À un mois du début de la saison 2016, il est temps de se pencher sur les transferts de l’hiver. D’autant plus que certains d’entre eux prêtent à débat. Premier à passer sur le gril, Pierre Rolland. En signant chez Cannondale, il offre un véritable tournant à sa carrière. Mais ce n’est pas sans risque.

Une bonne idée, par Alexis Midol-Monnet

Alors qu’il était confortablement installé dans un fauteuil de leader indiscutable chez Europcar, Pierre Rolland a décidé de relever le challenge le plus compliqué de ceux qui lui étaient proposés en s’exilant chez Cannondale-Garmin. Un véritable pari puisqu’il sacrifie tous ses repères pour s’intégrer dans une équipe au fonctionnement singulier, sous la houlette d’un exigeant Jonathan Vaughters. Là bas, le Français sera attendu pour palier le départ du charismatique canadien Ryder Hesjedal. Le spécialiste des courses par étapes avait remporté un Tour d’Italie grâce à sa fameuse grinta, et un sens de l’abnégation hors du commun. S’inscrire dans cette lignée sera l’objectif de Rolland en 2016. Pour ça, il devra développer encore un peu plus sa palette de grimpeur et trouver la combinaison optimale entre la gestion et son goût certain pour l’offensive. Pour atteindre cette voie du perfectionnement, il ne fait aucun doute que la rentrée de janvier sera prédominante. Pour pouvoir agir de manière encore plus décomplexée, l’ancien maillot blanc du Tour de France 2011 devra incontestablement valider des points de passage. Si son programme n’a pas encore clairement été dévoilé, c’est bien le Tour de France qui constituera son objectif clé. Alors, pourquoi ne pas y arriver métamorphosé en faisant le choix de l’innovation, après sept années aux côtés de Jean-René Bernaudeau ? Suivre ce dernier pour une énième aventure aurait signifié la volonté de s’enliser en Continental Pro.

Critiqué pour son relâchement et sa certaine inconstance, le quatrième du Giro 2014 côtoiera un groupe bien plus solide que celui de ses anciens partenaires pour gérer le stress des étapes intermédiaires lors des grandes courses par étapes. Puis, plongé dans une autre philosophie d’entraînement, il sera rapidement mis face à ses responsabilités dans l’exercice du contre-la-montre. Souvent négligé chez les équipes françaises, le chrono est méticuleusement travaillé de l’autre côté de l’Atlantique, et fait partie intégrante d’une approche anglo-saxonne rigoureuse du cyclisme. Rassuré par les éloges récitées à son égard depuis l’annonce de son transfert, Rolland pourrait également se plaire dans la peau d’un chef de troupe. Totalement remaniée, la structure Cannondale-Garmin a recruté pas moins de douze coureurs. Parmi eux, Rigoberto Uran, un autre spécialiste des classements généraux. Mais la concurrence entre les deux hommes devrait être laissée de côté afin de maximiser leurs chances de réussite. Si Uran aura carte blanche sur les classiques et le Giro qu’il connaît comme sa poche, Rolland aura les faveurs de ses meilleurs équipiers sur des courses comme Paris-Nice et le Tour de Catalogne. Capable d’exceller dans à peu près tous les cas de figure, il semble capable de franchir un cap et d’exporter son talent. Tous les feux semblent au vert pour franchir un nouveau palier.

Une mauvaise idée, par Robin Watt

Après des semaines à vivre sans savoir de quoi 2016 serait fait pour l’équipe de Jean-René Bernaudeau, Rolland a fait le choix de signer ailleurs. Une initiative louable : à 29 ans et après un nouveau top 10 sur le Tour, il était temps pour lui de découvrir l’étranger. Mais l’impression d’un choix par défaut n’est pas totalement dissipée. Fin août, l’ancien du Crédit Agricole a dû faire un choix : quitter Europcar n’était sans doute pas dans ses plans, mais en attendant trop longtemps il aurait pris le risque de se retrouver sur le carreau. Alors il a dit oui à Jonathan Vaughters. Mais le manager de la Cannondale-Garmin, pour le moment, ne semble pas considérer Rolland comme un véritable leader. À sa signature, il l’a même comparé à Thierry Claveyrolat. L’Américain, fan de « l’Aigle de Vizille » durant ses années pros, y a sans doute vu un compliment. Mais la comparaison montre surtout qu’il voit en Rolland un coureur capable d’exploits sporadiques, et pas un grand leader autour de qui on peut axer la saison de toute une équipe. C’est pourtant ce qu’aurait dû chercher « Pierrot » en donnant un tournant à sa carrière. Partir, dans ses meilleures années, jouer les électrons libres dans une équipe plutôt en retrait sur la scène internationale n’est pas le plan de carrière idéal.

Surtout que chez Cannondale, Rolland va faire la connaissance d’Uran, un autre grimpeur de renom, et de Talansky, ultime leader « historique » de l’équipe. L’Américain, proche de Vaughters, pourrait avoir quelques passe-droits sur certaines épreuves. Quant à Uran, avec deux podiums sur le Giro, il devrait avoir le privilège d’être seul leader sur la course rose. Résultat, Rolland devra se contenter des épreuves d’une semaine et du Tour de France, où il sera encore l’une des principales attraction. Comme en 2014, lorsqu’il avait terminé quatrième du Tour d’Italie, on aimerait pourtant le voir s’éloigner de l’Hexagone et courir là où les médias ne le suivent pas avec insistance chaque jour. Car bien sûr, ce transfert va beaucoup lui apporter. Au sein de l’équipe américaine, il devrait progresser au niveau du chrono et de la science de la course, tout en bénéficiant d’une plus grosse équipe pour l’encadrer sur les courses par étapes. Mais si c’est pour conserver le même programme que chez Europcar et ne pas être davantage considéré par son manager, alors il y aurait forcément un goût d’inachevé.

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