Hier encore, nous dénoncions les choix d’Alejandro Valverde. L’Amstel Gold Race de dimanche dernier avait été un résumé de ses dernières saisons : une place d’honneur acquise sans panache, sans prise de risque. Mais ce mercredi, sur la Flèche wallonne, le Murcian a remis les points sur les i. Le voilà qui triomphe sur une classique World Tour, presque six ans après sa dernière fois, sur la Clasica San Sebastian.

Fort et intelligent

Au sommet du Mur de Huy, El Imbatido a pu lever les bras, en prenant son temps. Car dans les derniers hectomètres de la montée, il avait fait un vrai trou. Un de ceux qui marquent les esprits à quatre jours de Liège-Bastogne-Liège… Habitué de la classique wallonne, le protégé d’Eusebio Unzué n’avait cependant été sacré jusque là qu’à une seule reprise. C’était en 2006, et il avait alors devancé Samuel Sanchez et Karsten Kroon. Avant, le week-end, de s’adjuger la Doyenne. Un parallèle qu’a sans doute fait Valverde lui-même, conscient que marquer les esprits en milieu de semaine pouvait s’avérer crucial avant l’échéance encore plus importante de dimanche. C’est donc en costaud qu’il s’est détaché, à moins de 200 mètres de la ligne. Pourtant, au pied du Mur, on avait bien cru l’Espagnol placé trop tôt à l’avant de la course. Dans la roue de Moreno – qui finira lui 9e -, il semblait avoir fait une erreur irrémédiable. Mais finalement, jamais il n’a pris la tête de course, laissant le soin à Kwiatkowski de faire une bonne partie de l’ascension en tête. Puis, une fois le Polonais bien usé, Balaverde y est allé. Presque facilement, sur la droite de la chaussée, il est revenu avant de s’envoler vers la victoire.

Les rivaux bien en retrait, il a pu savourer. Car cette victoire signifie beaucoup. Bien sûr, il a comme toujours été tacticien. Mais cette fois, à bon escient. Peut-être aussi par que la Flèche est une course particulière où la tactique est souvent la même lorsqu’on connaît l’épreuve. Valverde fait partie de ceux-là. Il savait donc qu’il était préférable de rester au chaud dans les deux premiers tiers de la montée, et de ne faire son effort que dans les derniers hectomètres. Ensuite, c’est très souvent le plus fort qui est sacré tellement il est difficile de cacher une faiblesse sur le Mur de Huy. Alors cette victoire ne prouve peut-être pas que l’Ibère s’est fondamentalement remis en question depuis une Amstel qui lui a valu de vives critiques pour son attitude dans le final. Mais elle montre avec certitude que les jambes sont là, et que le Murcian est toujours capable de gagner sur les courses d’envergure. En effet, après un début de saison prolifique, on attendait la confirmation sur une épreuve World Tour. Elle est enfin arrivée, et c’est la première fois que le leader de la Movistar lève les bras sur une épreuve aussi importante depuis près de six ans. Une éternité pour un coureur de sa carrure.

Liège et un duel en ligne de mire

Sur les pentes de Huy, on attendait le duel entre Valverde et Gilbert – qui avait annoncé après l’Amstel avoir perdu du poids ces derniers mois pour mieux grimper. Il n’a pas eu lieu, le Belge étant mal placé dans l’ascension, et de toute façon trop juste physiquement. Mais à n’en pas douter, il y aura une séance de rattrapage dimanche. A eux deux, l’Espagnol et le Belge totalisent trois victoires sur la Doyenne : l’expérience est de leur côté. Et surtout, la confiance également. Avec une ardennaise chacun dans la besace (la Flèche brabançonne remportée par Gilbert étant secondaire, d’autant que Valverde n’y participait pas), la plus prestigieuse d’entre elle, ce week-end, pourrait départager les deux favoris. Car cette année semble être la leur : celle du renouveau pour Phil, celle de la reconquête pour Bala. Alors bien sûr, il faudra tenir compte des autres, de Rodriguez à Martin en passant par Mollema, Kwiatkowski, Betancur voire les Schleck. Mais les deux patrons des ardennaises, cette année, sont bien Gilbert et Valverde.

La malchance, ou du moins cette mauvaise habitude à finir placé mais trop rarement vainqueur, Valverde l’a sans doute entériné ce mercredi. Et il part désormais à la conquête d’un troisième sacre sur le quatrième monument de l’année, qui le ferait véritablement entrer dans la légende de son sport, derrière Merckx et Argentin, presque intouchables, mais devant des Hinault, Bartoli ou Vinokourov, dont la ligne « Liège-Bastogne-Liège » n’apparaît que deux fois au palmarès. En bref, un pas de géant dans l’histoire du cyclisme et des classiques qui placerait l’Espagnol parmi les plus grands spécialistes des ardennaises. Pour cela, il faudra malgré tout battre un Gilbert pour qui l’occasion est tout aussi belle. Mis à part en 2011, jamais il n’a semblé autant capable de lever les bras, chez lui en Wallonie, tout près ou même sur ses routes d’entrainement. Un duel attendu qui prouve qu’en une semaine, tout a changé. Gilbert est devenu le favori, et Valverde presque le seul capable de lui jouer la victoire. Et le plus surprenant dans tout ça est sans doute l’évolution du statut de l’Ibère, passé de suceur de roue sans panache à leader capable de prendre les choses en main ; le tout en seulement quelques jours. Rendez-vous est pris !

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