Course de rentrée pour bon nombre de futurs prétendants au classement général en juillet, le Dauphiné livre habituellement ses premiers enseignements un mois auparavant. Bien que comme toute course de préparation, aucun verdict ne sera définitif pour le Tour de France, les comportements des principaux coureurs alimenteront les différents commentaires sur leurs états de forme. Alors, qui a vraiment la pression tout au long de la semaine ?
En vue du maillot jaune…
Vincenzo Nibali : Le Sicilien a fait l’impasse sur ses autres courses fétiches pour préserver le maximum de chances afin de conserver son titre sur la Grande Boucle. Mais à un peu moins d’un mois du grand départ d’Utrecht, Nibali n’a toujours pas retrouvé son niveau dominateur de l’été 2014. Si l’on y ajoute toutes les polémiques médiatiques en coulisses autour de l’éventuel retrait de la licence World Tour de son équipe Astana, aucun gage de sérénité ne semble se dégager du côté du clan italo-kazakh. Seulement visible dans les premières positions sur Liège-Bastogne-Liège – treizième ndlr – et en Romandie – pénible dixième ndlr – , le vainqueur des Trois Grands Tours sait indiscutablement bien mener sa barque, mais n’est pas à l’abri de nouvelles déconvenues bien plus coûteuses. C’est principalement en montagne que les observateurs attendent de retrouver un autre visage chez Nibali, qui lui même, est en quête de sensations plus aériennes. Avec quatre arrivées au sommet sur les quatre dernières étapes du Dauphiné, le terrain est idéal, et toute contre-performance sera prise très au sérieux. Surtout quand on sait que Fabio Aru, inarrêtable, a déclaré dans la presse vouloir s’aligner au départ du Tour…
Andrew Talansky : Le tenant du titre, est très loin de figurer parmi les favoris de ce 67ème Critérium du Dauphiné. Malchanceux sur le Tour l’an passé alors qu’il partait conforté comme jamais dans des dispositions, Talansky a décidé de cibler le même objectif en 2015, mais avec un programme de courses différent. Reprenant tardivement sur Paris-Nice, l’Américain n’a jamais pesé sur les courses d’une semaine auxquelles il a pris part, se contentant de très maigres références, comme un top 10 sur le chrono en côte du Col d’Eze, ou sur la troisième étape du Tour de Catalogne. Revenant sur le devant de la scène à l’occasion de ses Championnats Nationaux, ou il vient de glaner le titre du contre-la-montre, cela semble confirmer sa stratégie annuelle. À savoir une lente montée en puissance jusqu’au mois de juillet. Mais comme ce fut le cas pour certains par le passé, le new-yorkais s’expose à un contre-coup dangereux. Toute chute, ou défaillance individuelle, ferait immédiatement entrer le spectre d’une saison blanche. À défaut de lutter pour le général, Talansky se doit donc d’être un minimum rassurant durant le dernier week-end de course.
Tejay Van Garderen : Le chef de file de la BMC sur les courses par étapes semblait pourtant parti sur d’excellentes bases. Deuxième du difficile Tour d’Oman derrière la révélation Rafael Valls, le « TVG » a ensuite nettement fléchi au cours des événements. En délicatesse sur la fin du Paris-Nice, il a ensuite montré une certaine irrégularité tout au long de la tournée espagnole. Vainqueur en haut de la Molina en Catalogne mais souffrant sur des étapes piégeuses, il n’a pas fructifié son bon hiver au Pays Basque, et tout compte fait, rien montré de sensationnel. N’ayant plus couru depuis la « Doyenne », toute contre-performance au Dauphiné ne sera pas de bonne augure pour un coureur ayant pris l’habitude de valider des échelons de préparation avant les grands moments. On en attend plus de sa part.
