Sacha Modolo soufflera dans moins de deux mois sa vingt-huitième bougie, preuve que le temps passe vite. Il y a quelques années encore, il était l’un des plus grands espoirs du sprint mondial. Mais propulsé trop haut trop rapidement, le Vénitien n’a jamais vraiment assumé la pression qui pesait sur ses épaules. Aujourd’hui, on en vient alors à saluer une victoire d’étape sur le Tour de Turquie.

Protégé mais quand même exposé

« A long terme, j’espère remporter une grande classique », déclarait le jeune Modolo en 2010. A l’époque, il n’a que 22 ans, et vient de terminer quatrième de Milan-Sanremo. Pour sa première année professionnelle, sous les couleurs de Colnago, la performance est exceptionnelle. Lui-même ne s’attendait pas à jouer des coudes avec Freire, Boonen et Petacchi dans l’ultime ligne droite de la Primavera. Mais au cœur d’un cyclisme italien qui se cherche des leaders, le gamin de Conegliano, dans le nord-est de l’Italie, attire tous les regards. Et les médias transalpins s’emballent, persuadés d’avoir sous les yeux le successeur de Mario Cipollini. « Le lendemain de ma quatrième place à Sanremo, la Gazzetta m’a consacré une page dans le journal, et m’a même intronisé favori pour l’année suivante », racontera Modolo à Cyclismag. Respectueux des cadors qu’il se met à côtoyer mais absolument pas apeuré, il joue désormais dans la cour des grands, sans véritablement l’avoir anticipé.

Si le talent ne lui manque pas, il est en quelque sorte arrivé dans le monde professionnel comme un cheveu sur la soupe. Troisième des Championnats d’Europe en 2009 – devant des garçons comme Kristoff et Sagan – et dominateur sur les courses italiennes du calendrier espoir, il est repéré par la Colnago des frères Reverberi. Tout va alors très vite. Recruté durant l’hiver, il s’intègre rapidement dans une structure très jeune, profitant d’une totale confiance des dirigeants. Dès le mois de mars, le jeune Sacha est envoyé sur Tirreno pour mener l’équipe dans les sprints. Il s’y débrouille bien, avec un podium sur la dernière étape. Roberto Reverberi, son directeur sportif, l’accompagne alors de très près. « Nous avons une relation spéciale, comme celle d’un père avec son fils. Roberto m’appelle tous les jours. Il ne veut pas que je grille les étapes. Je n’ai aucune pression de sa part », expliquait Modolo durant ses premiers mois chez les pros. Mais il reste compliqué de gérer cette exposition nouvelle, à un âge auquel la régularité fait souvent défaut. Au moindre sprint raté, la pression se fait plus forte encore. Et sur le Tour d’Italie, qu’il quitte au bout d’une semaine en ayant réalisé un seul top 10, la déception est grande, autant pour lui que pour les observateurs.

La difficile vie sans Bardiani

« Je connais mes faiblesses, et elles sont surtout mentales. Je suis trop facilement satisfait, et on me l’a parfois reproché. Il est important de toujours avoir de nouveaux défis. Je dois progresser sur ce point », sait alors reconnaître Modolo. C’est ce qui explique une irrégularité qui à 26 ou 27 ans, n’est plus aussi acceptable qu’à 22. Capable de battre Mark Cavendish ou Marcel Kittel sur certaines épreuves, il ne réédite pas assez ce genre de performances. Difficile alors de le faire progresser, surtout qu’il se complaît dans le confort de la formation Colnago. L’équipe évolue, devient Bardiani, mais le sprinteur italien reste, malgré les années. Sauf qu’il demeure ce coureur branché sur courant alternatif, qui ne décroche pas un top 5 durant trois semaines sur le Giro 2013, mais qui termine deuxième de l’ultime étape. Un déclic qui lui fait prendre conscience de la nécessité d’un transfert. « J’avais 26 ans, j’étais le plus vieux de l’effectif. Je n’avais plus rien à apprendre chez Bardiani. Le temps était venu de poursuivre mon apprentissage ailleurs. »

Dans son opération reconquête, c’est la Lampre qui le fait signer. Au sein d’une équipe en perdition, il est attendu comme le sauveur, celui qui doit mener la troupe fushia dans les sprints. Encore une fois, beaucoup de pression pour un seul homme. Surtout que pas très chanceux, les chutes l’empêchent de briller sur des classiques qu’il découvre. Heureusement, la suite sera un peu plus joyeuse, avec une première victoire en World Tour sur le Tour de Suisse. Une performance qui restera presque anecdotique. Auréolé de « seulement » huit bouquets, Modolo termine sa première saison chez Lampre avec un bilan plus que mitigé. Et au moment d’entamer 2015, son coéquipier Maximiliano Richeze se montre être un sprinteur aussi crédible que lui. Sur un Tirreno qu’il connaît par cœur, le Vénitien doit donc bosser pour l’Argentin. Une inversion des rôles qui sonne comme l’ultime illustration qu’à bientôt 28 ans, Sacha Modolo est passé bien loin du destin qu’on lui prédisait.

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