C’est incontestablement le transfert de l’hiver 2013. Rigoberto Uran, le Colombien de 26 ans, s’apprête à prendre définitivement son envol, entrepris au sein de la pléthorique Team Sky. Héroïque deuxième d’un dernier Tour d’Italie épouvantable, c’est désormais chez Omega-Pharma Quick-Step qu’on verra le grimpeur de poche évoluer, non sans ambitions. Elles seront bien évidemment légitimes, mais seront-elles atteingnales ?

Belfast, J-152

Avec enfin un leader pour les courses de trois semaines dans son effectif, Patrick Lefévère peut se frotter les mains, mais devra encore attendre pour viser clairement la victoire finale sur les Champs-Elysées. Dauphin de l’intouchable Vincenzo Nibali sur les routes italiennes en mai dernier, le natif d’Urrao souhaite remettra ça en 2014, avec un parcours qui lui sierra à ravir, lui le pur escarabajo. Les dix arrivées au sommet, avec une troisième semaine gargantuesque avec le chrono en côte au Monte Grappa mais aussi le triple enchaînement Gavia-Stelvio-Val Martello, seront inévitablement propices au nouveau leader de l’équipe belge, qui devra composer avec une pression nouvelle. Si sa préparation devrait rester inchangée, avec comme optique le doublé Giro-Vuelta, il sera toutefois beaucoup plus attendu qu’à l’accoutumée. En se déchargeant du schéma machinal de Dave Brailsford et de ses encombrants chefs de file, on guettera de près les performances de celui qui veut remporter son premier grand tour, sur des routes qu’il affectionne.

S’il ne connait pas le rôle de leader et la pression médiatique qui l’entoure, il sera bien forcé de s’y faire d’autant plus qu’une réelle chance l’accompagne dans sa quête ultime. Si la concurrence était relevée mais avait explosé en vol durant l’édition 2013, les embûches seront encore présentes en ordre restreint sur le territoire italien. Hormis un Purito déterminé mais malchanceux, et un supersonique Quintana, les places du podium, voire plus, sont accessibles. Dans une dynamique qui va crescendo depuis son arrivée au sein de l’équipe du septième ciel, ses progrès sont reconnus, et il pourra également composer avec quelques coéquipiers à son service. Coutumiers d’un jeu de yo-yo annuel, Thomas De Gendt mais aussi Wouter Poels pourront se révéler sous leurs meilleurs jours en étant au service du Colombien, grand bénéficiaire de la mini révolution menée au sein de la bande à Wilfried Peeters. Si il a d’ores et déjà coché l’étape arrivant au Monte Zoncolan ainsi que les quelques pièges aux forts pourcentages, correspondant à l’explosivité du garçon, il n’a cependant pas oublié de dénoter les quatre premiers jours d’apéritif irlandais. Si il n’aurait pas eu forcément plus de difficultés au sein de son ancienne formation, que dire de ce qui l’attendra avec l’un des meilleurs collectifs de classiques au monde, toujours adepte de coups de bordures et de tactiques rusées sur les grandes routes venteuses. De là à prendre un avantage au soir de Dublin après un chrono par équipes à Belfast ? On peut l’envisager.

Cacherait t-il ses limites ?

Malgré une multitude de signaux encourageants, on est en droit de se demander si le Colombien peut-encore gravir quelques échelons supplémentaires. Deuxième du Tour d’Italie, c’est bien, derrière le Requin de Messine, c’est glorifiant, et avec une victoire d’étape en solo, c’est encore mieux. Mais n’est-il pas à son maximum ? Il est bon de rappeler que ses performances du mois de mai ont été réalisées dans un cadre propice, sans la pression du leadership qui était totalement centrée sur l’énigmatique Bradley Wiggins, terrassé durant la première moitié de la course. Transparent sur les classiques ardennaises alors qu’on avait l’habitude de le voir en protagoniste principal de Liège-Bastogne-Liège, il n’a pas fait parler de lui au point que les spécialistes lui ont préféré Sergio Henao comme nouvel homme fort du Team Sky, après l’abandon de Wiggo. Totalement décontracté, la remontée fantastique était en marche et plus rien ne pouvait l’arrêter, alignant coup sur coup les Gesink, Scarponi, Betancur et l’agonisant Cadel Evans dans les Tre Cime di Lavaredo l’avant-dernier jour. Au point de finir à 4 minutes 43 du vainqueur. Et qu’en aurait-il été sans avoir attendu l’encombrant vainqueur du Tour 2012 dans les descentes de la Marina di Ascea, Pescara et Florence ? Nul le sait, mais il est clair que ce scénario a littéralement décomplexé l’ancien protégé d’Eusebio Unzué, autrefois irrégulier dans ses performances comme en témoigne sa Grande Boucle 2011.

Maillot blanc à la pédale lors de la traversée des Pyrénées, au coude à coude avec Jeannesson, Taaramae et Ruijgh, c’est dans les Alpes qu’ Uran avait flanché, quittant le top 10 du général et terminant à une anecdotique 24ème place finale. Décrié pour son irrégularité chronique chez Caisse d’Epargne, le vice-champion olympique des JO de Londres a véritablement franchi un premier palier depuis 2012, en levant les bras sur le Tour de Catalogne, mais surtout en devenant fréquemment un acteur majeur sur lequel on peut compter dans les finals de courses. Seul point faible, sa tactique, encore un peu trop tendre aux yeux de certains. Plus rapide que Vino sur The Mall, une erreur d’inattention lui aura coûté l’or, à l’image de son tonitruant début de descente du Fiesole lors des derniers Mondiaux, qui l’aura conduit dans le fossé au premier tournant. Une fougue qui demande encore à être canalisée et qui pourrait empiéter sur ses volontés lorsqu’il se présentera comme un grand dans le money time d’une étape de montagne à enjeu. Si on qualifiera ces erreurs symptomatiques d’un petit manque de maturité par rapport aux cadors, il faudra vite les corriger afin de ne pas louper les occasions qui se multiplient devant lui grâce à son transfert. Encore un petit peu en dessous d’un Rodriguez en montagne, sa préparation sera capitale afin de maximiser les ses chances, ce qui implique par ailleurs une acclimatation parfaite au sein de sa nouvelle famille, qui mise beaucoup sur lui, mais aussi sur son effroyable train de sprinter, composé de Cavendish, Petacchi et Renshaw. On ne devra pas se disperser chez OPQS. Le transfert de l’année nécessite de la rentabilité.

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