C’est la revanche des Russes sur les Américains. Les hackers de « Fancy Bears » ont mis en cause Simone Biles ou les sœurs Williams en révélant certaines de leurs informations médicales. Mais ils ont aussi creusé jusque chez les Britanniques. Résultat, deux noms ressortent : Chris Froome et Bradley Wiggins. S’ils n’ont sur le papier rien à se reprocher, ils vont sans doute devoir se justifier.

Des AUT, en veux-tu en voilà

Le directeur général de l’Agence mondiale antidopage (AMA), Olivier Niggli, a beau « regretter profondément » l’intrusion de « Fancy Bears » dans sa base de données, il est trop tard. Les noms et les informations sont sorties, et pour ce qui est du cyclisme, ce sont les deux vainqueurs du Tour de l’équipe Sky qui sont impliqués. Alors éclaircissons tout de suite les choses : non, il n’y a absolument rien qui prouve que l’un ou l’autre s’est dopé au cours de ces dernières années. Les hackers russes ont simplement révélé les autorisations à utilisation thérapeutique (AUT) dont ont bénéficié les deux coureurs britanniques. Pour Froome, elles étaient déjà connues. L’une date du Dauphiné 2013, où le désormais triple vainqueur de la Grande Boucle avait pris du prodnisolone, un corticostéroïde de synthèse censé combattre l’asthme notamment. Froome y avait de nouveau eu recours moins d’un an plus tard sur le Tour de Romandie 2014 – toujours avec une AUT, qui déjà avait été rendue public et créé la polémique.

Désireux de ne pas laisser le doute s’installer quant à ses performances, l’enfant de Nairobi n’a pas tardé à réagir. « J’ai ouvertement parlé de mes AUT aux médias et je n’ai aucun problème avec ces fuites, qui confirment mes déclarations. En neuf ans chez les professionnels, j’ai bénéficié deux fois d’une AUT, la dernière fois en 2014 », a expliqué Chris Froome. Il est de toute façon dans son droit, et c’est même son devoir que de faire le nécessaire auprès des instances lorsqu’il a besoin de se soigner. Comme Wiggins, qui pour s’éviter des problèmes d’allergies, a bénéficié de trois AUT en trois ans, entre 2011 et 2013. Les deux premières quatre à cinq jours avant de débuter le Tour de France, dont un qu’il gagnera – en 2012. La dernière dix jours avant le départ du Giro, qu’il disputait pour l’occasion en 2013. A chaque fois, le champion olympique à Pékin, Londres et Rio a utilisé de l’acétonide de triamcinolone, un corticoïde qui fait effet à retardement, celui-là même auquel avait été contrôlé Lance Armstrong sur le Tour de France 1999.

Le paradoxe du vélo

Pour le premier vainqueur britannique du Tour de France, il sera peut-être nécessaire de s’expliquer sur des allergies qui selon les années, l’obligent donc à prendre un traitement fin avril ou fin juin, juste avant ses grands objectifs annuels. Mais les AUT existent, et Froome comme Wiggins ont jusqu’à preuve du contraire respecté toutes les règles. « Fancy Bears », de son côté, ne révèle ici aucun système de triche, même si l’organisation met forcément sur le devant de la scène un sujet sensible, encore plus dans le vélo. Mais c’est là, finalement, que l’on prend conscience du caractère paradoxal de la vie de coureur cycliste. Ces athlètes de qui l’on exige qu’ils soient en permanence transparents vis-à-vis des instances – et donc qu’ils demandent des AUT lorsqu’ils en ont besoin – sont ensuite les premiers pointés du doigt lorsque ces informations sont révélées. La double peine.

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