Devenu Sir, Bradley Wiggins n’est plus certainement le même homme depuis sa victoire sur le Tour de France 2012. Entre mésaventures, déconvenues sportives depuis son incroyable explosion entamée au début des années 2010, l’Anglais à du affronter une motivation défaillante et s’est remobilisé sur de nouveaux horizons en cette saison 2014. Wiggins purement spécialiste du chrono ? Wiggins désormais adepte des classiques flandriennes ? Wiggins a montré cette semaine qu’il avait encore de beaux restes dès que la route s’élève, et c’est le Tour de Californie qu’il vient de s’adjuger, au nez et à la barbe des jeunes grimpeurs présents. Mais que doit-on espérer pour la suite ?

Une victoire à la Wiggins

Ce succès au Tour de Californie s’inscrit dans la lignée des récitals passés de Wiggo. Habitué à survoler le contre-la-montre d’une épreuve sur une ou trois semaines, il lui suffisait alors de gérer son avantage acquis lors des phases montagneuses, sans trembler. Un schéma reproduit à l’identique pour l’emblématique coureur de Sky sur les routes américaines, assommant son jeune et talentueux rival Rohan Dennis dès le deuxième jour autour de Folsom. Impérial face à Phinney et consorts, on a retrouvé un Wiggins aérien nullement inquiété, et montrant de nouveau ses signes caractéristiques synonyme de classe pour certains, ou d’arrogance pour d’autres. Qu’importe, bien entouré par les Dombrowski ou autres Edmondson, il n’a eu aucun mal à contenir les jeunes pousses sur les ascensions redoutables du Mont Diablo et de Mountain High, la preuve que le vainqueur du Tour de France 2012 a encore de beaux restes. Sa fidèle patte omniprésente lors de ses conquêtes des courses par étapes World Tour l’ayant mené au graal ultime est belle et bien ressortie. Une victoire toute en sérénité, presque prévisible, que tout le monde annonçait sans toutefois une réelle conviction, mais un sentiment réaliste. Ce n’est certainement pas le même homme que lors des précédentes années qui a signé sa plus belles performances depuis des lustres Outre-Atlantique, mais quelqu’un dans la continuité de ses prouesses de l’Enfer du Nord au début du mois d’avril, semblant toujours s’attaquer à des défis de plus en plus nouveaux.

Mais qui est vraiment ce Bradley Wiggins, qu’on aurait tant de mal à décrire ? Grimpeur, rouleur de prédilection, nouvellement flandrien ou encore pistard dans l’âme ? Toujours un personnage atypique, qui semble avoir repris du poil de la bête, mais dont la forme est assez difficile à situer. Est-il à son meilleur niveau après une montée en puissance qui diffère de son ordinaire pendant le printemps ? Va t-il accuser le coup durant les prochains mois ? Nul le sait, mais ce qui est sur, c’est que ce Tour de Californie fut un objectif clair et net dans la bouche du champion olympique face à la montre à Londres. Il l’avait annoncé dans la presse, et à tenu parole, presque comme si tout était une nouvelle fois couché sur du papier à musique. Déconcertant, et de quoi laisser perplexe les adversaires d’une Team Sky qu’on annonce en retard sur ses prévisions.

Mais encore ?

Si la victoire de Bradley Wiggins n’a rien de celle d’un jeunot du peloton mondial, en raison de ses 34 années, la moyenne d’âge de ses poursuivants insuffle un véritable vent de fraîcheur. La victoire d’étape d’Esteban Chavès au terme d’une échappée rondement menée fait presque office de miracle pour l’un des nombreux prodiges du cyclisme Colombien chez les espoirs, mais qui avait vu ses rêves d’avenir en or interrompus suite à un terrible accident lui ayant fait perdre une partie de la mobilité de sa main droite. Mais il s’est battu, et décroche une victoire de prestige, tout comme Rohan Dennis, le rouleur de formation évoluant pour Garmin – Sharp, évoluant à vitesse grand V en montagne, depuis son top 10 lors du Dauphiné 2013. A cela se rajoute Adam Yates, déjà vainqueur du Tour de Turquie, Peter Stetina et Lawson Craddock, énième jeune talent de la formation Giant – Shimano. Tous âgés de moins de 26 ans, et le futur en leur faveur, Sur un Tour de Californie idéal en ce mois de mai chargé avec le Giro, entre autres, c’est donc synonyme de reprise pour certains hommes forts, comme Laurens Ten Dam, pas verni par une chute mais tout de même accrocheur en altitude. Encourageant pour l’été.

Mais Wiggins les a matés, et à fait parler sa science de la course indéniable, et s’est surtout posé en trublion de choix pour les prochains rendez-vous qui s’annoncent comme capitaux pour une équipe qui fut si longtemps au septième ciel, mais qu’on représenterait plutôt au dos d’un mur après une mauvaise passe retentissante sur le vélo comme en interne, avec le flop Porte, et un Froome moins dominateur qu’il ne l’a été. Alors le Critérium de Dauphiné se fera sans Sir Bradley, mais avec une pression importante au sein du collectif de Dave Brailsford au moment d’entamer la Grande Boucle qui s’élancera dans le Yorkshire local. Car il ne faut pas oublier que ce Tour de Californie aux airs paradisiaques de la côte ouest étasunienne marque le début du compte à rebours fatidique avant la grande messe d’une année entière. A compter d’aujourd’hui mardi, il ne reste plus que 48 jours avant le grand départ, qui risque bien de provoquer des étincelles si le caractère imprévisible des poulains de Sky ressurgit au moment clé. La présence de pavé doit pimenter le tout, et on n’est pas à l’abri d’un coup d’état interne et d’une guerre fratricide quelques encablures plus tard… Enfin, cela ne tient que de l’illusion pour le moment, puisqu’officieusement, Froome bénéficiera d’une dream team complète lui étant entièrement dévouée. Wiggins a en tout cas envoyé un signal fort en Californie, reste à voir si celui ci ne se perdra pas dans la durée.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.