Arrivé au sommet de la hiérarchie lors des Mondiaux de Copenhague, l’Allemand Tony Martin s’est imposé comme le véritable patron du contre-la-montre dans le peloton, et plus généralement de l’effort solitaire. Capable de renverser un peloton entier pendant près de 200 kilomètres sur une étape anodine du Tour d’Espagne l’an passé ou de mettre une minute à tout le monde sur les étapes chronométrées, son audacieuse saison 2014 est la source de sa récompense, bien qu’il loupa le coche à Ponferrada… Malgré son allure de machine, Tony Martin reste humain.

Une constance impresionnante

Triple champion du monde de la spécialité au moment d’entamer la nouvelle année, la tête d’affiche d’Omega Pharma – Quick Step partait avec les mêmes ambitions qu’un Marcel Kittel dans le sprint, à savoir ré-affirmer sa domination devenue incontestable. Mais les premiers écueils se sont dressés pendant une reprise pas si facile que prévue. Battu par plus fort au Tour de Dubaï, avant de buter sur l’insaisissable Kwiatkowski en Algarve ou encore Adriano Malori durant Tirreno-Adriatico, ce n’est qu’à partir du Tour du Pays Basque que l’ancien coureur d’HTC a trouvé la mire. Vainqueur en solitaire de la deuxième étape ainsi que du chrono final, il est devenu quasiment inaccessible sur les contre-la-montre longs, dont la distance dépasse la barre des vingt kilomètres. Car malgré l’évolution continue du maître en la matière, les outsiders ne manquent pas. Entre l’imprévisible Wiggins, l’ancien rival Cancellara, et les prometteurs Dumoulin ou Phinney, sa capacité à conserver son leadership est d’autant plus remarquable. D’autant plus que Martin n’est pas qu’un simple rouleur, même si on le savait déjà depuis ses débuts.

Vainqueur d’un Paris-Nice, d’un Eneco Tour, de deux Tour de Pékin, il a accroché un troisième Tour de Belgique au mois de mai. Une «formalité» , après avoir écrasé l’étape contre-la-montre et résisté dans les monts wallons. Tout près également du hold-up parfait dans un Tour de Suisse qui a mis énormément de temps à se décanter. Impérial sur les 24,7 kilomètres de Worb, avec les meilleurs à Verbier, il fut victime du grand chambardement vers Saas-Fee, initié par des favoris sonnés par son appétit. Champion d’Allemagne pour la quatrième fois avec le vélo de chrono, il a réalisé un Tour de France de rêve, doublé à une Vuelta de grande qualité. Omniprésent dans les Vosges, il a mené à bout une incroyable échappée solitaire de 130 kilomètres sur le chemin de Mulhouse, avant de triompher sur l’exigeant parcours de l’avant dernier jour, reliant Bergerac à Périgueux. Auteur de dix victoires, Tony Martin n’est ni plus ni moins que le neuvième scoreur de la saison 2014 ex-aequo avec son compatriote John Degenkolb. Hormis Alejandro Valverde, aucun non-sprinteur n’a pu faire mieux !

Et des limites effleurées

Cependant, une grande désillusion persiste sans doute dans le clan du natif de Cottbus. Le semi-raté des Championnats du Monde, en Espagne. Attendu au tournant, après une énième démonstration de force sur la onzième étape du Tour d’Espagne, Martin n’a pas réussi à tenir la cadence d’un Bradley Wiggins surgissant d’outre-tombe à l’occasion de la grande messe annuelle. Les conséquences d’un essoufflement compréhensible, après 86 jours de course effrénés. En enchaînant les épreuves d’une semaine, en jouant plusieurs tableaux à la fois, tout en assumant un rôle de capitaine de route rendu indispensable dans de nombreuses étapes de plaine, au cœur du train de sprint de Mark Cavendish, ou encore pour les plus complets Kwiatkowski et Trentin sur des courses comme le Tour de Suisse, Martin est arrivé à court de forme pour les derniers jours de septembre.

De quoi inspirer une refonte de son calendrier l’an prochain ? Si tenter deux Grands Tours a peut-être été hasardeux et coûteux en énergie, il n’empêche que le défi était hautement honorable et fructueux. En dépit d’un programme de récupération probablement optimisé, c’est peut-être son enchaînement printanier qui aura été de trop. Mais voilà toute l’équation qu’un champion comme Tony Martin doit gérer. Propriétaire du statut le plus envié parmi la caste des rouleurs, on attend de lui qu’il gagne un peu partout où il passe… Et comment conclure sans évoquer le record de l’heure, inscrit dans une nouvelle dynamique depuis les marques successives de Jens Voigt et Matthias Brändle. Le nouveau champion du monde Wiggins devrait le tenter l’été prochain, tandis que Fabian Cancellara y songe également. Une sacré bataille en perspective pour la gloire qui l’attend, après être passé à côté d’un quatrième sacre mondial, lui permettant d’égaler la référence suisse. Mais, à 29 ans, ses plus belles années ne sont pas derrière lui… Tout est question de temps !

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