C’est l’histoire d’une instance qui veut faire évoluer le cyclisme, parce que notre sport en a besoin. Mais c’est surtout une histoire qui part dans tous les sens, avec une réforme sans queue ni tête, alors qu’au début tout semblait bien parti. L’UCI de Brian Cookson, depuis plusieurs mois, se moque de tous les acteurs du cyclisme. Alors ASO a voulu dire stop, et la société organisatrice du Tour de France a bien fait.

Des revirements incohérents

Lorsque la réforme de l’UCI a été évoquée pour la première fois concrètement, il y a un peu plus de deux ans, tout le monde était d’accord pour souligner sa nécessité. Le chantier était imposant, et l’introduction initialement prévue en 2015 a été repoussée à 2017. De quoi peaufiner chaque aspect de la réforme, se disait-on. Des effectifs réduits, des « équipes de développement » pour chaque formation de l’élite, un calendrier amaigri, moins de coureurs sur chaque épreuve : en clair, ce que demandaient les observateurs depuis bien longtemps. Alors bien entendu, il y avait quelques points à régler : le calendrier et les nombreuses divisions prévues donnaient lieu, sur le papier, à un capharnaüm que peu parvenaient à déchiffrer. Mais on était sur la bonne voie. Après des années à critiquer Hein Verbruggen et Pat McQuaid, présidents successifs de l’UCI, voilà que l’on pouvait enfin se satisfaire de ce qui se passait en haut lieu. Brian Cookson apparaissait comme un président digne de ce nom.

Puis tout a déraillé. Aujourd’hui, lorsqu’on parle de la réforme UCI, tout semble si différent. Tous les points évoqués ont disparu. Ce qui est désormais mis en avant ? Une ligue fermée de 18 équipes dont les licences seront attribuées pour trois ans, et surtout un calendrier de première division indigeste. Plus de 180 jours de course, auxquels les équipes de l’élite devront forcément participer. On est bien loin du projet initial, qui prévoyait de réduire ce nombre à environ 120 – contre 132 actuellement. La réforme qui devait assainir le cyclisme est en train de le rendre encore plus incompréhensible. Des épreuves de second rang, plus ou moins exotiques mais tout sauf historiques, vont à nouveau intégrer le World Tour. Du Qatar aux Etats-Unis, d’Oman à Pékin, ce sera donc ça, la première division de demain. Pendant que les épreuves qui ont fait l’Histoire de notre sport, elles, ont chaque année plus de difficultés à perdurer.

C’est ce qui a alors motivé ASO à dire stop. L’organisateur du Tour de France mais aussi de Paris-Nice, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège, du Dauphiné ou de la Vuelta a frappé fort, assurant vouloir retirer ses épreuves du World Tour à partir de 2017. Un coup de massue. Deux Monuments et deux grands tours notamment deviendraient alors des épreuves de deuxième division, ce qui laisserait à Christian Prudhomme (et à Javier Guillen pour la Vuelta) le soin d’inviter les équipes qu’il souhaite. Il pourrait ainsi refuser certaines formations pourtant intégrées à la première division de l’UCI, et choisir le nombre d’équipes qui participeraient. Un point important tant on ne cesse de souligner – pour une question de sécurité – la nécessité de réduire les pelotons. S’il n’est pas possible de courir les épreuves avec un coureur de moins par équipe, alors la solution peut tout simplement être d’en inviter 20 au lieu de 22. Par cette action, ASO montre alors bien plus que son désaccord : c’est le signe que si les grands organisateurs le souhaitent, ils peuvent agir sans les contraintes du World Tour. Parce que bien évidemment, qu’elles soient officiellement en première division ou non, les épreuves du groupe Amaury continueront de faire venir les plus grands coureurs.

Evoluer oui, mais correctement

Certains taxent donc le cyclisme – et sa frange réfractaire à la fameuse réforme – de réactionnaire. C’est tout le contraire. Le monde du vélo est prêt à évoluer, il l’a déjà prouvé à de maintes reprises. Velon, qui a réussi à réunir 11 des 18 formations du World Tour actuel, en est un des meilleurs exemples. Tout comme le fait qu’il y a deux ans, quand le projet de réforme était encore cohérent, tout le monde ou presque était pour. Paris-Nice et Tirreno-Adriatico, deux épreuves mythiques du calendrier, devaient selon Brian Cookson ne plus se superposer au niveau des dates. Un changement important, qui aurait pu rebuter les plus attachés à l’aspect historique. Mais tout le monde s’en accommodait : il fallait faire une croix sur cette tradition pour le bien d’une première division qui n’attire plus assez les sponsors. Aujourd’hui, pourtant, ce n’est plus à l’ordre du jour : chacun va rester à sa place, et sera concurrencé en plus par de nouvelles épreuves.

Mais étoffer encore davantage le World Tour pose un autre problème, puisque ça revient à mettre de côté toutes les autres épreuves. « Les plus grands coureurs ne pourront plus s’aligner sur les courses de deuxième et troisième niveaux », notait Christian Prudhomme ces derniers jours. Les équipes seront en effet contraintes d’envoyer leurs coureurs sur les épreuves de première division, et délaisseront le reste. Cela signera donc l’arrêt de mort de nombreuses courses, aujourd’hui réputées et convoitées mais qui demain ne seront plus en mesure d’attirer des coureurs de l’élite du cyclisme mondial. Un système où les grands deviennent plus grands, et ou les petits disparaissent, voilà donc ce qu’est en train de mettre en place l’UCI. Ce n’était pourtant pas l’idée de départ. Comme souvent, on aura donc cru que les instances internationales peuvent faire bouger positivement les choses. Mais comme trop souvent, on aura eu tort d’y croire.

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