Que Porte remporte Paris-Nice n'est pas si surprenant, mais son chrono au Col d'Eze l'est... Photo Flickr, DM 08
Que Porte remporte Paris-Nice n’est pas si surprenant, mais son chrono au Col d’Eze l’est… Photo Flickr, DM 08

Evidemment, il est très délicat d’évoquer le sujet. La diffamation en tête de gondole peut vous retomber dessus à une vitesse folle. Mais il ne s’agit pas ici de parler en notre nom propre, simplement d’évoquer l’état d’esprit général des observateurs quand la formation britannique est évoquée. Dans la période actuelle où le cyclisme ne cesse de se faire descendre en flèche par les médias et les non-observateurs – de plus en plus fans d’une réplique née des années 90 : « le vélo est un sport de dopés » – le but n’est pas d’en remettre une couche. Seulement de faire remarquer que la métamorphose de certains coureurs pourraient nous mener là où nous ne voulons surtout pas aller, ou plutôt retourner…

Des alibis qui sonnent faux

L’affaire Armstrong a éclaté. Le dénouement semble encore loin, mais le principal intéressé a désormais avoué. Pour beaucoup, il ne s’agissait là que de questions éthiques, tout le monde connaissant l’origine des victoires de l’Américain. Perte de poids fulgurante et métamorphose pour remporter sept Tours de France. Le tout grâce au dopage, contré par différents arguments : un professionnalisme et un entrainement hors norme, ajoutés à des contrôles toujours négatifs. Et malheureusement aujourd’hui, dans l’équipe Sky, le phénomène est trop similaire pour ne pas laisser le doute s’installer. Les coureurs eux-mêmes en sont conscients, et tentent de désamorcer la bombe lorsque le sujet est abordé dans certaines interviews. Bradley Wiggins sur le Tour de France avait signifié sa haine envers ceux qui le pensaient dopé. Richie Porte, vainqueur de Paris-Nice ce week-end, en a remis une couche sur les entrainements que s’infligent les coureurs de Dave Brailsford.

Mais les coureurs de la Sky n’ont pas inventé le SRM, ni le décrassage immédiat sur home-trainer. Encore moins le travail d’équipe qui consiste à protéger un leader. Ce qui interpelle, choque même, c’est l’efficacité de tout ça. Qu’un coureur comme Wiggins perde autant de poids et devienne aussi impressionnant en montagne. Que l’inconnu Christopher Froome devienne l’un des meilleurs coureurs de Grands Tours en arrivant chez Sky. Qu’un triathlète comme Richie Porte devienne un coureur capable d’emmener un peloton à une allure folle dans tous les cols du Tour de France. Puis, sur Paris-Nice, de faire un chrono de seulement quatre secondes supérieur à celui de Wiggins sur le Col d’Eze en 2012. Que Christian Knees ou Edvald Boasson Hagen se révèlent capables de rouler en montagne sur plusieurs kilomètres. Finalement, qu’une formation dont les coureurs paraissaient il y a encore deux ans médiocres, ou être des seconds couteaux pour les plus en vue, devienne la meilleure du monde.

On commence à évoquer l’Aicar

Chez certains observateurs, on parle donc de l’Aicar, un nouveau produit dopant. France Télévisions a étudié le sujet, et les parallèles pouvant être faits avec la formation Sky sont nombreux. Améliorant considérablement l’endurance (jusqu’à 70 % lorsque l’Aicar est utilisé avec un autre produit, le GW1516), il permet de perdre du poids sans effort particulier. Un produit à la portée de tous, si on en a les moyens. Une « cure » d’Aicar est estimée à 300 000 €. Cependant, on remarque que tout semble concorder : la perte de poids et l’augmentation soudaine des performances est sans aucun doute le « phénomène Sky ». Avec l’argent dont dispose la structure britannique, l’approvisionnement ne serait pas, en cas de consommation, un problème. Clairement, c’est donc une option plausible. Eric Boyer, ancien manager de Cofidis, qui a eu sous ses ordres Bradley Wiggins, en rajoute d’ailleurs une couche, sans donner de nom. Il explique que descendre en dessous de 6% de masse graisseuse est physiquement impossible. Et pourtant, il a eu chez Cofidis des coureurs qui étaient à cette limite, et qui ont par la suite perdu du poids…

De quoi laisser s’installer dans la tête de chacun un doute et des suspicions qui ne peuvent être balayés d’un simple discours dissuasif. Les coureurs de l’équipe Sky ne laissent pas indifférents. A l’heure actuelle, il est évidemment impossible de se prononcer formellement, dans un sens comme dans l’autre. Mais la métamorphose est forcément sujette à de nombreux débats, et à des questions sur les méthodes utilisées. Malgré leurs tentatives de réponse, les principaux intéressés ne pourront pas convaincre grand monde. Lance Armstrong a nié, pendant près de quinze ans, avant d’avouer. De quoi décrédibiliser les champions cyclistes lorsqu’ils parlent de dopage. En réalité, seule la science pourrait nous éclairer, et ce même si un contrôle négatif ne veut pas forcément dire grand chose. Certains laboratoires pensent d’ici quelques mois être en mesure de détecter l’Aicar dans des tests urinaires. Alors patientons, en espérant que nous ne sommes pas encore en train de nous faire berner.

Robin Watt


 

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