Vainqueur à la surprise générale sur la – courte – première étape du Tour du Langkawi, le Colombien Duber Quintero occupe solidement depuis jeudi le fauteuil de leader ,à la faveur d’une échappée valeureuse. Mais si la course malaisienne est réputée pour ses nombreux emballages massifs, le juge de paix de l’épreuve se profile ce dimanche avec la difficile montée de Genting Highlands. De quoi faire trébucher l’actuel maillot jaune, ou bien assister à une plus ample révélation ?

Deux étapes charnières à négocier

Si Duber Quintero souhaite prolonger son aventure asiatique dorée, qui plus est la première pour son équipe Colombia, il va inévitablement falloir sortir le grand jeu lors de la quatrième, demain. Ce parc d’attraction moderne, au menu de n’importe quel circuit touristique pour les vacanciers, ne sera pas une partie de plaisir pour les quelques 126 combattants du jour. Bien qu’il ne soit pas emprunté par son versant le plus difficile (depuis le village de Batang Kali), les 19,6 kilomètres de montée à un peu plus de 5% de pente moyenne occasionneront bien des dégâts, et il y a matière à faire des écarts. Sur la même étape reine en 2013, Julian Arredondo avait relégué le quatrième, Sergio Pardilla, à plus d’une minute, tandis qu’en 2012, le dixième de l’étape se situait à presque quatre minutes de José Serpa. Un gros morceau donc, d’autant plus trompeur par sa pente, des plus irrégulières. Si les quatre premiers kilomètres d’ascension sont plutôt coriaces, une belle portion intermédiaire de replat est aussi au programme. Avant les dix dernières bornes, allant crescendo dans la douleur, avec des pointes à 12% dans les deux derniers kilomètres. Toutefois, si le natif de Gigante se sort de ce piège étouffant, il ne devra surtout pas se relâcher le lendemain sur la route de Rembau, puisqu’une belle bosse de troisième catégorie sera propice aux attaques à seulement onze kilomètres de la ligne d’arrivée.

Voici donc les deux étapes clés de cette édition 2014 du Tour du Langkawi, qui donne déjà de l’espace à différents schémas tactiques. A l’image des premières épreuves européennes, c’est encore une fois une échappée qui s’est taillée la part du lion sur la première étape, et l’ « escarabajo » de 23 ans a tiré le gros lot. A l’image de Sander Helven sur l’Etoile de Bessèges, ou de Phil Gaimon sur le Tour de San Luis, le Sud-américain peut tenter crânement sa chance jusqu’au bout, sachant qu’hormis les deux étapes musclées des jours à venir, le scénario monotone d’une arrivée au sprint est plus qu’envisageable pour les cinq derniers jours. Pour parvenir à ses fins, il devra compter sur la grande force collective des hommes de Claudio Corti, qui comptent également Robinson Chalapud dans leurs rangs, omniprésent à l’avant du dernier Giro, et prêt à prendre la relève. Car le plateau de grimpeurs, même si il n’est pas vraiment ronflant, n’est tout de même pas inintéressant, et les observateurs seront curieux de cerner le vrai niveau d’un Quintero encore inconnu du grand public, mais qui bénéficie là d’une belle opportunité pour se faire un nom. Reste à mater les Weening, Kruijswijk, Dyachenko, Berhane, Monsalve, Zilioli et autres locaux survoltés.

Une pression intérieure à gérer

Mais il n’y a pas que sur le vélo qu’une course cycliste se gagne, et le jeune Quintero devra faire face à d’autres obstacles. S’il paraît naturel que le Colombien soit plus à l’aise dans les conditions équatoriales de ces contrées exotiques, la gestion des efforts sera un autre facteur important dans la quête du succès au général. Disposant d’une avance confortable sur les favoris (1’37”), il devra déjà se méfier de ses compagnons d’échappées, et notamment de l’Australien Jonathan Clarke, habitué du Langkawi ces dernières années, et qui n’est qu’à 22 secondes. On peut également imaginer un classement général encore très serré mardi soir, ce qui ferait de la quête aux bonifications un enjeu nouveau. Voici tout le paradoxe que doit gérer Duber Quintero se devant compte tenu de sa position de rouler à l’économie, mais aussi d’être vigilant à tout mouvement et de faire parler sa science de la course. Un vrai test psychologique qui pourra en dire long sur l’aptitude de ce jeune coureur à savoir mener sa barque. Ses paroles sont la pour le confirmer : « Aujourd’hui, la course s’est déroulée comme je le souhaitais : une échappée est partie, et les équipes de sprinteurs se sont chargées de la poursuite dans la dernière partie, nous permettant d’épargner un peu d’énergie. C’était important, surtout par cette chaleur. J’espère que cela continuera ainsi ! » Déjà à l’aise face à la presse, attention tout de même à l’excès de confiance. Et ça commence à faire beaucoup de facteurs à maîtriser…

Non, clairement, se retrouver propulsé dans la peau d’un vainqueur potentiel n’est jamais simple à gérer, et Duber Quintero devra donc sortir la course parfaite pour garder son bien, et inscrire son nom au palmarès d’une course de plus en plus attrayante qui voit ses vainqueurs tenter et parfois réussir ensuite en Europe. C’est ici même que le virevoltant Arredondo matait il y a un an la concurrence avant de s’envoler chez Trek, ou que José Serpa décrochait il y a deux ans son ticket pour Lampre. Inutile de s’enflammer bien évidemment, mais la position du Colombien est l’occasion de souligner le tremplin idéal que représente une course par étapes de plus d’une semaine – dix étapes – aux yeux des jeunes coureurs. Cette année, on dénombre six équipes World Tour, et de plus en plus de nouvelles conti pro du vieux continent au départ. Une course qui ravit de plus en plus de directeurs sportifs et de managers, comme Gianni Savio, manager de l’équipe Androni et friand de nouveaux horizons. Appréciée pour ses routes larges, son intérêt sportif et sa position dans le calendrier, le Tour de Langkawi est devenu l’une des nouvelles courses « coup de cœur » du transalpin, qui n’est pas le seul à en dire tant de bien. Mais ne nous éparpillons pas, la vrai question est  : Duber Quintero parviendra t-il à conserver son paletot de leader ? C’est l’intérêt à très court terme de cette épreuve matinale, pour nous Européens.

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