En plein renouveau du cyclisme colombien, la pléthorique Team Sky peut se targuer de posséder dans ses rangs deux des meilleurs « escabarajos » du peloton. Rigoberto Uran, 26 ans et déjà deuxième du Tour d’Italie, accompagné de son ami Sergio Henao, 25 ans, tout aussi talentueux. La paire sud-américaine est réunie sur cette Vuelta, avec un objectif clairement affiché, jouer la gagne ! Mais peuvent-ils rivaliser avec l’élite espagnole , bien que débarrassés des Froome, Porte, Wiggins et consorts ?

Une complicité évidente

Si l’équipe Sky fait aussi la une des journaux par ses querelles internes, que ça soit entre le maître déchu Bradley Wiggins et le nouveau patron Chris Froome, cela ne risque pas d’être le cas sur le prochain Tour d’Espagne, à première vue. Pour éviter de nouveaux fiascos, les objectifs ont été définis à l’avance. Et l’éventuel poison Richie Porte est même écarté puisque ce dernier se focalise désormais sur le Giro 2014. Tout bénefice pour les deux compères ayant le champ libre sur une Vuelta dont ils auraient eu tord de ne pas cocher. Car le Tour d’Espagne de cette année nous propose un parcours d’une difficulté extrême avec pas moins de onze arrivées au sommet, parfaites pour des grimpeurs de poche de leur type. Si l’on rajoute les innombrables murs finaux, le terrain de jeu est donc parfaitement à la convenance de coureurs explosifs, et il n’est pas improbable de voir un Sergio Henao à l’affût faire le show dès la première semaine. Progressant régulièrement et surtout à vitesse grand V, ce dernier peut parfaitement prétendre à remplir son objectif de départ, qui consiste à ramener « une victoire d’étape et un top 5 au général. »

Le garçon avoue même rêver du podium, et il a de quoi. Car si la concurrence sur le papier est très alléchante, la condition physique et les objectifs de certains sont encore flous. Entre les sortants d’un Tour de France éprouvant et d’autres se préparant aux Mondiaux de Florence, le bluff va bon train dans les médias… Du côté de la doublette de Sky, la fraîcheur est de rigueur puisque le duo sort d’un Tour d’Italie qui a vu Uran terminer en solide dauphin de l’intouchable Vincenzo Nibali, qu’il retrouvera sur les routes espagnoles… Pour une revanche ? Cela sera compliqué, même dans un décor différent, mais le gros point fort des deux condors risque bien d’être leur complicité à toute épreuve. La main dans la main, ils peuvent nous dynamiter à souhait n’importe quel col où côte, et ont en eux le grain de folie pour faire basculer une course. Libérés de la stratégie tactique propre à Dave Brailsford envers un Chris Froome ou un Bradley Wiggins, le fameux train Sky risque de s’effacer au profit d’une équipe offensive, qui devra changer sa physionomie habituelle de course. Comme sur le dernier Giro, suite au fiasco Wiggo, il faudra attaquer, et on peut naturellement compter sur eux. L’équipe britannique peut se targuer d’avoir, sans doute, la meilleure paire de cette Vuelta dans ses rangs, à condition d’être bien utilisée…

Mais sur qui miser ?

Car si Henao et Uran semblent être soudés, le risque de voir les deux Colombiens se marcher dessus n’est quand même pas si improbable. De styles assez similaires, on peut très bien retrouver le duo dans la tête du classement après le contre-la-montre individuel de Tarazona. Mais ensuite, qui doit avoir la faveur de ses dirigeants ? Intrinsèquement, Rigoberto Uran est tout de même légèrement supérieur sur trois semaines, lui qui a déjà fait deuxième d’un grand tour et qui a un peu plus d’expérience au haut niveau que son compatriote. L’ancien de la Caisse d’Épargne apparaît comme le plus apte à suivre les meilleurs en haute montagne, ainsi que le plus endurant physiquement. Cependant, ces dernières années, on a appris à voir le Colombien en forme dans les toutes dernières semaines de la saison. Cette fois, avec en plus des Mondiaux qui lui correspondent comme rarement, il pourrait décider de se préserver un tant soit peu…

Si cette option est choisie par le vice-champion olympique de Londres, il pourrait laisser Sergio Henao tenter pour la première fois sa chance en tant que véritable leader sur trois semaines. Neuvième pour son premier Giro, en 2012, Henao ne cesse depuis de gravir les échelons du cyclisme mondial. Deuxième d’une Flèche wallonne au fort accent hispanique, il est arrivé sur le Tour d’Italie dans la peau du chien de garde de Bradley Wiggins, mais, visiblement émoussé de ses efforts printaniers, n’a pas saisi la perche que lui a tendu l’Anglais après son abandon, profitant à l’opportuniste Uran. Cette fois, il compte bien s’imposer et possède peut-être le petit plus sur les cols ibères, très pentus, qui lui vont comme un gant. Dans une configuration de course de côte et d’explication finale dans la dernière difficulté, il peut largement tirer son épingle du jeu. Reste encore une dernière question : n’ont-ils pas déjà atteint leur meilleur niveau ? La réponse, on l’aura sur la route, et compte tenu du parcours, il sera impossible de se cacher !

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