Rui Costa : Très régulier comme à son habitude, le Portugais collectionne depuis son titre de champion du monde à Florence les places d’honneur sur les plus grandes épreuves, sans agrandir son palmarès, chose qui lui était promise il y a deux années. Épié, et parfois de plus en plus emprunté, Costa sait aussi que chez Lampre, il représente la meilleure carte pour ramener de manière soutenue des points World Tour. Mais si il veut un jour briller au général du Tour de France, il ne va pas falloir trop tarder… Alors en 2015, l’ancien électron libre de Movistar a fait un sacrifice. Exit le Tour de Suisse, qu’il a remporté à trois reprises, et bienvenue le Dauphiné. Mais pour quel résultat ? Pratiquant la langue de bois, Costa se satisfera officiellement de tout top 10, mais il paraît évident qu’une neuvième place à Modane ne le comblera pas. La pression est désormais grandissante autour de lui, pour la bonne et simple raison qu’il n’a même pas encore ouvert son compteur de victoires. Fâcheux.
Mais aussi…
Nacer Bouhanni : Bien sûr, le transfert d’un sprinteur durant l’intersaison nécessite un temps d’adaptation plus ou moins long, ne serait-ce que pour perfectionner le train de l’homme véloce, développer les relations avec son nouvel entourage proche. Ces excuses légitimes qui couvraient le Français durant la période des classiques, n’ont plus vocation à refaire surface à cette période de l’année. Celui qui a dû attendre le Circuit de la Sarthe pour lever les bras, sait que tout le monde l’attendra au tournant sur la Grande Boucle. Seulement vainqueur sur des courses de seconde zone, et toujours battu par plus fort que lui sur les épreuves World Tour depuis l’hiver, Nacer Bouhanni aurait grandement besoin d’une victoire sur le Critérium du Dauphiné. Pour le coup, Kennaugh lui a déjà damé le pion, mais ils étaient quatre entre le coureur de Sky et le sprinteur de Cofidis à Albertville.
Thomas Voeckler : Peu en vue jusqu’ici, Thomas Voeckler a t-il encore les cannes pour nous éblouir de sa combativité et de son audace ? Indissociable de la formation Europcar, le baroudeur vendéen a marqué le pas sur les classiques, et n’a pu faire mieux qu’une troisième place au général du Tour du Yorkshire. Plus encore, il semble avoir cédé le leadership à Cyril Gautier dans son registre d’attaquant né. En 2013, son début de saison avait également été très perturbé, mais c’est sur le Dauphiné qu’il s’était ressaisi, remportant une victoire d’étape à Grenoble au terme d’une échappée. Pourrait-il retrouver le sourire d’ici la fin de la semaine ? Pour son manager Jean-René Bernaudeau, cela sera fondamental en vue des prochains championnats de France, et donc du Tour de France, autour duquel une tactique collective devra être soigneusement élaborée.
Bonjour,
Les coureurs mentionnés dans l’article sont sujets à des expectations de la part de leurs équipes respectives et plus globalement des observateurs, tout à fait. Néanmoins, elles sont à des degrés divers chez chacun d’entre eux, au travers de ce qui a été réalisé cette année et de ce qui est potentiellement faisable cette semaine et plus tard avec le Tour de France en toile de fond.
Vincenzo Nibali doit réaliser un bon Dauphiné pour en quelque sorte valider le bloc de travail effectué à Tenerife au cours du mois de mai et se positionner en vue de la grande échéance de juillet, même si de mon point de vue il n’y a pas matière à paniquer. A l’issue de l’édition 2012 du Dauphiné, il termine à une anonyme 28e place au général, à 1/4 d’heure (!) de Wiggins avant de remplir l’objectif qu’il s’était fixé, c’est-à-dire réaliser un podium au Tour (3e). L’an passé, il ne fait rien pour se faire remarquer en juin puisqu’il achève le Dauphiné en 7e position sans afficher ostensiblement ses atouts. La suite, on la connaît avec la consécration ultime sur les routes de Tour. Ensuite, la concurrence interne ne semble pas à l’ordre du jour puisque ni Aru ni aucun autre coureur de la formation Astana ne peut revendiquer la place de l’actuel vainqueur sortant du Tour, lequel n’a pas montré un fléchissement inquiétant au point de se poser la question de savoir par qui il peut être remplacé.
