La Vuelta a basculé. Personne ne s’y attendait, encore moins sur cette étape. Mais il a suffi qu’un homme ait une idée derrière la tête pour que la journée devienne folle. Avec tout le panache qu’on lui connaît, Alberto Contador a sans doute fait perdre le Tour d’Espagne à Chris Froome. Et l’a fait gagner à Quintana.

Il n’est pas comme les autres

Contador n’est définitivement pas un coureur normal. Ses blessures en début de Vuelta, son retard accumulé ensuite, auraient pu le faire abdiquer. Mais le Pistolero est beaucoup trop orgueilleux pour ça, et aujourd’hui, il voulait tout faire exploser. « On savait qu’Alberto allait tenter quelque chose, alors on se tenait près », a expliqué Jonathan Castroviejo, coéquipier de Nairo Quintana. Il ne s’était pas trompé. Contador a attaqué, très tôt. Seulement six kilomètres après le départ, là où personne d’autre n’aurait osé. « C’est du grand n’importe quoi », souriait Jean-Christophe Péraud à l’arrivée. Mais c’était beau. Sur le moment, Quintana a senti le coup et suivi, pas Froome. Il restait alors plus de 110 kilomètres, et ils ont été parcourus à bloc, sans aucun moment de répit. Lâché par une équipe Sky défaillante, Froome a dû batailler seul toute la journée, et il n’avait pas les jambes pour revenir seul sur un duo Quintana-Contador qui a collaboré comme jamais. Résultat, à Formigal, les écarts se comptent en minutes. Qui l’eut cru ? Froome a concédé 2’40 au leader Nairo Quintana, et sûrement fait une croix sur ses espoirs de maillot rouge.

« On a fait la différence quand on s’y attendait le moins », notait malicieusement le leader de la Movistar. Après l’étape reine hier, et son arrivée jugée au sommet de l’Aubisque, on imaginait que le peloton aurait besoin de récupérer. Mais Contador a décidé que ce serait là que tout se jouerait, un peu comme en 2012, lorsqu’il avait renversé Joaquim Rodriguez sur l’étape de Fuenté Dé, en apparence tout sauf décisive. « Je me disais que ça allait être tranquille aujourd’hui, mais non. C’est déroutant », confiait Péraud. Voir le maillot rouge à l’avant de la course lorsqu’il reste plus de cent bornes à couvrir, il faut avouer que ce n’est pas commun. Mais Contador a eu ce pouvoir de transcender Quintana, peu reconnu pour son panache mais qui sur cette Vuelta se découvre un nouveau visage. Après avoir attaqué à foison dans l’Aubisque pour lâcher Chris Froome, le Colombien n’a pas hésité à se lancer dans une opération qui aurait pu n’être qu’un coup d’épée dans l’eau. Comme s’il était enfin prêt à risque de tout perdre pour l’emporter.

Le compte y est

D’ailleurs, lorsqu’il avait pris le paletot de leader, Nairo Quintana assurait que ça ne suffisait pas. Lui voulait repousser Chris Froome à « au moins trois minutes », un écart qu’il jugeait raisonnable avant le contre-la-montre de Calp, à deux jours de l’arrivée madrilène. S’il a plusieurs fois échoué à creuser l’écart depuis une semaine, le voilà enfin récompensé de ses efforts. Le Britannique pointe désormais à 3’37 au général, ce qui offre au Colombien une avance confortable, supérieure même à ce qu’il espérait. Il reste donc à Quintana une semaine pour concrétiser, et remporter le deuxième grand tour de sa carrière. Un véritable exploit pour l’enfant de Boyaca, qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais réussi à devancer son rival de la Sky sur une épreuve de trois semaines. Mais depuis que l’on a découvert un Quintana offensif, plus rien ne semble impossible sur cette Vuelta. Pas même de voir trébucher la machine Froome.

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