Il nous avait fait croire l’an dernier qu’il disputerait le Giro dans la peau du leader de l’équipe Sky, avec bien sûr l’ambition de gagner. Au dernier moment, il avait déclaré forfait et laissé un boulevard à Quintana, mais il avait reporté le projet à 2015. Et nous y voici. Alors qu’il n’a encore rien prouvé sur trois semaines, il est le principal challenger de Contador : il ne va plus pouvoir se cacher.

Pourquoi il va gagner le Giro

Sa préparation a été parfaite. En janvier, Porte s’est mis en jambes, et n’a terminé « que » deuxième du Tour Down Under, chez lui. Mais depuis, il a tout simplement gagné partout où il est passé sur le circuit World Tour, que ce soit à Paris-Nice ou en Catalogne, ajoutant également le Tour du Trentin à son incroyable moisson. Et hormis sur l’épreuve espagnole, il a à chaque fois remporté une étape de montagne, histoire de se rassurer. Forcément, ça nous rappelle les saisons de Wiggins en 2012 et Froome en 2013, qui dans l’optique du Tour de France, avaient tout raflé dans leur préparation. Le principe est effectivement tout à fait similaire pour l’Australien, au détail près que lui vise le Giro et pas la Grande Boucle. Mais à quelques jours du départ, aucun de ses concurrents sur les routes transalpines ne l’a battu sur une course a étapes cette saison. Ça vous classe le bonhomme.

Il a changé ses habitudes cet hiver. Pendant le Tour du Trentin, Porte s’est confié au site espagnol Biciciclismo, et a assuré être cette saison à un niveau qu’il n’a jamais connu. « Je fais davantage attention à mon alimentation, même durant l’hiver : moins de bières, moins de vin, et plus de temps en compagnie de ma petite amie », expliquait-il. Une hygiène de vie des plus saines, qui correspond désormais avec la philosophie de la Sky. A quoi bon s’infliger des séances d’entraînement quasi inhumaines pour ruiner une partie du travail à cause de son régime ? Le Tasmanien a vraisemblablement mis quelques années à comprendre l’importance d’être méticuleux sur tous les points, mais pour briller sur une épreuve de trois semaines, c’était indispensable.

Il part avec le statut de leader. Sur chaque grand tour qu’il a disputé avec la Sky, Richie Porte a démarré dans la peau d’un équipier – il faut remonter à son époque Saxo pour le voir un peu plus libre. Sur le Tour 2012, il était là pour Wiggins, et le reste du temps, pour Froome. Alors oui, en 2014, il a dû suppléer son leader après que Froomey ait abandonné, mais ce fut un rôle qu’il n’attendait pas, auquel il n’était pas préparé. Cela peut expliquer qu’il ait échoué. Cette fois en revanche, il part avec une équipe bâtie autour de lui, et la ferme ambition – affichée depuis plusieurs mois – de remporter le Tour d’Italie. Une approche bien différente, qui lui a sans doute demandé plus de sacrifices, mais qui pourrait aussi lui donner plus de confiance et de motivation.

Pourquoi il ne gagnera pas le Giro

Il n’a jamais brillé sur trois semaines. Si les résultats de l’Australien sur une semaine sont remarquables, lorsqu’il s’agit de grands tours, c’est une autre histoire. Régulièrement, il est à la ramasse, malgré l’opportunité qui lui a parfois été offerte. Après l’abandon de Froome sur le dernier Tour de France, il a tenu douze étapes avant de craquer, perdant près de neuf minutes et ses espoirs au général. En 2013, lorsqu’il était le lieutenant du Britannique, idem. Il a tenu huit jours, avant de concéder dix-huit minutes sur une seule étape. Dans ses jours sans, Porte est donc incapable de limiter la casse, et on ne voit pas pourquoi ça changerait sur ce Giro. Si l’on remonte plus loin, au Tour d’Italie 2010, on trouve bien trace d’une septième place finale, mais elle est en grande partie due à l’échappée fleuve de L’Aquila. En troisième semaine, Porte pourrait donc revenir à la réalité, et connaître un nouvel échec.

Il va devoir assumer la pression. Si démarrer ce Giro avec le statut de leader évitera les ambigüités au fil de la course, cela va aussi demander à Porte d’assumer une pression assez nouvelle. S’il a pris l’habitude d’être parmi les favoris des courses d’une semaine, il n’a jamais pris le départ d’une épreuve de trois semaines sans un grand leader à ses côtés pour assumer la pression médiatique. Alors que tout le monde attend le duel entre l’Australien et Alberto Contador, le natif de Launceston sera chaque jour assaillit de questions sur la rivalité des deux hommes. Les positions au classement général seront épiées chaque jour, et s’il espère gagner, Porte devra aussi gérer le poids du maillot rose à un moment ou à un autre. Cela pourrait faire beaucoup pour un homme qui n’a presque aucune référence sur trois semaines…

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