Concernant Andrew Talansky, son début de saison ne correspond vraiment pas à ses véritables aptitudes dans les courses par étapes. Sur Paris-Nice, il voit ses espoirs de figurer au classement général ruinés à cause d’une crevaison au pied de la Croix de Chaubouret puis chute assez violemment dès l’entame du Tour du Pays basque, ce qui tronque la fin de sa première période de courses. Tenant du titre au Dauphiné, il aura envie de bien faire après s’être ressourcé quelques semaines aux States. Top 10 envisageable en fin de semaine.
Son compatriote, Tejay Van Garderen, n’a pas été à la hauteur de sa réputation chez BMC, c’est vrai. Un étape en Catalogne, c’est bien peu au regard du niveau auquel il devrait évoluer mais en même temps, je trouve qu’il arrive sur sa meilleure période, celle du Tour de France avec ses 3 semaines permettant aux coureurs diesels de monter en puissance. C’est dans son registre « montées roulantes et chronos » qu’il doit être jugé, pas ailleurs. Faut le dire, il a encore du mal à exprimer l’entièreté de son talent quand la portion clm est réduite à peau de chagrin. Il doit cependant faire avec et tirer profit de ce qui lui reste, la montagne. A voir au cours de ce Critérium du Dauphiné s’il peut accrocher un bel accessit sans avoir de chrono individuel à se mettre sous la dent pour creuser des écarts sur ceux qui sont théoriquement moins doués que lui dans la spécialité, cela donnerait un aperçu de ce qu’il pourrait viser dans un Tour de France qui fait cette année la part belle aux purs grimpeurs.
Alors pour Rui Costa, une épreuve exigeante d’une semaine comme le Dauphiné – ou le Tour de Suisse – devrait constituer l’un de ses objectifs de la saison mais bon, il a décidé d’en faire un tremplin pour la Grande Boucle où il espère décrocher un top 10 voire mieux. Là il y participe pour fourbir ses armes mais je ne crois pas qu’il fait le bon choix – lui seul peut cerner ses limites. Le Lusitanien est typiquement le genre de coureur capable de bien faire pendant 7 à 10 jours avant de plier les ailes quand il s’agit de lutter à la régulière en troisième semaine. Je l’aurais bien vu en redoutable chasseur d’étapes au Tour et antérieurement un vainqueur potentiel du Dauphiné, or lui et sa formation ont voulu jouer la carte d’un bon classement général sur les deux épreuves. Déjà hâte de voir l’équipe Lampre au TTT.
Pour conclure avec Nacer Bouhanni et Thomas Voeckler, on peut synthétiser en affirmant que le premier est à la recherche de résultats afin de rendre légitime les attentes de ses employeurs dans l’optique du Tour et que le second, avec toute l’expérience et le vécu qu’on lui connaît, ne s’affole pas et attend patiemment que la roue tourne d’ici juillet. Nacer a débloqué son compteur avec Cofidis – 1e étape du Circuit de la Sarthe – après plusieurs semaines de rodage et souhaite maintenant briller avec sa nouvelle équipe à l’échelon supérieur – le WT en gros – tandis que Thomas, figure emblématique de la formation de Jean-René Bernaudeau, n’a pas une obligation de résultats immédiate. Il faudra peut-être attendre quelques semaines – le championnat de France probablement, on sait jamais avec lui – pour le revoir dans une condition suffisamment bonne pour peser sur la course. Après, l’apport de Voeckler est considérable, il demeure indispensable dans le groupe Europcar de par sa connaissance du métier et son aura.
Très bonne article mais je pense que vous oubliez Christopher Froome… Qui n’a rien prouver depuis la Ruta Del Sol… Très intéressant ce dauphine pour résumer l’article, il faut le suivre en vue de juillet mais nuancer les performances de juin qui né sont pas celles du Tour de France. (Nibali 2014)
Isaak Tu as raison Costa devrait viser des étapes au tdf au lieu de viser un top 10… Je le vois pas finir mieux que 10 ème au Tour de France cette année dommage…