PLACE AU TOUR 10
Sur le Tour de France 2012, Van Garderen a tracté un Evans mal en point, avant de voler de ses propres ailes – Photo Roz Jones

Après avoir raté le possible back-to-back en 2012, l’équipe BMC se présentera sur la Grande Boucle avec cette fois-ci deux co-leaders, Van Garderen et Evans. Entre les deux, il y a 12 ans d’écart et deux générations complètement différentes. Alors que Cadel Evans représente la deuxième partie des années 2000, Tejay Van Garderen fait partie de cette nouvelle génération remplie de talent, celle des Quintana, Pinot ou encore Talansky. Désignés comme co-leaders dès le début de saison, les deux coureurs n’ont, à l’exception du Critérium international, participé à aucune course ensemble. Fin juin et malgré des programmes de préparation pour le Tour totalement différents, le leader n’a toujours pas été clairement annoncé et on se rapproche de plus en plus d’une équipe au service de deux leaders.

Cadel Evans encore leader ? 

Son Tour de France 2012 n’aura pas été de tout repos. Visant le doublé, le rêve du coureur australien s’est transformé en pur cauchemar. Malade et pas à 100 %, Cadel Evans a complètement craqué lors de la troisième semaine du Tour et a dû abandonner tout espoir de podium. Il a terminé cette 99e Grande Boucle en roue libre, à une piètre 7e place, plus de 4 min derrière son jeune coéquipier américain. Après une saison ratée, l’ancien champion du monde a tiré les leçons de son échec et semble plus motivé que jamais. Malgré un début de saison en demi-teinte, il a décidé de participer au Giro pour retrouver la forme. Venu pour accumuler les jours de courses, il est tout de même parvenu à monter sur le podium de la course rose, à la surprise générale. Si sa montée en puissance se confirme, l’ancien vainqueur du Tour pourrait jouer sa carte personnelle pour accrocher un énième podium sur un grand tour.

Cependant, en dépit de signes encourageants, Cadel Evans n’est plus en position de force chez BMC. À l’âge de 36 ans, le poids des années commence à se faire ressentir et il ne peut plus viser objectivement la victoire finale sur le Tour. Bien qu’encore très régulier, il n’arrive pourtant plus à suivre les grands grimpeurs sur les cols les plus difficiles, comme ce fut le cas lors du dernier Giro, où Nibali, Uran et même Betancur étaient largement au-dessus de l’Aussie. Dans ce cas de figure, la formation BMC serait plus encline à protéger le dernier maillot blanc du Tour que son leader historique qui leur a permis de gagner leur première course de trois semaines. La fatigue accumulée lors du dernier Giro se fera sûrement ressentir lors de ce Tour de France, et même si des coureurs comme Ullrich, Armstrong ou Rasmussen ont réussi à performer sur le Tour après une préparation sur les routes italiennes, Evans ne semble pas pouvoir suivre leur chemin. En 2010, l’homme de Katherine avait déjà tenté l’expérience, qui avait tourné en eau de boudin. Et les derniers coureurs à avoir essayé ce doublé Giro-Tour l’ont par ailleurs tous payé en fin de Grande Boucle. Cependant, n’ayant plus participé à aucune épreuve depuis son podium au mois de mai, Evans se prépare dans le calme, ce dont peu ont pu profiter. Alors, sait-on jamais…

Van Garderen enfin leader ?

11e étape, lors de la montée de la Toussuire, Cadel Evans craque et montre ses limites sur ce Tour 2012 qui ne lui réussit pas. Le seul coureur de son équipe encore présent est Tejay Van Garderen, le jeune coureur américain attendu pour succéder au Boss, Lance Armstrong. Portant le maillot blanc du meilleur jeune de l’épreuve, Van Garderen aide son leader, pour la dernière fois, avant de prendre leadership, à Bagnères de Luchon, où Cadel Evans perd tous ses espoirs de podium final. À 23 ans, il finit à une très belle 5e place tout en remportant avec lui le maillot du meilleur jeune, que seuls Greg Lemond et Andrew Hampsten avaient ramené outre-Atlantique. Alors que la transition était parfaite pour passer de l’ère Evans à celle Van Garderen, le rôle de leader n’est pas clairement défini en début de saison et la formation BMC ne semble pas faire pleinement confiance au jeune prodige américain, préférant ne pas trop froisser l’ancien vainqueur du Tour qui pourrait encore leur rapporter quelques résultats, malgré ses 36 ans.

Van Garderen a donc décidé de miser sa saison sur la Grande Boucle, en utilisant un programme restreint, ne participant qu’à six épreuves par étapes, soit 39 jours de courses. Il arrive à être régulier sur chacune d’entre elles, en finissant 7e sur le Tour de San Luis, 4e de Paris-Nice, 3e du Critérium International, vainqueur du Tour de Californie et 7e du Tour de Suisse. Mais malgré ses résultats encourageants, le gros problème de TVG reste son manque d’aptitudes en haute montagne. N’arrivant pas à peser sur les épreuves auxquelles il participe, il a la fâcheuse habitude d’être trop discret sur les étapes de montagne, où il s’efface habilement pour terminer placé mais derrière les meilleurs. Son manque d’expérience et de leadership dans la hiérarchie BMC lui font clairement défaut, mais son âge et sa fraîcheur devraient clairement l’avantager lors de cette Grande Boucle. Van Garderen représente l’avenir de la formation, alors que l’Australien fait de plus en plus partie du passé. Vouloir privilégier un trentenaire qui ne pourra pas faire mieux que son jeune équipier semble être totalement ridicule. Le maillot blanc du Tour 2012 paraît donc être la solution idéale pour l’équipe de John Lelangue, qui a besoin de rajeunir ses cadres et de miser, pour une fois, sur le long terme. La formation américaine devra donc choisir entre la jeunesse et sa loyauté envers l’ancien champion du monde, à moins qu’un des deux ne mette les choses au clair dès le début de l’épreuve.

Mehdi Khouch

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