Il y a quelques jours, à son hôtel, l’équipe FDJ  a vu débarquer les contrôleurs à un peu plus de 23 heures. Un contrôle anti-dopage assez tardif, qui s’inscrit dans la volonté de l’UCI de durcir ses règlements pour faire reculer le plus possible les pratiques interdites. Mais avec le système ADAMS et désormais les contrôles nocturnes, ne va-t-on pas un peu trop loin ?

Oui, par Théo Sorroche

« Christopher Froome a avoué avoir manqué un contrôle anti-dopage. » Le 29 juin dernier, la formule de BFM TV est un brin accusatrice. Le Britannique était seulement à l’hôtel avec sa femme en Italie, le temps d’un break amoureux une semaine avant la Grande Boucle. Ce “no show” est presque excusable. « Les autorités se sont présentées à sept heures du matin et les responsables de l’hôtel ont refusé de leur donner accès à notre chambre, a raconté « Froomey » après les évènements. Ils ont aussi refusé de les laisser me contacter. Le matin, au petit-déjeuner, ils nous ont dit que des contrôleurs étaient passés mais que la politique de l’établissement est de ne laisser personne déranger nos clients. » Le pire dans cette histoire, c’est que Froome se soit senti obligé de prendre la faute sur lui et après avoir “avoué”, de se repentir : « J’aurais dû être plus prévoyant avec la direction de l’hôtel et leur dire plus clairement que des contrôleurs pouvaient passer tôt le matin. J’ai déjà été contrôlé plusieurs fois un peu partout dans le monde. Je n’avais pas vu venir celui-là, c’est de ma faute. La leçon est retenue. »

La leçon ? C’est qu’il faut être frais et disponible à toute heure du jour et de la nuit pour répondre aux enquêteurs de la lutte anti-dopage. Brian Cookson, président de l’UCI, a même brandi la menace de contrôle de nuit, en pleine course. En 2007, déjà, ce sujet faisait débat et le directeur du master professionnel droit du sport de la faculté d’Aix-Marseille, Jean-Michel Marmayou, livrait une analyse pertinente pour Libération : « Les moyens mis en œuvre pour appliquer la lutte peuvent poser problème au regard de l’article 8 de la convention. Tout l’arsenal de la lutte anti-dopage porte atteinte au respect de la vie privée : les contrôles inopinés, au domicile, en villégiature, l’obligation de signaler où l’on est. Et la question est de savoir si cette atteinte est proportionnée au but recherché. » Jean-Michel Marmayou s’interrogeait également sur le passeport biologique qui est une atteinte même au principe de secret médical. Au delà du simple respect de la vie privée, les contrôles nocturnes pourraient nuire à la compétition : la fatigue qu’ils entraîneraient et le stress engendré nuirait forcément à la course du lendemain pour l’équipe contrôlée. Le cyclisme se démarque tellement du reste du monde sportif que ça en devient aberrant. Comme le soulignait très bien Julien Pinot après le contrôle de la FDJ d’un tweet lapidaire : « Contrôle inopiné à 23heure pour l’équipe pendant que Gasquet se qualifie en 1/2 (demi-finale de Wimbledon, ndlr) sous infiltration. Il n’y a pas le même traitement des instances et des médias ! » La chasse au sorcière et ses inepties…

Non, par Robin Watt

Les cyclistes sont sans doute les sportifs les plus contrôlés dans le monde. Et pourtant, c’est le sport qui suscite auprès des néophytes le plus de suspicions. Chez les cyclistes eux-mêmes, le doute est prépondérant. Dans le rapport de la Commission indépendante, les témoignages des coureurs vont dans tous les sens. Pour certains, 90 % du peloton est encore chargé, alors que pour d’autre, c’est tout bonnement l’inverse, il n’y aurait pas plus de 10 % des coureurs qui se doperaient. Où placer le curseur pour être dans le vrai ? Personne ne le sait vraiment, et c’est pour ça qu’il est nécessaire, encore aujourd’hui, de durcir la lutte anti-dopage pour resserrer l’étau autour des tricheurs. On avance, depuis quelques années, que les instances vont dans le bon sens, qu’il y a de moins en moins de marge de manœuvre pour les coureurs qui se dopent. Mais il suffit d’un reportage, au hasard celui diffusé sur Stade 2 il y a quelques semaines, pour se rendre compte que finalement, malgré tous les contrôles, le passeport biologique et tout le reste, il est encore possible d’outrepasser les règles et de passer entre les mailles du filet. Une remise en cause permanente de la part de l’UCI et des instances anti-dopage est donc logique : il faut arrêter d’avoir un temps de retard sur les tricheurs. En prenant les devants, en innovant dans les contrôles, peut-être sera-t-il possible de faire encore plus de ménage, et de dissuader.

D’ailleurs, la plupart des coureurs interrogés ont bien accueilli la nouvelle. Ceux qui sont propres sont prêts à tout pour le prouver, et ne rechignent donc pas à endurer des contrôles inopinés tard le soir, ou tôt le matin. Même si, on en convient, le système ADAMS et tout ce qui s’en suit est une énorme contrainte pour n’importe quel individu. Mais comme l’a dit Brian Cookson, le président de l’UCI, et pas mal de coureurs : « c’est le prix à payer ». Pour rendre le cyclisme crédible, et faire contrepoids avec les affaires qui éclatent malgré tout (Astana, Paolini…), tous ces contrôles sont une nécessité. Il y a un peu plus de dix ans, aller faire un tour dans les hôtels après 23 heures aurait peut-être permis de démanteler le système de dopage organisé de l’US Postal. Et même si certains continueront toujours à se frayer un chemin pour contourner les règlements, cette évolution pourrait faire le tri. Les coureurs d’aujourd’hui paient sans doute pour les errements de ceux d’hier, mais il faut s’y faire. Être coureur professionnel, c’est énormément de contraintes, et l’abandon d’une partie de sa vie privée.

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