Presque deux ans et demi. C’est ce qui sépare les deux victoires de Nairo Quintana sur des épreuves de trois semaines. La première fois, c’était sur le Giro, en mai 2014. La deuxième, c’était hier, à Madrid. Et entre ces deux succès, beaucoup de choses ont changé chez le Colombien.

Forcer sa nature

Moins d’un an après sa révélation sur le Tour de France 2013, l’enfant de Tunja allait conquérir son premier grand tour sur les routes italiennes. Le début d’une razzia, pensait-on. Sauf qu’il n’en a rien été. Entre malchance et obstination, Quintana a mis plus de deux ans pour remettre ça, sur la Vuelta cette fois. La faute, en grande partie, à un Chris Froome qui chaque été lui barre la route sur le Tour de France. Mais qui l’a forcé à évoluer dans sa manière de courir. Depuis deux ans, sur les routes de juillet, le Colombien est incapable de faire vaciller son rival britannique. Pas assez entreprenant en montagne et de toute façon inférieur en chrono, il n’a jamais fait mieux que deuxième. S’il a su s’en contenter les premières années, il n’en veut plus. A 26 ans, Quintana vise plus haut. Le dernier Tour, où les critiques se sont abattues sur lui pour son attentisme, a marqué la fin de sa transformation.

Ces trois dernières semaines, sur la Vuelta, le leader de l’équipe Movistar a su se montrer le plus costaud en montagne. Mais il a surtout compris que la victoire se dessinait aussi ailleurs. A La Camperona et aux Lacs de Covadonga, Quintana a gagné en tout moins d’une minute sur Froome. Ce n’était pas assez pour espérer conserver son maillot rouge de leader lors du contre-la-montre de la dernière semaine, et le Colombien en était conscient. Pour la première fois dans son duel avec le Britannique, il a donc fait le nécessaire pour reprendre du temps autre part que dans les derniers kilomètres des ascensions. En partie grâce à Contador, c’est dans la plaine et vers Formigal qu’il a gagné le Tour d’Espagne. C’est lorsque le triple vainqueur du Tour a commis une erreur d’inattention loin des grands cols que Quintana a saisi l’opportunité d’assurer sa victoire future. Sans cette étape invraisemblable, Froome serait sans doute monté sur la plus haute marche du podium, hier dans la nuit madrilène.

En route pour la dernière étape

Pour Quintana, cet épisode doit sonner comme une révélation. Les grands tours ne peuvent pas se gagner qu’en montagne. C’est en attaquant dans la descente du Stelvio qu’il était allé remporter le Giro, et c’est de nouveau en n’attendant pas l’ascension finale qu’il s’est adjugé la Vuelta. Même pour celui que beaucoup désignent volontiers comme le meilleur grimpeur du peloton, les montées ne suffisent pas. Sur trois semaines, il faut être capable de faire la différence ailleurs. Les deux fois où le Colombien a tenté de le faire, il a connu le succès au bout. Une réussite qui doit le faire persévérer dans cette voie. A l’aube de la dernière saison professionnelle d’Alberto Contador, il doit prendre le relais de l’Espagnol et devenir celui qui est capable de bouleverser un grand tour. En profitant de chaque faille de ses adversaires sans se reposer, comme il l’a trop souvent fait, sur les arrivées au sommet qui permettent de moins en moins de créer des écarts.

Reste à transposer ces principes – et cette réussite – du Giro et de la Vuelta jusqu’au Tour de France, cette épreuve qui pour le moment résiste au Colombien. En remportant la plus grande course du monde, il rentrerait dans le cercle très fermé de ceux qui ont décroché les trois grands tours – avec Anquetil, Merckx, Gimondi, Hinault, Contador et Nibali. Et puisqu’il vient de battre pour la première fois Chris Froome sur une épreuve de trois semaines, plus rien ne semble impossible pour Quintana. Ce succès sur la Vuelta le fait entrer dans une nouvelle dimension en même temps qu’il l’a fait changer lui-même. Cette fois, c’est sûr, le petit Nairo est devenu grand.

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