Un coureur qui lève les bras en haut de l’Alpe d’Huez, après une échappée en solitaire. Un emballage  final âpre, où les coureurs frottent beaucoup, au pied de l’Arc de Triomphe. Ce sont souvent les images que l’on a du cyclisme. Un cyclisme de champions, où des héros se dessinent. Mais rarement on se rend au bord des routes de campagnes, isolées de tout attrait médiatique. Et pourtant c’est sur ces terrains que le spectacle se déroule ! Des pelotons certes moins fournis, tant qualitativement que quantitativement, roulent sous un soleil éblouissant, ou au contraire luttent avec la boue et les gouttes de pluie.  Mais la course n’est pas tout. Plongeons-nous dans cet autre monde.

Entre risques et recherche du plaisir

Les soirées entre copains en fin de semaine, il connaît. Les révisions acharnées aussi. Mais ce qu’il connaît encore mieux, ce sont les entrainements. Aurélien a 19 ans, mais là où certains autres cyclistes de cet âge sillonnent les routes aux côtés des professionnels, il se bat lui en catégorie 2. Enfin, se battre, c’est plutôt une expression qui convient mieux au monde des professionnels. Car rien de tout cela n’est présent dans le monde du jeune amateur tricolore. « A mon niveau encore, c’est vraiment bon enfant comme ambiance. Tu te retrouves entre copains le week-end, tu fais ta course et tu bois une bière à la fin », nous affirme ce fan de Danilo Hondo. L’ambiance est clairement la différence la plus signifiante entre les deux mondes. N’y voyez pas de populisme ici, juste une simple constatation. Si l’on court principalement pour s’amuser, notre future star n’exclut pas de tenter le passage difficile vers la catégorie 1. S’il avoue s’entraîner « trois ou quatre fois par semaine, avec des sorties entre deux et quatre heures, pour perdre les kilos en trop », il reste lucide et sait que cela ne sera pas suffisant.

Mais voilà, un autre iceberg se dresse face au cycliste : les études. Si les professionnels peuvent se concentrer uniquement à leur sport, cristalliser leurs efforts et leur récupération sur les courses et les entrainements, la mélodie est tout autre pour les amateurs. Après des journées de cours souvent chargées, ces jeunes enfourchent leur vélo, pour se libérer souvent, pour embrasser le rêve de gagner leur vie avec le cyclisme, beaucoup moins. Quand on lui demande s’il privilégierait les études ou le cyclisme, Aurélien répond donc sans détour : « le coureur qui a un bon niveau peut se consacrer au vélo uniquement, et c’est ce que je ferais, mais d’abord il faut terminer les études. » Cependant, encore plus que les études, c’est le métier des coureurs un peu plus expérimenté qui influe sur leur pratique. Car le cyclisme n’est pas un sport sans danger et les chutes font particulièrement peur. Non pas que le simple fait de goûter au goudron soit traumatisant, mais les conséquences effraient : un simple poignet cassé peut avoir de lourdes répercussions sur le travail d’un coureur amateur.

Un sprinteur-tombeur

Mais Aurélien ne brosse pas un portrait si violent du monde amateur. S’il y a des côtés difficiles, la bonne ambiance n’est jamais loin et prend toujours le dessus. « Les stages par équipe sont particulièrement sympas, on retrouve vraiment cette entente, que l’on n’a pas forcément tous en course. » Des stages où il n’est pas rare de collecter quelques anecdotes croustillantes : « On a déjà vu des coureurs se mélanger avec les féminines, allant jusqu’à leur voler certaines affaires personnelles, dont des strings. » Un portrait plus libre de ce sport, que ce jeune grimpeur-sprinter s’adonne à décrire. Si loin des images stéréotypées qui peuvent venir d’ailleurs, des médias comme des non-connaisseurs. Le jeune français poursuit en nous confiant que l’intérêt féminin était aussi un aspect agréable du vélo. Détendu, il avoue qu’impressionner les sœurs des coureurs, présentes au bord de la route est pour lui une source de motivation prépondérante ! « A quoi ça sert de rouler si ce n’est pour faire remarquer nos pectoraux saillants ? » ajoute en blaguant notre coureur tombeur.

Quand l’insouciance répond au monde du calcul

Mais que se passe-t-il alors de l’autre côté, dans l’univers de la catégorie 1 ? « Les coureurs ont tendance à rouler quasiment tous les jours. En première catégorie, les mecs sont semi-professionnels et certains ne travaillent même pas à côté. Il ne font que rouler. » Un monde dont Aurélien dresse un portrait au vitriol : « Quand tu montes en première catégorie, c’est vraiment un autre monde. Il y a la mafia pendant les courses, les résultats sont parfois arrangés, des coureurs se balancent dans le fossé…  Sans oublier que d’autres vendent leurs courses ! Ils n’ont que ça pour vivre donc ils se dévouent pour rouler en faveur d’un autre, qui veut absolument gagner. Même s’il n’est pas de son équipe ! » Une différence nette de mentalité. Mais pour lui, c’est juste quelque chose à adopter quand on monte : on s’y habitue vite. Ce sont néanmoins deux volontés qui s’opposent ; celle de l’insouciance répondant au calcul froid. Selon Nietzsche, la Volonté de puissance, qui est le simple fait d’affirmer la vie, n’est moralement bon uniquement dans le monde amateur. Car on assiste à un renversement des valeurs dans le monde professionnel, puis à une négation de celles-ci. Pour aboutir au nihilisme ?

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