En 2014, l’équipe du milliardaire russe éponyme a livre une prestation de haut vol, contrastant avec l’insatisfaction de 2013 et les années 2011-2012 ou Alberto Contador était bien seul pour porter l’ancienne Saxo Bank lorsqu’il n’était pas suspendu. Quand on sait que Tinkov et Riis ont mis si longtemps pour trouver un accord sur l’avenir de l’équipe, et toutes les questions épineuses internes financières, de parts, d’intitulé et surtout sur l’effectif à construire, on se dit qu’il aurait été regrettable de ne pas engager une telle restructuration, aboutissant à une saison complète en tous points.
Quatre raisons d’être satisfaits
La résurrection d’Alberto Contador. « Pas assez professionnel dans sa préparation » , le Madrilène ? Les dires provocants d’un boss omniprésent aussi bien derrière ses coureurs que sur la twittosphère, et parfois dans des états suscitant un certain amusement, auront peut-être provoqué l’effet escompté, à savoir une remobilisation profonde du champion Espagnol, retrouvant le niveau de ses glorieuses années. Là où il avait piétiné sur le circuit World Tour l’an passé, il n’a laissé que des miettes à ses adversaires dès le Tour d’Algarve, avant de prendre sa revanche sur Tirreno-Adriatico et le Tour du Pays Basque, entrecoupés d’un très solide Tour de Catalogne. Lors de la “Course des Deux Mers”, c’est justement le panache du grand Contador que l’on a retrouvé sur l’étape marathon de Guardiagrele. Ayant comblé ses soudaines lacunes contre-la-montre affichées de manière criante l’an passé, il a plus que jamais fait jeu égal avec son nouveau grand rival Christopher Froome, dont il en est ressorti vainqueur au Dauphiné, même si la chute et les premières défaillances mentales du second ont commencé à se faire ressentir. Qui sait ce qu’il aurait fait s’il n’était pas allé au sol lors de la dixième étape du Tour de France ? Était-il en mesure de contrecarrer les plans d’un Nibali aérien ? Bluff ou pas, son retour inopiné à la Vuelta fut fracassant, s’adjugeant sa troisième Vuelta. Vélo d’Or et dauphin de Valverde au classement UCI, il aura marqué les esprits de bout en bout.
Les libertés prises par Rafal Majka. On connaissait l’aigle polonais comme un formidable grimpeur en devenir, révélé par ses facultés de gregario au service d’Alberto Contador sur la Vuelta, avant de s’affranchir au Tour d’Italie 2013, terminé à la septième place. Cette année, rebelote, mais un finish à Trieste un rang plus haut que celui obtenu lors du précédent mois de mai. Mais c’est surtout son été qui est à souligner, puisque le brutal enchaînement, pas forcément prévu de longue date, avec le Tour de France s’est finalement terminé de la meilleure des manières, avec deux victoires d’étapes spectaculaires à Risoul et au Pla d’Adet, et un maillot à pois sans contestation possible. Puis, il y a la vraie consécration en remportant son Tour National, où il n’avait pas de rival à sa hauteur lors des deux arrivées au sommet. Également quatrième du Critérium International, Majka a pris rendez-vous avec l’avenir, grâce à un calendrier lui permettant de se mettre bien souvent en valeur. Pourvu que ça dure !
Un Michael Rogers décidé. Lui aussi un temps dans la tourmente après sa suspension provisoire faisant suite à un contrôle positif au clenbutérol à la Japan Cup, son retour s’est effectué en grande pompe. Un Giro plein d’audace, durant lequel il est allé chercher deux victoires d’étapes en solitaire, à Savone en ayant effectué les quarante derniers kilomètres de descente tout seul, et en haut du Zoncolan, devant le malheureux Bongiorno. L’un des anciens meilleurs rouleurs du peloton exploite ses qualités en tant que finisseur, et c’est bien ce qui lui a permis d’accrocher un nouveau succès à Bagnères-de-Luchon, profitant des erreurs stratégiques du duo d’Europcar. La présence de Michael Rogers demeure précieuse dans un effectif de telle qualité.
La fraîcheur incarnée par Michael Valgren. Beaucoup de cadors, de valeurs sûres au sein de l’effectif de la Tinkoff-Saxo, mais la plupart ayant atteint la trentaine. Dans cette optique, c’est bien sûr Rafal Majka qui incarne le renouveau, mais n’oublions surtout pas le tout jeune danois Michael Valgren Andersen, vainqueur de Liège-Bastogne-Liège espoirs, et déjà très performant la vingtaine atteinte. Combatif sur les Quatre Jours de Dunkerque, on l’a ensuite vu remporter ses premiers championnats nationaux, avant de faire la totale sur ses terres, en s’adjugeant le Tour du Danemark devant l’icône Lars Bak et son coéquipier Manuele Boaro. S’en suit ensuite un premier Grand Tour à l’accent espagnol, comme beaucoup de jeunes talents, disputé dans son ensemble en tant qu’équipier modèle du “Pistolero”. Assez polyvalent, il a sans aucun doute pris rendez-vous avec l’avenir.
Deux raisons d’être déçus
On attendait mieux de Nicolas Roche. L’Irlandais avait semble t-il franchi un cap depuis son arrivée dans la structure russe. Invisible alors lorsqu’on évoquait ses objectifs de début mai, on pensait que sa préparation pour le Tour d’Italie était plus subtile, mais il n’en fut rien. Décevant et rapidement éloigné des premières places du général, il ne s’est même pas mis en tête d’aller chercher une victoire d’étape, une tâche revenue à son coéquipier australien. La seule satisfaction est donc cette victoire au général de la Route du Sud, course par étapes montagneuse, mais ses opposants n’étaient pas au top de leur forme, à commencer par Alejandro Valverde. Revenant sur la Vuelta par la suite, il n’a absolument pas confirmé sa cinquième place de 2013, où il s’était permis de porter le maillot rouge. Difficile donc de penser le voir autrement que cantonné à un rôle de lieutenant chez Sky en 2015…
L’épineux dossier Roman Kreuziger. Impossible de ne pas finir le bilan d’une année 2014 riche en victoires sans oublier les soucis occasionnés en interne mais également vis-à-vis du MPCC. Coincé par ses données suspectes inscrites dans son passeport biologique, le Tchèque a voulu faire valoir ses droits, et a pu compter sur le formidable avocat que s’est improvisé le magnat Tinkov. Mais l’UCI n’a pas cédé, et le dossier est parvenu au TAS. Éthiquement, c’est un gros caillou dans la chaussure, qui plus est lorsqu’on affiche publiquement la nouvelle organisation du staff, composée presque entièrement d’anciens repentis… Puis sportivement, l’équipe n’a pas pu composer avec un homme désormais d’expérience, capable de jouer les premiers rôles sur les Grands Tours et de remporter des épreuves d’une semaine. Il n’aurait pas été de trop !