Au moment où la Vuelta se joue, avec comme principal protagoniste le transalpin Vincenzo Nibali, l’avis de notre chroniqueur Gianni Savio est plus qu’opportun. Le spécialiste italien, manager général de la formation Androni, suit toute cette actualité d’un œil avisé. Il confie ses impressions à la Chronique du Vélo.
L’indécision et le duel épique de la Vuelta
En haut de l’Alto de Naranco, nous avons encore eu la démonstration du fait que le cyclisme est un sport extrêmement fascinant. Avec une lutte sans merci entre deux coureurs qui va voir son apothéose aujourd’hui en haut de l’Angliru, tout les passionnés seront ravis du spectacle proposé et du scénario de cette Vuelta ! J’ai été surpris par la prestation de Chris Horner, et je lui tire mon chapeau. Il a abordé ce Tour d’Espagne avec une grande détermination ! Quand à Vincenzo Nibali, c’est un grand champion, que j’admire énormément, évidemment pour ses performances, mais aussi pour son côté humain. Il lutte toujours et ne se considère jamais battu. Mais d’un coup, sa position a changé. Il doit absolument retrouver son grand caractère cet après-midi pour forcer la décision. Ces derniers jours, Nibali était le grand favori pour la victoire finale, malgré le respect que j’éprouve pour Horner, personne ne le voyait perdre du terrain. Désormais, j’insiste uniquement sur l’aspect psychologique : la conquête du maillot rouge ne fait que conforter le grand moral d’Horner. Si vous faites une enquête, on va vous répondre : « Nibali a perdu, il est sur la pente descendante. » Sauf qu’on ne peut pas savoir ce qu’il va se produire dans l’Angliru, et c’est bien là que le cyclisme est un sport unique.
La malchance italienne
Sur les routes espagnoles, notre nation misait beaucoup sur un Ivan Basso revanchard qui a vraiment joué de malchance… Le connaissant très bien, c’est un modèle de professionnalisme, il voulait se relancer sur la Vuelta et a été en constante progression, en étant proche de toucher les sommets. Ses affirmations d’avant course ont été tenues, et il a fallu une journée dantesque pour le mettre en difficulté. Obligé d’abandonner, c’est terrible pour lui qui a vu sa saison gâchée par des pépins. Toutefois, il faut dire qu’il n’est vraiment pas commun d’avoir un tel froid à la fin du mois d’août en Espagne ! C’était critique, et je n’ai jamais vu ça auparavant… Quand à l’équipe Lampre, je me suis entretenu quelques instants avec Michele Scarponi, qui est un peu déçu d’être à la place qu’il occupe – actuellement douzième au général, ndlr. Après, je ne sais pas exactement comment il s’était préparé et quelle était sa condition. Avec son coéquipier Ulissi, ils pouvaient aussi alterner les rôles afin de se préparer pour le rendez-vous de Florence, si Paolo Bettini le retient. Il ne sera pas leader mais un excellent capitaine de route, et on pourra compter sur lui si la situation s’impose. Je ne me fais pas de soucis pour lui.
Un mercato plutôt calme
L’annonce du rachat de l’équipe Euskaltel – Euskadi, toute proche de disparaître, fut la très bonne nouvelle de ce mercato, mais aussi une des grandes annonces de l’année à mon goût ! Lorsqu’une équipe qui est en train de disparaître s’apprête à laisser beaucoup de grands coureurs sur le carreau et qu’un grand champion de sport automobile, très populaire, la reprend, c’est un soulagement. Même si le management et la philosophie changera, c’est bien pour le cyclisme et pour les fans dont je fais partie. C’est la marque d’un grand gentleman.
Cependant, le marché des transferts ne connaît pas de grandes folies à part l’équipe Omega Pharma – Quick Step, qui a réalisé de grandes dépenses et qui, avec ses recrues, aura une véritable dream team l’an prochain. Avec le contexte actuel, la plupart des équipes sont un peu dans un l’attente, ce qui limite les grands transferts. Quasiment tous les grands champions sont restés dans leurs formations. Le cas Alberto Contador vient alimenter les rumeurs, c’est vrai, et il pourrait être la grande recrue de la nouvelle équipe de Fernando Alonso. Mais cela reste fantaisiste pour le moment, on ne sait pas vraiment ce qu’il veut faire. Nous avons donc droit à un marché des transferts où règne la prudence, conditionné par la crise économique du secteur cycliste, liée à celle que le monde traverse. Peu d’équipes ont pu faire des achats conséquents, et malheureusement, l’équipe Vacansoleil risque même de s’arrêter. Je suis très triste pour eux et j’espère de tout cœur qu’ils vont réussir à trouver des pistes de repreneur…
De mon côté, je m’inscris dans la lignée de mon projet sportif entrepris avec le gouvernement vénézuélien, pour une durée de trois années au moins, dans le but de découvrir des jeunes talents. L’objectif ce projet est d’aboutir à une licence World Tour dans les prochaines années, pourquoi pas dès 2016. Les cadres de notre équipe ont dans la majorité prolongé leur aventure, comme Mattia Gavazzi, Omar Bertazzo, Diego Rosa, Carlos Ochoa ou Matteo Di Serafino. Malgré quelques pertes non négligeables comme Felline et Pellizotti, des membres de l’équipe italienne des moins de 23 ans viendront renforcer notre équipe. Le sprinteur Andrea Zordan passera pro chez nous, en compagnie de l’un des meilleurs grimpeurs italiens en devenir, Gianfranco Zilioli ! Sixième pour sa première course avec nous lors de la Semaine Lombarde, il s’agit de très bons résultats pour un stagiaire qui découvre le monde des pros. Yonder Godoy, âgé de 20 ans viendra aussi dans notre structure et sera l’un des plus jeunes à disputer les championnats du monde de Florence ! Quand au vainqueur de la Route Adélie, Alessandro Malaguti, ainsi qu’Antonio Parrinello, nous ne savons pas si on pourra les compter parmi nous en 2014. Mais une chose est sûre, cette équipe sera en adéquation avec ma philosophie.
Pinot compte aussi en Italie
Déchaînant quelques passions en France, Thibaut Pinot est aussi très bien considéré en Italie. Il avait remporté si mes souvenirs sont exacts le Tour de la Vallée d’Aoste ainsi que la Semaine Lombarde, deux épreuves qui comptent beaucoup chez nous. Ses performances sont très prometteuses et je ne doute pas que son futur sera radieux ! En plus, il évolue au sein de la formation FDJ.fr de mon grand ami Marc Madiot. C’est quelque chose de non-négligeable car Marc est la personne idéale pour former des jeunes coureurs comme lui. Je lui souhaite de grands succès durant l’avenir, il a le talent nécessaire pour joliment garnir son palmarès.