En l’espace d’une décennie, Tom Boonen et Fabian Cancellara ont remporté à eux deux sept Paris-Roubaix et six Tours des Flandres. Une domination qui a rendu le palmarès de nombreux champions vierge de toute victoire sur ces deux monuments du cyclisme. Mais trois d’entre eux ont particulièrement buté sur le duo belgo-suisse.

George Hincapie, la phobie du belge

Paris-Roubaix semblait être sa course de prédilection. Si en juillet, il était là pour épauler Lance Armstrong sur les routes du Tour, en avril, les pavés étaient son exutoire. Entre 1999 et 2008, il a toujours terminé dans les dix premiers de l’Enfer du Nord – exception faite à l’édition 2006, où il avait dû abandonner à cause d’une chute spectaculaire dans le secteur de Mons-en-Pévèle. Cette succession d’accessits, l’Américain ne la doit donc pas à un seul homme. Mais lorsqu’on épluche le palmarès, force est de constater que l’émergence de Tom Boonen y est pour beaucoup.

Battu par le Flamand au sprint en 2005, il n’a cessé de se casser les dents sur l’équipe Quick-Step et son leader. Troisième du Ronde en 2006 derrière le champion du monde – et Leif Hoste -, il fut aussi piégé par la stratégie de la formation de Patrick Lefevere en 2008, lors de la victoire finale de Stijn Devolder. Mais la plus grosse frustration de George Hincapie remonte à 2002, lors du centenaire de Paris-Roubaix. Alors grandissime favori de l’épreuve avec Johan Museeuw, il se fait lâcher par le Lion des Flandres à 40 kilomètres de l’arrivée. Il continue alors la poursuite avec l’un de ses coéquipiers, un certain Tom Boonen, néo-professionnel au sein de l’US Postal. Mais l’Américain chute et laisse le futur quadruple vainqueur de l’épreuve décrocher son premier podium à Roubaix. Un signe pour la suite de la carrière du New-Yorkais, qui n’a jamais pu devancer le coureur originaire de Mol sur le vélodrome.

Leif Hoste, le maudit

En pur flamingant qu’il est, si l’ancien protégé de Marc Sergeant n’avait dû choisir qu’une seule course, ça aurait été le Tour des Flandres. Mais il ne s’est finalement pas restreint, et a été à la rencontre de toutes « ses » courses flandriennes, ne se permettant de briller que par intermittence sur les chronos. Toutefois, son omniprésence n’a pas payé : il n’a remporté aucune classique pavée, pas même une semi-classique pour se consoler et inscrire son nom au palmarès. En revanche, Leif Hoste peut revendiquer un titre, celui de collectionneur de podiums. Car dans ce domaine, il a été d’une régularité rare : trois fois deuxième du Ronde, une fois de Paris-Roubaix (avant déclassement en 2006) et à deux reprises de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, tout ça entre 2003 et 2007.

Souvent moqué pour sa piètre pointe de vitesse , Hoste est en plus tombé face aux deux ogres de la décennie. Tout commença en 2006, où le Flamand termine deuxième du Tour des Flandres derrière Boonen, après une échappée de plus de 35 kilomètres. Une semaine plus tard, il se fait lâcher par Cancellara dans le Carrefour de l’Arbre et termine une nouvelle fois à la pire des places – avant d’être disqualifié pour avoir franchi un passage à niveau malgré l’abaissement des barrières. Deux ans plus tard, toujours sur l’Enfer du Nord, le leader de la Lotto n’arrive pas à suivre l’offensive de Tommeke et Spartacus, accompagnés d’Alessandro Ballan. Et pour boucler la boucle, il percute son coéquipier Van Summeren à l’entrée du Carrefour de l’Arbre en 2009, laissant Tom Boonen s’envoler vers sa troisième victoire sur le vélodrome de Roubaix. En 2007 après tous ces échecs et une nouvelle deuxième place sur le Tour des Flandres, il est à bout. « Je ne survivrai pas à une quatrième deuxième place », lâche-t-il dépité. Heureusement pour lui, la malédiction est terminée. Mais il n’aura jamais gagné.

Juan Antonio Flecha, le réaliste

L’Argentin d’origine est sûrement celui qui a le plus buté sur la domination des deux monstres de la décennie. De la même génération que Boonen et Cancellara, Juan Antonio Flecha n’a jamais pu faire davantage que titiller les deux champions malgré son talent et son panache. Comme Hincapie, il ne peut rivaliser en 2005 sur Paris-Roubaix, où Boonen l’emporte au sprint. L’Espagnol terminera sur le podium, une habitude : il est monté à onze reprises sur la boîte lors des flandriennes, mais n’a gagné qu’une seule fois : sur l’Omloop Het Nieuwsblad, en 2010.

2010, d’ailleurs, était sûrement sa meilleure année. Problème, c’était aussi le cas pour Cancellara. Le Suisse s’est ainsi joué de Flecha sur le GP E3, puis sur Paris-Roubaix. Comme en 2006 où, déjà, Spartacus avait eu raison de son adversaire ibérique en attaquant dans l’un des derniers secteurs pavés. Mais alors que beaucoup auraient nourri une énorme frustration de cette succession d’accessits, Flecha préfère être réaliste. « Si je devais me comparer à eux, qui ont gagné plus d’une fois, et bien je dirais qu’ils ont tout simplement été supérieurs à moi sur ces courses, expliquait-il à Velochrono en 2012. Ils ont peut-être cette habileté qu’il me manque dans ces épreuves. Mais chaque coureur fait du mieux qu’il peut : des fois ça réussit, d’autres pas du tout… Il faut éviter de repenser à toutes ces éditions passées. » Son discours a beau différer de celui de Hincapie ou Hoste, le destin est le même. Ces trois là, champions incroyables, se sont heurtés à deux gros hics : des légendes encore là aujourd’hui, et qui ont marqué l’histoire du cyclisme.

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