos ! Puis, nous déciderons plus tard si je vais en France, pour les Boucles de la Mayenne, où en Slovénie.

Que peut-on donc vous souhaiter à l’avenir ?

J’aimerais participer à plus de grands tours et montrer que je peux réaliser de bons résultats dans les grandes courses.

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