Plus que jamais la course de côte semble de moins en moins à l’honneur sur le Grand Tour italien, qui a dévoilé les secrets de son édition 2016 aujourd’hui au Palais des Glaces de Milan. En proposant trois contre-la-montre individuels et seulement six arrivées au sommet dont le redoutable cronoscalata de l’Alpe di Siusi, les différences décisives ne devraient pas se produire dans les derniers mètres des ascensions finales, souvent moins dures que celles qui les précédent. Un parcours très équilibré, voire même en défaveur des purs grimpeurs au petit gabarit. Mais ce Giro possède également une autre particularité, sa troisième semaine atteindra une intensité maximale en France. Décryptage.

Les Pays-Bas et la France à l’honneur

Encore une fois, le royaume orange a décroché le gros lot en attirant un nouveau départ à l’étranger du Tour d’Italie. Après Groningue en 2002, et la très venteuse Amsterdam en 2010, RCS Sport a décidé de renouveler l’initiative de promotion de son événement marketing, et plantera son premier bivouac à Apeldoorn, une ville restée dans l’imaginaire collectif cycliste pour avoir accueilli les mondiaux sur Piste il y a quatre ans. Déjà le sixième départ de Grand Tour donné aux Pays-Bas en quatorze ans. Et sans surprise, la nouvelle étant largement diffusée depuis plusieurs mois, ce sera par un contre-la-montre individuel que les coureurs démarreront l’épreuve. Dix petits kilomètres techniques, avant d’aller explorer les plaines néerlandaises, et d’atteindre après une journée de repos logistique le rivage de la Mer Ionienne, à Catanzaro.

Comme souvent, des étapes usantes serviront à entamer la remontée vers le nord de la Botte, et les sprinteurs devront s’employer pour se disputer la gagne à Praia del Mare, Bénevent, ou encore Foligno. Le grand classique de l’arrivée au sommet de première semaine se déroulera sur les pentes de Roccaraso, une montée par paliers, en trois temps, aux pourcentages trompeurs. Cependant, les neuvième, dixième et onzième étape pourraient largement décanter le classement général et promettent sur le papier. Sur la route d’Arezzo le samedi, il faudra franchir une route non goudronnée parfois très pentue (12 % max) , l’Alpe di Poti, à 18 kilomètres de l’arrivée. De quoi tenter de prendre un peu d’avance avant un contre-la-montre vallonné à travers le vignoble du Chianti, qui annoncera un finish musclé autour de Sestola, ou les deux versants du Pian del Falco seront partiellement au menu.

Déjà deux exercices chronométrés en neuf étapes, pour un total qui atteindra les soixante-et-une bornes à Turin. Cela annonce que le vélo de chrono sera l’une des clés du parcours de cette nouvelle version de la course rose, mais il ne devra pas pour autant obscurcir les desseins des hommes forts dès que la route s’élève. Après deux étapes de plaine – quoi que deux jolis talus ont été placés avant Asolo – , l’amorce de Dolomites se fera de manière brutale. D’abord par une étape de moyenne montagne ou se dresseront successivement la Cima Porzus (10,5 kms à 7,3 %, des longues portions supérieures à 10%), et la colline de Valle en seize kilomètres sans répit. Mais la quatorzième étape pourrait bien tout bouleverser. 210 kilomètres de course ont été décidés en plein cœur du massif de la Marmolada, et il n’y aura pas moins de six grands prix de la montagne, quasiment tous au-dessus des 2000 mètres d’altitude. Les Passo Pordoi, Sella, Gardena, Capolongo, et le redouté Passo Giau (10 kms à 9%) livreront un écrémage intense, avant d’escalader le Passo Valparola, pour plonger sur la station de ski d’Alta Badia.

