5 juillet 2003. Au départ la Grande Boucle, à Paris, Sylvain Chavanel et Thomas Voeckler ont 24 ans. Ils disputent leur premier Tour ensemble, sous les couleurs de Brioches la Boulangère. Jean-René Bernaudeau est alors le manager de ces deux espoirs français. Treize ans plus tard, chacun a fait sa route. Voeckler n’a jamais quitté son mentor de toujours, Chavanel est parti vagabonder à travers l’Europe. Mais finalement, ils se retrouvent en 2016 sous le même maillot. Pour bien terminer l’histoire.

Tout connu, chacun de leur côté

« Quand Jean-René m’a dit qu’il envisageait de recruter Sylvain, je lui ai dit que ce serait avec grand plaisir que je recourrais avec lui, lance Thomas Voeckler. On a un peu le même était d’esprit, on est offensifs. » Le Tour de France, notamment, nous l’a prouvé. Les deux hommes sont des habitués de la grande messe de juillet, et on ne compte plus les étapes où ils étaient à l’avant. Parfois, le général a pu être pour eux un objectif. Avant qu’ils se rendent compte l’un comme l’autre qu’il valait mieux viser une victoire d’étape qu’un anecdotique top 20 à Paris. Alors tous les deux ont eu la chance de lever les bras, plusieurs fois, et de porter le maillot jaune, aussi. Sur ce point, Voeckler avait devancé son compagnon, en s’offrant la tunique de leader pendant dix jours dès 2004. Pour le reste, Chavanel a souvent semblé en avance. Il a été le premier à disputer le Tour, le premier aussi à remporter une étape. Et le seul à quitter la maison de Jean-René Bernaudeau. Pour mieux la retrouver treize ans plus tard.

« Chaque personne prend un chemin différent. Je n’ai aucun regret quant à mes décisions, notamment celle d’être parti tenter ma chance à l’étranger, assure Sylvain Chavanel. Mais aujourd’hui ça me fait plaisir de retrouver les anciens, de retourner chez Jean-René. » L’emblématique manager, lui, peut donc se féliciter d’avoir réuni le duo. En 2003, ils étaient les deux espoirs du cyclisme français. Aujourd’hui, ils en sont les deux plus grands palmarès des quinze dernières années, à 37 printemps chacun. « A tous les deux, c’est fabuleux ce qu’ils donnent. Sylvain son enthousiasme, Thomas sa science. Il n’y a pas d’ego en jeu, c’est que du bonheur, tout le temps », lâchait JRB sur le dernier Paris-Nice. La carrière des deux hommes est faite, ils n’ont plus rien à prouver. Pour le reste, Bernaudeau assure que « rien n’a changé ». Il y a quinze ans, on associait donc Bernaudeau à Voeckler et Chavanel. Pendant longtemps, ensuite, ce fut le duo Bernaudeau-Voeckler. Mais voilà le trio reconstitué. « C’est un peu ça, oui », concède le manager de Direct Energie. « Ca boucle la boucle, c’est un joli clin d’œil », ajoute Voeckler. « Chava » conclut : « Après la génération Virenque-Jalabert, il y aura eu la génération Voeckler-Chavanel… »

Thomas Voeckler, lui, n'a jamais quitté Jean-René Bernaudeau - Photo ASO
Thomas Voeckler, lui, n’a jamais quitté Jean-René Bernaudeau – Photo ASO

VOECKLER ET CHAVANEL EN CHIFFRES

Voeckler aura été dans sa carrière un coureur plus prolifique que son comparse Chavanel. Il compte aujourd’hui 39 succès chez les pros, contre 32 pour “Chava”. Ses saisons 2011 et 2012 sont incontestablement les plus réussies, avec 12 victoires en deux ans mais aussi de jolies places d’honneur sur les classiques (8e du Tour des Flandres, 5e de l’Amstel, 4e de Liège, 3e de Plouay, 7e au GP de Québec). Pour Chavanel, il est plus difficile d’établir une période “phare”. Ses plus grosses performances ne coincident pas forcément avec ses années les plus chargées en bouquets (voir “Chavanel spécialiste des pavés”). Mais rien que cette saison, la différence est frappante : Voeckler a levé les bras à quatre reprises, contre une seule fois pour Chavanel.

Sur le Tour de France, il n’y a pas match. C’est ses performances juillettistes qui ont valu à Thomas Voeckler cette popularité que Chavanel n’a jamais atteinte. Si le Castelroussin a participé à deux Grandes Boucles de plus, l’Alsacien a lui brillé davantage. Quatre étapes dont deux en 2012 et douze top 5 lui offrent une belle régularité. Mais là où il devance le plus Chavanel, c’est sur le nombre de jours passés en jaune. Avec ces deux escapades de 2004 et 2011, il atteint 20 jours en jaune soit le troisième total pour un coureur qui n’a jamais gagné le Tour. Il s’est acquis la sympathie du public grâce à son esprit de battant, la langue pendue quand il se dresse sur ses pédales.

Chavanel et Voeckler sont les deux meilleurs coureurs français de leur génération, et ça se voit à l’aune de leurs résultats sur les Championnats de France. Voeckler a gagné deux fois contre une pour Chavanel. Il a également fait plus de podiums, avec 4 médailles contre 3. Mais l’ancien coureur de IAM a terminé 8 fois dans le top 10 contre 5 pour son équipier. Preuve que leur profil de puncheur convient parfaitement à cette épreuve en circuit, où en général une difficulté est placée pour créer la sélection. Ils ont su tirer un maximum de leur tempérament offensif et de leur science de la course. A noter que Chavanel, également rouleur, a été sacré six fois champion de France contre-la-montre.

D’abord considéré à tort comme un coureur de grands tours, Sylvain Chavanel opère à partir de 2008 plusieurs changements dans son programme de course. De quoi l’amener vers les classiques flamandes et leurs pavés. Et dès le début, les résultats suivent avec une victoire sur A Travers les Flandres. L’année suivante, il décroche des tops 10 au GP E3 et sur Paris-Roubaix. Il ne performera plus sur l’Enfer du Nord et c’est un peu plus au nord, sur le Tour des Flandres, que Chavanel découvrira « sa » course. Son punch lui permet d’être à l’aise dans les monts et l’édition 2011, sur laquelle il finit deuxième, lui donne peut-être le plus grand regret de sa carrière, celui d’avoir joué le coéquipier de Tom Boonen jusqu’au bout.

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