Meilleur grimpeur du dernier Giro, Stefano Pirazzi est depuis quelques années remarqué dans le peloton comme un formidable baroudeur, capable de se lancer dans des épopées héroïques en solitaire, à travers la haute montagne, son terrain de prédilection. Une nouvelle fois très offensif tout au long du Tour d’Italie 2014, le grimpeur de la Bardiani a pris la bonne échappée en ce mercredi, et fait taire ses détracteurs en décrochant la troisième victoire d’étape de sa formation depuis le prélude irlandais. Un succès à la manière du parfait chasseur d’étapes, à la Pirazzi.

Il lève enfin les bras

Toujours à l’avant, à l’initiative des bons coups, Stefano Pirazzi avait jusqu’à présent toujours pêché dans la finition, hormis son coup de maître de l’an passé, où il ramena à la maison le maillot bleu de meilleur grimpeur. On se souvient de sa déconvenue sur les mêmes routes transalpines en 2012, au terme de la montée de la Rocca di Cambio, ou bien même lors de l’étape du Vajont en 2013. Préférant prendre tous les risques afin de passer seul en tête au sommet des cols les plus mythiques, dont le Mont-Cenis il y a douze mois, l’étape n’était devenue que la cerise sur le gâteau géant offert par un coureur au caractère fort à sa modeste écurie Bardiani-CSF, dirigée par la famille Reverberi. Déjà victorieuse l’an dernier grâce à Enrico Battaglin, la Green Team a carrément triplé son score en 2014 par leur même figure de proue à Oropa, mais surtout avec un Marco Canola des grands jours à Rivarolo Canavese, et un Stefano Pirazzi transcendé aujourd’hui. Il faut dire que le natif d’Alatri avait de quoi se mordre les doigts après ses ratés de Montecopiolo, Sestola et Savone, où les opportunistes ont souvent eu raison. Réalisant l’échappée belle comparable au doux rêve d’une équipe Europcar sur les éditions récentes du Tour de France, Pirazzi a pris les commandes de la course avec ses deux compères Boem et Canola, qui ont gagné à la surprise générale le match tactique du final de l’étape contre la troupe OPQS emmenée par Thomas De Gendt, très remuant sur le chemin de Vittorio Veneto.

Cette 17e étape, Pirazzi l’avant sans doute coché comme étant une chance certaine de pouvoir disputer la victoire aux autres baroudeurs du peloton, au cœur d’une troisième semaine qui ne laisse presque aucun répit. Déjà très remontées par le scénario dantesque de la veille, au milieu de la neige, les équipes Omega, Trek et BMC ont quasiment forcé le peloton à adopter un rythme d’économie, tandis qu’un groupe de 25 se voyait accordé un bon de sortie généreux. A aucun moment, les équipes de sprinteurs ou de leaders n’ont voulu se donner une quelconque peine à combler un écart augmentant à une vitesse galopante, pour atteindre les 15 minutes. Seul Damiano Cunego verra son patronyme remonter de quelques places au classement général de ce soir, mais avec les écarts ahurissant promis à cette fin de Tour d’Italie, l’incidence est minime. C’était alors la meilleure journée possible pour Stefano Pirazzi, qui a parfaitement su tirer son épingle du jeu, en accompagnant Thomas De Gendt lors de ses attaques, et en utilisant à merveille la supériorité numérique de son équipe. Entre un McCarthy se contentant d’accrocher la roue d’un Montaguti impressionnant, et présumé comme le plus rapide dans un sprint à cinq, et d’autres adversaires assez passifs, ce fut un jeu d’enfant pour le septième du dernier Tour du Trentin, qui prit la poudre d’escampette à la flamme rouge.

Plus qu’une victoire, un symbole

Mais non content d’avoir rompu la malédiction qui l’empêchait de tirer le gros lot lors des moments importants des fins d’étapes du Giro, l’ami Pirazzi y a glissé sa touche personnelle en adressant de manière franche un bras d’honneur au moment de passer la ligne d’arrivée. Un geste fort, qui devrait surtout retentir du côté des observateurs s’étant fortement attaqués à sa tactique de course, jugée comme inadéquate, selon certains digne d’un junior souhaitant rivaliser avec les grands. Des petits mots par-ci et par-là qui n’auront pas échappé aux oreilles du coureur de 27 ans, désireux de mettre les choses au clair et de faire respecter la loi du plus fort en cette journée. Un grand lot de consolation pour quelqu’un qui n’était pas verni en première semaine, piégé par les chutes et autres faits de courses à répétition. Pourtant, avant le départ irlandais, il affirmait, dans la continuité de son Tour du Trentin, vouloir pour la première fois viser la classement général. Ce qui impliquait de laisser de côté les épopées souvent vouées à l’échec pompant une énergie monstrueuse.

Mais cet objectif devenu rapidement irréalisable, les – bonnes ? – vieilles habitudes sont revenues. Le cœur s’est remis en marche au profit de la raison, chez un forçat de la route italien toujours obnubilé par les échappées au long cours. Alors il aurait certainement préféré s’imposer au sommet du Montecampione ou du Zoncolan, de manière plus héroïque, mais cette étape restera à coup sûr gravée dans sa mémoire comme un sommet dans sa carrière, et peut-être même comme un point de départ vers des objectifs futurs différents. Pas de quoi faire oublier sa réputation d’homme à poigne, au sang chaud, mais toujours courageux. Un Italien qui réunit les clichés, et qui fait qu’on l’aime, ou qu’on le déteste.

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