Deux fois deuxième du Giro, en 2013 et 2014, Rigoberto Uran n’a rien pu faire face à Nibali puis Quintana, mais il a montré que derrière eux, il était une valeur sûre. Malgré tout, il se refuse encore et toujours à axer sa saison sur le Tour de France, et revient sur la course rose avec l’espoir un peu fou d’enfin monter sur la première marche.

Pourquoi il gagnera le Giro

Il a pris l’habitude de jouer la gagne. Avoir couru quatre Tours d’Italie à 28 ans et sans être italien relève presque de l’acharnement. Mais cette abnégation a surtout permis au Colombien d’emmagasiner une expérience qui pourrait enfin s’avérer décisive. Anonyme 27e lors de sa première participation, il est rentré dans le top 10 pour sa deuxième visite sur les routes transalpines. Mais surtout, entre 2013 et 2014, malgré une place identique au final, on a vu un Uran bien différent. Alors qu’il avait bataillé jusqu’au bout pour déloger Evans de la deuxième place en 2013, il a porté le maillot de leader quelques jours avant de le céder à Quintana l’an passé. Le leader de l’équipe Etixx a goûté au paletot rose, et compris ce qu’il fallait faire pour aller le chercher. Il lui reste maintenant à le conserver une fois sur ses épaules.

Sa forme va monter crescendo. Sur le Tour de Romandie, il a légèrement inquiété, lâché dès les premières hostilités dans la montée de Champex-Lac. Mais il suffit d’être un peu optimiste pour se dire que dans l’optique de son doublé Giro-Tour, le natif d’Urrao se préserve pour arriver plus frais au départ de San Lorenzo. Les grosses difficultés étant pour une fois concentrées en dernière semaine, il n’est pas nécessaire d’arriver à 100% pour le début d’épreuve. Uran peut se permettre de démarrer tranquillement, et de monter en puissance au fil des semaines, pour n’être au top que dans la deuxième partie de ce Giro, là où tout se jouera.

Les chronos ne lui poseront pas de problème. S’il n’est sans doute pas aussi bon rouleur que Porte, le champion de Colombie du contre-la-montre est assez proche de Contador dans l’effort solitaire. En plus de pouvoir compter sur une formation Etixx qui saura se placer sur le contre-la-montre par équipes, il a les qualités pour ne quasiment rien concéder sur le grand chrono de fin de deuxième semaine. L’année dernière – sur un parcours certes un peu plus vallonné -, c’est d’ailleurs lui qui s’était imposé à Barolo, au terme de 42 kilomètres de chrono. Si la discipline ne lui permettra sans doute pas de reprendre du temps aux deux principaux favoris de ce Tour d’Italie, elle ne sera au moins pas un handicap pour Uran, qui aura alors tout le loisir de faire des écarts en montagne.

Pourquoi il ne gagnera pas le Giro

Il a peut-être raté sa préparation. La performance d’Uran sur le Tour de Romandie est à double tranchant. Oui, on peut imaginer qu’il va monter en puissance, devenir meilleur au fil de la course et se retrouver au top en dernière semaine. Mais on peut aussi imaginer que sa petite défaillance sur les pentes de Champex-Lac n’a rien de calculée, et qu’elle est simplement le signe d’un mauvais timing dans la préparation du Colombien. Costaud sur Tirreno et en Catalogne, il a peut-être carburé un peu trop tôt dans la saison. A titre de comparaison, l’année dernière, il était arrivé sur le Giro sans aucun résultat probant sur ces mêmes courses d’une semaine. Et au moins, il avait tout de suite répondu présent au moment d’éviter les premiers pièges du parcours.

Sa garde rapprochée est trop faible. Ce n’est pas nouveau, l’équipe Etixx n’est pas faite pour les grands tours. Mais après la déroute sur les classiques – une seule victoire et d’innombrables deuxièmes places -, réaliser un grand Giro paraît indispensable. Pourtant, autour d’Uran, c’est une équipe très faible en montagne qui est envoyée par Patrick Lefevere. David de la Cruz et Maxime Bouet, aussi bons équipiers soient ils, n’accompagneront pas bien longtemps leur leader dans les grands cols transalpins, et tout le reste de l’équipe semble dirigé vers les sprints, autour de Boonen et Meersman. Si elle n’aurait sans doute pas tout changé, la présence de Gianluca Brambilla aurait pu s’avérer précieuse, mais l’Italien, présélectionné, s’est blessé au mauvais moment et n’est pas de la partie. En montagne, Uran sera donc très esseulé, quand ses concurrents seront entourés de plusieurs équipiers : un handicap qui pourrait s’avérer très difficile à compenser.

Il aura encore un fantastique sur sa route. Nibali en 2013, Quintana en 2014. A chaque fois, sur le Giro, Rigoberto Uran s’est heurté à l’un des quatre coureurs qui trustent les grands tours depuis plus deux ans – Horner excepté. Avec Contador au départ de la course rose, il y a de quoi se demander pour quelle raison le Colombien parviendrait cette fois à faire déjouer un cador. Vraisemblablement moins bon grimpeur que l’Espagnol, il y a fort à parier qu’il ne puisse le décrocher en montagne, et qu’il ne lui reprenne rien ou presque sur le contre-la-montre. Un schéma qui serait similaire à celui des deux dernières années, lors desquelles Uran s’était montré placé, mais jamais vraiment en mesure de disputer la victoire. Toujours très loin de Nibali en 2013, relégué à la deuxième place dès la première offensive de Quintana en 2014, il n’y a pas de raison qu’on connaisse autre chose avec Contador.

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