Quelques jours après le Tour de Lombardie, mais aussi dans une quinzaine cruciale pour son équipe Androni, Gianni Savio se confie à la Chronique du Vélo. La performance de Rodriguez dimanche dernier, l’annonce du parcours pour le Giro 2014 ainsi que la fin de saison, le manager italien ne passe rien sous silence.

La démonstration de Rodriguez en Lombardie

Je l’avais dit la semaine dernière, Joaquim Rodriguez faisait évidemment partie des grands favoris. Sa victoire a été formidable, il l’a amplement méritée, et ce fut pour lui une revanche du malheureux scénario des Championnats du Monde. Il faut dire qu’il avait la connaissance du terrain, en ayant déjà levé les bras l’an dernier de manière assez similaire. Sa tactique de course était impeccable, il a attendu la dernière côte pour faire la différence de bien belle manière. A Florence, il avait également tenté de sortir de cette façon, mais il avait été rejoint dans les derniers mètres par Rui Costa. Cette fois, il a bénéficié d’une équipe à sa disposition et mentalement très forte. Il savait que ses adversaires allaient calquer la course sur lui, et il a réalisé une véritable démonstration de puissance dans la Villa Vergano, là où on était certain de le voir passer à l’attaque. Ses poursuivants ont tenté de le rattraper, mais en ne l’accompagnant pas dans les dernières pentes, ils n’ont pu que constater les dégâts dans la descente. Le plus fort a enfin gagné !

Quant à la nouvelle mouture du Tour de Lombardie, il faut rappeler que cette classique était auparavant considérée comme l’apothéose de la saison, avant l’apparition du Tour de Pékin. Je me répète en disant que je comprends la mondialisation du cyclisme, mais le cœur du cyclisme est en Europe, et le contexte s’est perdu, à mon goût. Heureusement, si le parcours en lui-même a été modifié en 2011, il reste très difficile, avec une sélection impitoyable. Il est rare de voir un second couteau s’imposer, malgré l’incertitude permanente que propose le cyclisme. Le final est très dur et a permis au numéro 1 mondial de s’imposer ces deux dernières années en la personne de Purito. Le Valcava fait l’écrémage rapidement, tout comme le Muro di Sormano. Cela se décante dans la légendaire montée du Ghisallo, et au sommet, les groupes sont vraiment restreints. Enfin, au pied de la montée décisive, il ne reste plus que les tout meilleurs. C’est avant tout une sélection à l’usure et par l’arrière qui s’opère.

Un Giro 2014 alléchant et un nouveau départ de l’étranger

Je trouve le parcours du prochain Tour d’Italie très bon,  et je tiens à féliciter les organisateurs. Le tracé est suffisamment difficile, avec tout de même dix arrivées au sommet ! Toutefois, je ne le trouve pas démesuré. Les longues étapes marathons ainsi que les transferts éprouvants ont été considérablement réduits par rapport au passé. L’UCI a aménagé le départ d’Irlande en accordant une journée de repos supplémentaire justifiée. En clair, je suis très satisfait de ce que j’ai vu ! Selon moi, le coureur qui gagnera ce Giro sera un coureur assez complet, mais surtout, forcément un grimpeur. Et un grimpeur qui saura interpréter avec une grande intelligence les pièges proposés. Le parcours permettra d’assister à des attaques, et il faudra être très tactique pour l’emporter.

Par ailleurs, je pense que le départ à l’étranger est devenu une nécessité dans le cyclisme moderne. Il faut chercher, à l’occasion du départ du Giro mais aussi du Tour de France, des lieux capables d’offrir une grande promotion de l’événement, tout en garantissant à l’organisateur une importante somme d’argent. L’Irlande a fait un important investissement pour accueillir le Giro, et ils doivent être récompensés. Après, je le dis souvent, mais la question du business est réelle, et pas seulement dans le cyclisme. Et c’est parfois à cause de ça qu’on oublie de conserver des conditions idéales pour les coureurs ! Pour moi, ce qui compte avant tout, c’est de garder cet équilibre entre le sport et l’argent. Par erreur, la réforme du Pro Tour en 2005 n’allait pas dans cette lignée, et a causé quelques dégâts. Mais l’important, à mes yeux, est en train de revenir progressivement, et ce départ de Belfast en est la parfaite illustration.

Un titre à aller chercher, et un mercato à boucler

La fin de saison approche à grand pas ! Ce jeudi, se déroule la Coppa Sabatini, samedi le Tour d’Emilie, et enfin dimanche, nous finirons sur le GP Bruno Beghelli. Le championnat italien par équipe va s’y jouer en même temps qu’une grosse partie de notre saison. Ce ne sera pas facile, Lampre emmène une grosse équipe avec Scarponi et Ulissi, et leur dynamique est très bonne. Mais il ne faut pas oublier que c’est une formation World Tour, et que nos concurrents directs sont Vini Fantini ou Bardiani. Selon le règlement décidé en accord entre la fédération italienne et RCS, le lauréat de la Coupe d’Italie – ou du moins la première équipe n’évoluant pas en première division – se voit obtenir une wild-card pour le prochain Tour d’Italie. Actuellement, nous occupons la première place et nous allons bien entendu la défendre, mais je reste réaliste, ce sera compliqué. L’objectif est surtout de maintenir notre avance sur nos concurrents, et pour cela, nous sommes bien partis !

Au sujet du mercato, j’ai récemment eu l’occasion d’échanger avec Michele Scarponi et son manager, Raimondo Scimone. C’est bien entendu un garçon très charmant et très compétitif, et je serais naturellement très heureux de l’avoir à nouveau à mes côtés en 2014. J’estime que je suis celui qui l’a relancé après ses déboires liés à l’affaire Puerto. C’était encore un jeune coureur à l’époque, et, noyé dans ses problèmes, j’ai voulu lui rendre service alors que personne ne le voulait. C’est une preuve de l’hypocrisie de notre monde ! Après qu’il ait remporté Tirreno-Adriatico en 2009 et des étapes du Giro en 2010, il a réussi à obtenir un gros contrat chez Lampre ! Aujourd’hui, un retour chez nous n’est sûrement pas dans son esprit. Scarponi prendra sûrement sa décision en fonction des offres financières qui lui seront faites. Pour ma part, j’ai signé en septembre Manuel Belletti, en qui je place beaucoup d’espoirs. Et puis de façon générale, les quelques équipes qui vont disparaître dans quelques semaines vont laisser de bons coureurs sur le marché. Malgré tout, je ne peux pas me permettre de folies, je me dois de gérer mon budget tout en formant une équipe intelligente et compétitive. Mais vous le savez peut-être, c’est ce que je fais depuis 25 ans !

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