Dimanche, sur l’exigeant circuit de Florence, la nation italienne retiendra son souffle dans un unique but, celui de voir l’un de ses représentants triompher a proximité du légendaire Duomo de la ville de la Renaissance. Pour cela, un homme représente à merveille les espoirs de tout un pays, Vincenzo Nibali. Mais, à force de le lui en demander, le Squale ne va-t-il pas craquer ? Peut-il se sublimer, encore une fois ?

Le point d’orgue d’une fabuleuse année ? 

Quoi qu’il en reste, on n’oubliera pas la saison 2013 de Vincenzo Nibali, sa première au sein de l’équipe kazakhe Astana suite à son départ de Liquigas. Après son échec d’impuissance face à la machine Sky sur les routes du Tour de France l’an passé, le Sicilien avait à cœur de remettre les pendules à l’heure. Ayant fait du Giro son objectif principal, il aurait pu voir d’un mauvais œil la venue en conquérant de Bradley Wiggins sur son tour national. Que nenni. Sûr de sa force et à l’aise sur des routes italiennes qui lui conviennent comme un gant, Nibali a remporté la course rose en patron, sans jamais montrer le moindre signe de faiblesse. Enchaînant avec un deuxième place sur la Vuelta derrière l’inatteignable Horner, le Requin de Messine en a d’ores et déjà eu pour son appétit, et s’apprête désormais à vouloir engloutir le gargantuesque parcours de Florence et ses 270 kilomètres, pour le si convoité maillot irisé. Un circuit qu’on a rapidement décrit comme l’un des plus durs du siècle – avec celui de Mendrisio en  2009 – avec ses deux difficultés. La première, le Fiesole, allant crescendo dans la pente durant cinq kilomètres, suivie d’une descente technique menant à un raidard assassin, la Via Salviati, 800 mètres à 12%. Malgré tout, l’arrivée est jugée en légère descente et donc favorable à des regroupements. Pas l’idéal pour le transalpin, mais le Nibali qu’on aime et qui suscite l’hystérie des tifosi a en soi le grain de folie suffisant pour faire basculer le course en sa faveur.

Excellent descendeur, il pourrait faire mieux que tirer son épingle du jeu, surtout qu’il est annoncé à Florence un temps exécrable pour dimanche, chose qu’il apprécie. Grand attaquant, il n’hésitera pas à partir de loin, quitte à surprendre une fois de plus. Ses estocades dans la Madonna del Ghisallo sur le Tour de Lombardie en ont marqué plus d’un, et il bénéficiera d’une foule acquise, prête à le galvaniser encore plus. Le triplé historique Giro-Vuelta-Mondiaux ne s’offrira pas à lui, mais il pourrait être le successeur à Greg LeMond, Champion du Monde et vainqueur d’un grand tour en 1989. Toutefois, à force d’en parler, est-ce que le Messinois ne tendrait pas à devenir l’unique favori de ce Mondial très indécis, sûrement parmi les plus ouverts de ces cinq dernières années ? Qu’importe, l’enjeu ne lui fait pas peur, c’est même ce qui le motive. Et après tout, pourquoi ne serait-ce pas dans les cordes de celui qui a terrassé Froome et Wiggins sur le territoire transalpin ? Dans le but de succéder à Paolo Bettini, double champion du monde durant le dernier âge d’or italien, et symboliser le renouveau du cyclisme italien fortement critiqué ces dernières années, Nibali sera un homme à surveiller de très près. La patrie attend déjà sa victoire !

Ne pas négliger la force collective

Mais ne nous enflammons pas trop vite. Du Nibali, on en voit partout et on entend à tous les coins de rue florentins, ce qui pourrait nous faire tomber dans la Nibalimania. Mais le Requin de Messine a beau être irrésistible, il n’est pas encore arrivé au stade du surhumain. Se défendant d’être une machine en prônant une version esthétique du vélo, Vincenzo Nibali ne peut pas tout faire et n’est donc pas le seul espoir d’une sélection azzuri pléthorique en talents bruts. Scarponi, Ulissi, Pozzato, Paolini, Gatto, Visconti, Vanotti et Nocentini seront également présents. Une pléiade de coureurs de grand talent qui ont tous la capacité de réaliser individuellement de grands Mondiaux. Collectivement, cela reste encore à prouver mais la quantité de frappe est énorme, et Paolo Bettini devra user d’un surnombre potentiel tout en gérant les égos de chacun. Sur ce point, la Squadra Azzura semble être bien rodée, en ayant désigné un leader net, et des solutions de rechanges. Scarponi devrait être le second de Nibali, tandis que Ulissi, Pozzato voire Visconti auront pour but de semer la pagaille. Mais si les attentes se basent sur un Squale de gala, on en aurait presque oublié ses péchés. Nibali est sûrement l’un des coureurs les plus généreux de ces dernières années sur un vélo, et devra gérer ses efforts pour ne pas craquer. De plus, si les grimpeurs n’arrivent pas à faire la différence dans les pourcentages les plus rudes de la Salviati, le maillot arc-en-ciel se jouera presque inévitablement au terme d’un sprint en très petit comité. Et dans ce cas, tout serait plus compliqué pour Nibali…

Comme nous l’a dit Gianni Savio, l’Italie devra opter pour une course d’attaque si elle veut voir le Requin triompher. Mais à contrario, les azzuri pourraient tenter de brouiller les pistes. On se souvient tous du scénario de Varèse. Paolo Bettini occupait le rôle de Nibali aujourd’hui, en plus grand. Et finalement, lorsqu’un gros groupe est parti avec les renards transalpins Cunego et Ballan, la maîtrise de la course s’est arrêtée net. Ce déroulement n’est pas à exclure sur un Mondial dont on le répète encore, est très ouvert. Si l’Italie assume le du poids de la course jusqu’au money time, attention aux déconvenues chez leurs adversaires. Un Filippo Pozzato voire un Diego Ulissi seraient bien inspiré de semer la zizanie et de coiffer sur le fil les cadors au terme d’une course débridée. Mais Nibali reste Nibali, un caractère à part entière qui ne connait pas ses limites, prêt à tout pour le simple enthousiasme de tifosi annoncés en masse sur le bord d’une route, et qui, en cas d’orage, pourrait voir le Squale marcher sur l’eau.

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