Un condensé de haute montagne dès la quatorzième étape qu’on ne reverra pas avant la présumée étape reine, l’avant-dernier jour. Il y a bien l’atypique contre-la-montre en côte sur l’Alpe di Siusi, et ses 8 % de moyenne sur onze kilomètres, et cette étape assez bizarre amenant le peloton à Andalo, sabordant le Passo della Mendola en début d’étape, et au final assez doux, mais la dernière semaine proposera aussi une part du gâteau aux baroudeurs, voire aux sprinteurs restants. L’occasion de revoir la périlleuse côte de Pramartino, avant de franchir pour de bon la frontière française, par les interminables lignes droites du Col Agnel (2744 m d’altitude). L’explication entre les derniers prétendants au sacre aura lieu du côté de Risoul, avant une dernière étape au format court et resserré,partant de Guillestre pour rejoindre Sant’Anna di Vinadio. 134 kilomètres ou seront contenus le Col de Vars, la Cime de la Bonette, le Col de la Lombarde, et le mur inédit amenant au sanctuaire de Sant’Anna di Vinadio.

Un grimpeur oui, mais pas n’importe lequel

Les cols imposants du Tour d’Italie ont toujours été le terrain de chasse privilégié des cadors et des grands grimpeurs présents durant le mois de mai, mais force est de constater que les coureurs au style voisin d’un Joaquim Rodriguez ou de Mikel Landa partiront forcément désavantagés. À l’inverse, Vincenzo Nibali, qui a déclaré lors du gala de présentation qu’il reviendrait sur ses terres à cette période de l’année, possède les qualités requises pour s’illustrer à la fois en haute montagne, dans les pièges parsemés tout au long de la course, et contre la montre. Il a notamment décrit «un parcours alléchant. […] Corvara pourrait être l’étape clé. » Cette quatorzième étape l’inspire, tandis que pour Alejandro Valverde, désireux de s’y aligner l’an prochain, «tout se décidera à Risoul et Sant’Anna di Vinadio».

D’autres auront ciblé leurs remarques sur le poids important donné à l’exercice solitaire en comparaison du dernier Tour de France, ou même de la dernière Vuelta. Un rouleur-grimpeur pourrait-il créer la surprise ? Tom Dumoulin souhaitera t-il confirmer sur trois semaines après s’être révélé cet été ?Attention à ne pas trop s’emballer en donnant perdant les escaladeurs nés trop rapidement. On se souvient de la présence de deux très longs contre-la-montre en 2013 et 2015, qui avaient surtout contribué à façonner des écarts gigantesques. Un Ryder Hesjedal très en forme avait aussi fait mentir les pronostics, en remontant de bien belle manière sur le final du dernier Giro.

Côté français, Thibaut Pinot avait annoncé vouloir découvrir la course italienne, avant de se lancer dans un enchaînement délicat Tour de France – Jeux Olympiques. En revanche, Fabio Aru, vainqueur de la dernière Vuelta, cherche à obtenir le leadership de son équipe Astana sur la prochaine Grande Boucle. Autres têtes d’affiches présumée, Robert Gesink. À noter que les sprinteurs ne seront pas mis sur la touche, puisque pas moins de sept étapes semblent leur convenir. Ce qui a ravi Matteo Pelucchi, jugeant que «La première partie de ce Giro est moins dure par rapport à celle de l’année dernière, qui était particulièrement difficile pour les sprinteurs.» Marcel Kittel, incertain encore quand à son nouveau programme de courses chez Etixx, s’est contenté de partager que ce parcours lui plaisait.

Tous ces ingrédients rendent donc le tracé relativement complexe à déchiffrer, pour reprendre les mots d’Alberto Contador, estimant «qu’il n’y aura pas d’étape-clef». Le Pistolero, tenant du titre, n’oublie pas non plus de ré-agiter le spectre de la menace neigeuse, annonçant qu’ «il fera peut-être très froid. Le froid, il faut en tenir compte dans le Giro. Il complique souvent les choses.» Enfin, dernier élément à souligner, la réduction des temps de transferts entre les étapes. Ainsi, quatre villes arrivées organiseront le départ le lendemain, et l’étape la plus longue mesurera 234 kilomètres en direction de Pinerolo. Mais tout ce petit monde est d’ores est déjà curieux d’assister aux présentations respectives des deux autres Grands Tours.

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