Il ne peut pas être considéré comme un favori du Tour d’Espagne, malgré son talent et son passé avec l’épreuve. Alejandro Valverde, au départ d’Orense ce samedi, s’est en effet aligné au départ de son troisième grand tour de la saison. A 36 ans, c’est trop pour viser la victoire finale, mais pas pour entrer dans l’histoire.

Un record d’un autre temps

Le Murcian est encore loin de l’Espagnol Marino Lejarreta, qui entre 1987 et 1991 avait réalisé l’exploit de terminer à quatre reprises les trois grands tours d’une même saison. Mais l’ancien coureur de la ONCE n’a jamais obtenu d’aussi bons résultats que Valverde, qui peut entrer dans l’histoire avec un nouveau top 10 sur la Vuelta. Le protégé d’Eusebio Unzué, après avoir terminé troisième du Giro et sixième du Tour, rejoindrait ainsi Raphaël Géminiani (1955) et Gastone Nencini (1957) dans le cercle très fermé des coureurs ayant bouclé la même année les trois épreuves de trois semaines dans les dix premiers du classement général. Une façon pour Alejandro Valverde de marquer son histoire, et celle du vélo. Voir son nom accolé à celui de deux coureurs aussi anciens classerait sa performance. Faire les trois grands tours la même année est une performance en soi. Bien figurer dans deux d’entre eux est déjà un exploit. Le faire sur les trois, pour un coureur qui joue le général et n’a de ce fait aucun moment de répit, c’est invraisemblable.

Après son succès sur le Tour de France 2008, Carlos Sastre avait tenté de relever le défi. Mais la Grande Boucle avait eu raison de lui (20e), alors qu’il avait été mieux placé sur le Giro (8e) et la Vuelta (7e). Valverde, lui, est un coureur à part. Qui, à 36 ans, peut encore s’infliger des saisons interminables. Au moment de prendre le départ du contre-la-montre par équipes, ce samedi, il comptait déjà 71 jours de course en 2016, soit 20 de plus que Christopher Froome par exemple. A la fin de la saison, « Bala » approchera donc sûrement des 100, une anomalie à l’heure de l’ultra-spécialisation et de la préparation à l’extrême des objectifs. Mais le garçon n’a jamais cherché à entrer dans les normes, même si les égarements qu’il a connu le plaçaient du côté de la majorité. Bourreau de travail, il est depuis une dizaine d’années l’un des coureurs que l’on voit le plus au cours de la saison. Souvent moqué pour ses trop nombreuses places d’honneur, il n’en reste pas moins le coureur le plus régulier de la décennie. Aussi imparfait soit-il, le classement UCI, qu’il a remporté quatre fois depuis 2006, en est la preuve.

A l’ancienne

A un âge où il ne semble plus en mesure de remporter un grand tour, ce défi est un moyen de rester un peu plus dans la légende. Parce que sur les épreuves de trois semaines, Valverde aura toujours des regrets. Celui de n’avoir jamais gagné le Tour qu’on lui prédisait il y a quelques années, même si son podium final en 2015 a pu estomper la déception. Celui de n’avoir jamais pu regoûter au succès sur cette Vuelta qui lui correspond tant, malgré des podiums à la pelle. Et celui, sans doute, de s’être essayé un peu trop tard au Tour d’Italie. Mais ces contretemps sont le symbole du cyclisme d’aujourd’hui, où Valverde, patron des classiques avec trois victoires sur Liège et sur la Flèche, n’a jamais pu être aussi dominateur sur les grands tours. Pour beaucoup trop attentiste, l’Espagnol a peut-être manqué quelques grandes victoires par peur de perdre ses places d’honneur. Mais son palmarès restera comme l’un des plus grands, et on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qu’il aurait été capable de faire il y a plusieurs décennies, quand sa philosophie – celle de courir partout, tout le temps – était celle de tout le peloton. On ne le saura jamais. Mais Valverde s’est au moins offert l’opportunité de rejoindre ses glorieux aînés dans les livres d’histoire.

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